De l’assouplissement quantitatif pour le peuple

Le 19 novembre 2014 à 12h02

Modifié 10 avril 2021 à 4h25

OXFORD – C’est maintenant une quasi-certitude : d'ici la fin de cette année, la baisse des prix des matières premières et de l’énergie pousseront l'inflation annuelle dans la zone euro en dessous de zéro – bien en-deçà de la cible de la Banque centrale européenne d’un taux proche de 2%. Au lieu de continuer à laisser une pensée conventionnelle malavisée, centrée sur l'idéologie économique allemande, empêcher toute action efficace, la BCE doit mettre en œuvre un assouplissement quantitatif (QE) «pour le peuple» – une adaptation de la stratégie du «helicopter drop» de Milton Friedman – pour inverser la déflation et remettre la zone euro sur les rails.  

Dans la situation actuelle, la politique monétaire conventionnelle a eu – et un QE à l'américaine aura – peu d'impact sur les pays du noyau dur de la zone euro. Ceci peut être expliqué en partie par le fait que les marchés financiers participent beaucoup moins à l'octroi de crédit dans la zone euro (où les banques sont plus importantes) que dans les Etats-Unis. En conséquence, faire baisser les rendements des obligations souveraines, d’entreprises et adossées à des actifs a moins d'impact.

En même temps, le taux de change de l'euro – le seul mécanisme par lequel les politiques actuelles pourraient encore faire une différence – ne peut pas être poussé beaucoup plus bas. Tout d’abord, étant donné l'énorme excédent commercial de la zone euro, une telle politique rencontrerait une forte résistance internationale. En outre, les mécanismes par lesquels les achats de titres adossés à des actifs de la Réserve fédérale américaine stimulent les dépenses de consommation – les faibles taux hypothécaires, le refinancement hypothécaire facilement accessible, les prix immobiliers élevés et les diminutions de valeur immobilière nette  – fonctionnent différemment dans la zone euro.

En Allemagne, en France et en Italie, une augmentation des prix immobiliers incitent les non-propriétaires à économiser davantage pour l'acompte et inspirent la prudence chez les locataires, qui attendent de futures hausses de loyer. Et la richesse immobilière des propriétaires existants ne se traduit pas par une forte augmentation des dépenses, étant donné le manque d'accès à des prêts sur la valeur nette ou à un refinancement hypothécaire bon marché. Enfin, dans des pays comme l'Allemagne, où les dépôts bancaires et d’épargne des ménages dépassent de loin leur dette, les taux d'intérêt plus faibles réduisent les dépenses totales des ménages.

Un autre facteur entravant l'impact de l'assouplissement quantitatif dans la zone euro est la faiblesse des rendements obligataires, qui, en augmentant les déficits mesurés des fonds de pension, rendent certaines entreprises hésitantes à investir et donc plus susceptibles d'augmenter les taux de cotisation et de limiter les prestations de retraite. Aux États-Unis, des hypothèses plus généreuses en matière de taux d'actualisation sont utilisées pour calculer le passif des fonds de pension.

Enfin, un QE à l'américaine, en particulier, a tendance à avoir des conséquences négatives sur la distribution des revenus, car il canalise davantage d'argent vers les riches, qui ont une plus faible propension à dépenser et ne donne pas grand-chose aux personnes plus pauvres qui consommeraient plus. Dans la zone euro, la question de la distribution des revenus est particulièrement complexe, étant donné que les différences institutionnelles entre les pays peuvent donner l'impression qu’il existe des discriminations entre eux.

De toute évidence, la BCE doit élaborer une stratégie qui fonctionne dans le système unique de la zone euro, au lieu de continuer à suivre l'exemple de la Fed. Une telle stratégie devrait être fondée sur l'affirmation de Friedman que des «helicopter drops» – émettre de grandes sommes d'argent et les distribuer au public – peuvent toujours stimuler l'économie et lutter contre la déflation. Mais, afin de maximiser l'impact d'une telle opération, la BCE devrait également trouver un moyen d'assurer une répartition équitable.

Une solution simple serait de distribuer les fonds aux gouvernements, qui pourraient alors décider de la meilleure façon de les dépenser dans leurs pays. Mais la règle de la zone euro qui empêche l'utilisation de la BCE pour financer des dépenses publiques condamne cette approche.

Une option plus réaliste, donc, serait de fournir à tous les travailleurs et retraités disposant d’un numéro de sécurité sociale (ou de l'équivalent local) un paiement de la BCE, les gouvernements ne faisant que contribuer à la distribution. Une alternative consisterait à utiliser le registre électoral, une base de données publique que la BCE pourrait utiliser indépendamment des gouvernements.

Sur les quelques 275 millions d'adultes disposant d’un numéro de sécurité sociale dans la zone euro, 90% sont inscrit sur la liste électorale. Si l’on extrapole à partir de l'expérience des USA en 2001, quand une remise de 300 dollars par personne sur les frais de sécurité sociale avait stimulé la dépense à hauteur d'environ 25% du montant total distribué, un chèque de 500 dollars (640 dollars) de la BCE pourrait augmenter les dépenses d'environ 34 milliards d’euros, soit 1,4% du PIB. Les recettes fiscales supplémentaires générées par ce transfert permettraient de réduire les déficits publics de façon significative.

Au-delà de sortir l'économie de la zone euro de la déflation, une telle initiative aurait des avantages politiques énormes, car elle permettrait de réduire le ressentiment envers les institutions européennes, en particulier dans des pays en difficulté comme la Grèce et le Portugal, où un supplément de 500 euros aurait un impact particulièrement fort sur les dépenses. De cette manière, la BCE pourrait prouver aux citoyens mécontents et aux investisseurs qu'elle prend son objectif d'inflation très au sérieux, et pourrait même aider à endiguer la montée des partis nationalistes.

Evidemment, certains pays – en particulier l’Allemagne – s’opposeront probablement à cette approche en rassemblant des arguments portant sur la prudence et la responsabilité. Mais le fait est que «l'argent livré par hélicoptère» pourrait fonctionner – et rien dans la législation de la zone euro ne l'interdit.

Après des années d'austérité, de luttes intestines et de chômage, il est temps de mettre en œuvre un programme d'assouplissement quantitatif capable d’apporter une solution aux problèmes de l'Europe.

Traduit de l’anglais par Timothée Demont

© Project Syndicate 1995–2014

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