Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Allemagne : d’Angela Merkel à Olaf Scholz

Le 30 décembre 2021 à 10h57

Modifié 30 décembre 2021 à 10h57

Après quatre mandats à la tête de l’Allemagne, la chancelière Angela Merkel, de l’Union Chrétienne démocrate CDU, a cédé sa place à son vice-chancelier et ministre des finances, Olaf Scholz du Parti Social-démocrate SPD. Durant seize années au pouvoir, elle a imprimé l’image dune femme déterminée tenant tête aux autres dirigeants, à commencer avec l’américain Donald Trump avec qui elle avait des relations tendues.

Très populaire en Allemagne, comme dans les autres pays européens, par ses initiatives, elle s’est trouvée catapultée leader du monde libre en raison de son attachement aux valeurs démocratiques, à la liberté et à la justice, face à l’isolationnisme prôné autrefois par Trump. L’une de ses grandes décisions fût, à coup sûr, l’accueil contre vents et marées, d’un million de réfugiés chez elle.

C’est certainement cette décision, parmi tant d’autres, qui a contribué à l’entrée, pour la première fois au parlement, d’une formation de l’extrême droite allemande, et de la perte des élections au profit du parti SPD dirigé par Olaf Scholz son allié d’hier. Dès l’annonce des résultats, celui-ci forma une nouvelle coalition regroupant les sociaux-démocrates (SPD), les libéraux (FPD) et les Verts. Un gouvernement de gauche, au moment où l’extrême droite européenne renaît dangereusement de ses cendres.

Le partage des tâches entre les trois partis a donné à la SDP les ministères de la santé, intérieur, travail et affaires sociales, défense, constructions et habitations, et coopération économique et développement.

Quant aux libéraux du FDP, ils ont hérité la justice, transport et numérique, éducation et recherches. Pour les Verts, force politique incontournable sur l’échiquier allemand, ils ont obtenu les affaires étrangères, l’économie et le climat, la famille femmes et jeunesse, l’alimentation et l’agriculture, et enfin environnement et protection des consommateurs.

C’est le quatrième gouvernement allemand depuis le dernier conflit mondial qui est dirigé par un social-démocrate en la personne d’Olaf Scholz. Celui-ci, figure marquante de la scène politique allemande, traine derrière lui une grande expérience de commis d’État en tant que maire de Hambourg, ministre du travail, puis ministre des finances et vice-chancelier sous Merkel. Pour le remplacer aux ministères des finances, il a choisi Christian Lindner, chef des libéraux (FDP) pour continuer les réformes amorcées sous Merkel.

La parité a été scrupuleusement respectée dans la composition de ce gouvernement. C’est la première fois que des dames dirigent des départements stratégiques comme le ministère de l’intérieur, confié à Nancy Faeser, ou les affaires étrangères, dirigé par Annalena Baerbock. La première est issue du même parti du chancelier tandis que la seconde est issue du parti des verts. Elle est aussi la plus jeune à chapeauter la diplomatie de son pays qui, par le passé, a été dirigée par un autre écologiste en la personne de Joschka Fischer.

Sur le plan intérieur, la nouvelle coalition devrait répondre aux attentes des Allemands en termes d’emplois, de protection sociale, et de croissance. On saura si les promesses, comme la construction de 40.000 logements, ou l’augmentation du salaire minimum à 12 euros l’heure, seront tenues, et si des investissements solides, dans les secteurs liés au climat et à la digitalisation, verront le jour.

On ne sait comment les investissements promis peuvent être réalisés par cette coalition alors qu’elle a annoncé son refus d’augmenter les impôts et son désir de maintenir l’endettement à son niveau actuel. Elle a cependant admis que cette rigueur budgétaire ne sera atteinte qu’en 2023, et que l’année 2022 sera encore marquée par la gestion de la pandémie Covid et ses effets induits sur l’économie et les finances du pays.

Parmi toutes les réformes promises, celles relatives au climat occupent une importance particulière. Le gouvernement allemand compte accélérer l’extension des énergies renouvelables par l’adoption de nouvelles lois obligeant les bâtiments commerciaux et industriels à installer des toits de panneaux solaires, l’objectif étant de sortir du charbon en 2030, au lieu de 2038 comme prévu initialement.

Mais c’est au niveau international où les défis, qui attendent la jeune Annalena Baerbock, ne seront pas du tout repos. La gauche allemande est maintenant au pouvoir alors que plusieurs de ses voisins sont déjà gouvernés par l’extrême-droite et que la France, l’autre allié stratégique au sein de l’Union-européenne, risque de subir la même déferlante lors des élections présidentielles de mai prochain.

Mais l’arrivée de cette coalition coïncide avec la présidence de l’UE par la France, où Emmanuel Macron affute ses armes pour préparer sa réélection. Les deux pays se confrontent sur plusieurs sujets, dont le plus saillant reste l’utilisation de l’énergie nucléaire. Paris ne veut pas abandonner cette énergie, et compte même accélérer la construction de centrales nucléaires, alors que Berlin s’y oppose farouchement, et préfère s’orienter vers les énergies renouvelables et le gaz russe.

Et c’est en direction de la Russie, et de ses prétentions à l’égard des pays européens frontaliers comme l’Ukraine, que beaucoup attendent la position de la nouvelle ministre des affaires étrangères. Va-t-elle être beaucoup plus ferme vis-à-vis de Moscou ? ou sauvegardera-t-elle la même politique adoptée sous Merkel ? Une chose est sûre, le chancelier Scholz gardera, pour un temps encore, un droit de regard direct sur la diplomatie de son pays.

Par ailleurs, la diplomatie allemande semble depuis longtemps inquiète de la montée en puissance de la Chine, vue à Berlin comme un concurrent économique et un rival politique. Mais toute opposition à ce géant se fera, de préférence, au sein de l’UE, ou alors en lien avec les Américains, car la Chine est un partenaire nécessaire et indispensable pour les hommes d’affaires allemands.

C’est donc au sein de l’Union européenne que la nouvelle coalition allemande  trouvera l’élan nécessaire et le soutien à un réel engagement dans le monde. L’UE, selon la nouvelle équipe gouvernementale, doit mutualiser ses efforts au niveau de la défense et de la sécurité, y compris par une forte coopération des armées européennes entre elles.

Reste que les pays membres ne sont pas tous d’accord sur les différents dossiers auxquels ils sont confrontés. Après les critiques modérées de Merkel contre certains d’entre eux qui ne respectaient pas les droits de l’homme, le nouveau gouvernement allemand pourrait être tenté à faire appel à la Commission européenne pour utiliser contre eux les instruments de droits existants afin de respecter les lois démocratiques qui unissent l’ensemble européen.

En raison de son passé, l’Allemagne, amputée durant la seconde guerre mondiale de ses colonies et de sa force navale, n’a pas une réelle politique à l’égard de l’Afrique à l’instar des autres puissances. L’intérêt de la chancelière Merkel pour le continent africain est arrivé un peu tard. Ce n’est qu’à partir de 2016 que ses voyages dans le continent ont commencé à prendre forme en raison, d’une part, de la ruée des autres puissances, et de l’autre, de la nécessité de faire pression sur les responsables africains pour freiner les flux migratoires.

Pour aller vers le continent africain, qui attise les convoitises de toutes les puissances, Berlin comme l’Union européenne du reste, devrait s’allier à des partenaires africains solides qui partagent les mêmes idéaux pour un vrai partenariat mutuellement bénéfique. La récente position de l’Allemagne à l’égard de notre pays est un pas dans le bon sens qu’il faudrait traduire maintenant par des actes concrets.

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