Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Assemblée générale des Nations Unies, demandez le programme

Le 21 septembre 2023 à 15h19

Modifié 21 septembre 2023 à 15h19

Chaque année au mois de septembre, l’Organisation des Nations-Unies tient son Assemblée générale à son siège de New-York. Tous les pays s’y font représenter, soit par leurs chefs d’État ou par leurs représentants. Ils y prononcent un discours, prennent part aux débats, et échangent avec leurs homologues dans le seul objectif de défendre les intérêts de leurs nations.

Cet exercice annuel est d’importance capitale dans la sphère géopolitique mondiale. Il résume les grands défis qui se présentent à l’humanité, tout en donnant un aperçu sur les politiques qu’adopteront les cinq permanents du Conseil de sécurité. Les autres pays saisissent également cette occasion pour exposer leur politique et défendre leurs choix stratégiques. À l’instar de la rentrée politique au niveau des Etats, l’Assemblée générale est à coup sûr le signal de la rentrée politique multilatérale pour l’année qui s’annonce.

Pour tous ceux qui s’intéressent à l’international, ce rendez-vous annuel est devenu incontournable. Chercheurs, journalistes et diplomates suivent les interventions des représentants des différentes nations pour détecter les nouvelles décisions et le sens que prendront les débats. En l’espace de quelques jours de discussions formelles et de rencontres bilatérales, on est en mesure d’établir les grandes tendances politiques des pays qui comptent.

La session de cette année a été dédiée aux objectifs de développement durable, ODD. Ceux-ci sont de l’ordre de dix-sept objectifs adoptés par les Nations Unies en 2015 pour éradiquer la pauvreté et protéger la planète. Comme la communauté internationale avait décidé d’atteindre ces objectifs en 2030, les Nations Unies ont estimé, qu’à mi-parcours, il était temps de les rappeler aux yeux du monde, en ces temps de crises.

Pour le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, ces objectifs concernent les espoirs, les rêves, les droits et les attentes des populations à travers le monde, ainsi que la bonne santé de notre environnement naturel. Il a appelé à cette occasion à un plan de sauvetage pour réparer les injustices historiques, panser les divisions mondiales, et mettre notre monde sur la voie d’une paix durable. Mais dans le fracas des guerres et de la confrontation entre grandes puissances, peu sont ceux qui ont prêté attention à ces annonces.

La session de cette année abordera également le financement du développement et la mobilisation des ressources nécessaires à la réalisation des ODD. Elle s’intéressera aussi au climat pour trouver des solutions crédibles sérieuses et innovantes en matière de protection de l’environnement pour répondre à l’urgence de la crise climatique. Enfin, les pays membres se pencheront sur les questions sanitaires et les pandémies qui continuent à menacer notre monde.

Ce n’est un secret pour personne que les objectifs de développement durable stagnent au niveau international, et même régressent dans certaines contrées, comme en Afrique. Les pays en développement saisiront cette occasion pour se réengager dans ce vaste programme, au moment où des pressions occidentales s’exercent sur eux pour les éloigner de la Russie. En réalité, ils ont compris qu’il est de leur intérêt de tirer avantage des antagonismes entre les grandes puissances pour imposer leur propre agenda.

Si la confrontation est ouverte entre la Russie et l’Occident, la Chine semble, au contraire, bien s’accommoder de la programmation de cette année qui semble ne pas trop lui déplaire. Pékin accorde aux pays en développement des prêts sans compter pour aider au développement, favoriser la construction des infrastructures nécessaires aux nouvelles routes de la soie, et renforcer son maillage sur l’économie mondiale.

L’Assemblée générale qui attire les délégations des quatre coins de la planète n’est pourtant qu’un des six organes de l’ONU. Elle est certes composée de tous les membres, mais ne joue qu’un rôle consultatif dans les questions relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationale. Contrairement au Conseil de sécurité qui a des pouvoirs exécutifs, les conclusions de l’Assemblée n’ont qu’une valeur de recommandations, sauf quand il s’agit de nommer le Secrétaire général de l’Organisation ou les membres non-permanents du Conseil de sécurité.

Souvent les décisions les plus importantes lors de cette assemblée proviennent des réunions parallèles entre les dirigeants, soit pour régler un différend, soit pour s’entendre sur une question d’intérêt bilatéral. Les pays saisissent ainsi cette occasion de diplomatie multilatérale, pour nouer de nouvelles relations, faire évoluer les positions, coordonner des actions communes, et défendre ainsi leurs intérêts respectifs au sein de cette institution.

De toutes les interventions des chefs d’État par le passé au sein de l’Assemblée générale, certaines sont restées mémorables par leurs portées historiques ou par leurs extravagances. On se rappelle celle du palestinien Yasser Arafat chef de l’OLP et son discours appelant à la reconnaissance de la Palestine en 1974. Celui de Nikita Khrouchtchev a pris une autre dimension pendant la guerre froide, quand il a brandi sa chaussure à l’estrade pour exprimer sa colère face à l’Occident.

C’était généralement les pays alliés à Moscou qui criaient leur colère dans le siège de l’ONU qui, à leurs yeux, était le temple du capitalisme. Fidel Castro y a tenu en 1960 un discours de plus de quatre heures, alors qu’il est tenu à ne pas dépasser quinze minutes, dénonçant le grand capital qui exploite les pays les plus humbles de la planète. Bien plus tard en 2006 c’est le président du Venezuela Hugo Chavez qui qualifiât son homologue américain de diable et que le podium sur lequel ce dernier s’était exprimé sentait encore le souffre.

L’Algérie s’est toujours inscrite dans cette même logique de confrontation avec l’Occident au sein de l’ONU. Elle n’a jamais caché son soutien aux régimes militaires comme celui de Cuba ou du Venezuela. Elle coordonne bien à l’avance ses interventions avec ces pays pour se soutenir alternativement lors des débats et des votes. Durant la guerre froide, ses diplomates se pavanaient sans scrupule dans les couloirs des Nations Unies, se mesurant ainsi aux révolutionnaires latino-américains. Le dossier du Sahara marocain est tout ce qui lui reste aujourd’hui pour maintenir cette alliance et contrer les intérêts marocains au sein de l’ONU.

Mais les responsables algériens oublient allègrement qu’au sein de cette même Assemblée générale, le roi Mohammed V est venu en personne, lors de la session de 1957, défendre le droit des Algériens à l’indépendance. "Nous croyons que le peuple algérien, tout comme les autres peuples, a le droit inaliénable de choisir son destin et de décider librement de son sort conformément aux principes de la charte des Nations-Unies", avait-il annoncé à son auditoire.

Ce discours avait renforcé le soutien international à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, alors que les combattants algériens faisaient du Maroc, et de Oujda, leur base arrière de combat. Il a également contribué à faire progresser la cause de la décolonisation dans toute l’Afrique puisqu’il a été salué aussi bien par le Front de libération national, FLN, algérien que par de nombreux pays du tiers-monde notamment les mouvements d’indépendance en Afrique.

Des années plus tard, le roi Hassan II prononça un discours au sein de l’Assemblée lors de sa session en 1981. Il y a abordé la question du Sahara marocain et celle du Moyen-Orient dans des termes policés et courtois qui tendent vers la recherche de solutions pacifiques aux conflits régionaux. "La vérité est que nous ne nous ingérons dans les affaires d’aucun pays, et que nous nous engageons résolument dans la voie du dialogue pour le règlement pacifique des conflits", annonçait-il.

En raison du ton modéré et de la main tendue, ce discours a contribué à renforcer la réputation du défunt roi en tant que médiateur et promoteur de paix notamment au Moyen-Orient. Il a fait du Maroc un lieu où se retrouvent toutes les bonnes volontés pour prendre les décisions majeures, comme l’institution de l’Organisation mondiale du commerce, OMC, à Marrakech en 1994, ou les réunions tenues pour pousser palestiniens et israéliens à aller vers une paix juste.

C’est pour tout cela que les Assemblées générales des Nations Unies constituent le lieu où se reflètent les identités des nations, entre ceux qui prônent la paix, l’harmonie et la concorde, et ceux qui viennent pour imposer leur agenda, aiguiser les conflits, et se faire entendre pour exister. Elles sont à l’image de la diversité et de la complexité de notre monde. Mais cet exercice annuel reste d’une grande richesse pour tous ceux qui s’intéressent aux relations internationales et à l’évolution de notre monde contemporain.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

A lire aussi


Communication financière

SRM: LES INDICATEURS TRIMESTRIELS AU 31 MARS 2024

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.