Avec la crise, les emprunts par placement privé ont le vent en poupe

M.M. | Le 29/6/2020 à 16:49

Plus de 6,5 milliards de DH d'obligations ont été émises. Plus rapides et plus discrètes, les levées d'argent par placement privé ont eu le vent en poupe durant la période de confinement. Voici les émetteurs qui y ont recouru et le détails des opérations.

Le marché de la dette privée n’a pas chômé pendant la durée du confinement. Entre le 20 mars, jour de déclaration de l'État d'urgence sanitaire au Maroc et aujourd'hui, plus de 6,58 milliards de dirhams ont été levés sur le marché obligataire. Des opérations réalisées par placement privé, une sorte d’arrangement direct entre les émetteurs et les investisseurs institutionnels, qui épargne aux entreprises et à leurs conseillers financiers de passer par la procédure d’appel public à l'épargne.

Des deals qui arrangent les deux parties : pour l'entreprise, cela permet de lever de la dette sans avoir à produire de notes d’informations, obtenir le VISA de l’AMMC, faire la publicité de l’opération et dévoiler ses chiffres, son business plan… Et pour l’investisseur, cela permet de placer ses liquidités dans des dettes privées, mieux rémunératrices que les Bons de Trésor qui se négocient actuellement à des taux historiquement bas.

“Un placement privé, ça se boucle en un mois ou deux au maximum, quand une procédure d’appel public à l’épargne peut prendre jusqu’à 9 mois entre réalisation des due diligences, audits, rédaction de la note d’information, procédure d’obtention du Visa des autorités, les allers-retours avec le gendarme du marché, et autres délais de publicité…”, explique justement un banquier d’affaires.

Pus rapide et plus discret, le placement privé permet ainsi aux entreprises de lever leurs besoins en dette, sans être obligées à communiquer au marché leur business plan, leur stratégie, les risques encourus, et les détails de leur activité. Des levées qui se négocient entre cols blancs, loin du regard du grand public...

Voici la liste des opérations passées depuis le 20 mars :

-Le 20 mars, la CTM réalise une levée de 600 MDH sur 5 ans, en deux lignes de 300 MDH chacune. La première à 3,30%, la seconde à 3,41%.

-Le 11 mai, le groupe Al Mada lève 3 milliards de dirhams sur 10 ans à un taux de 3,44%

-Le 28 mai, Label’Vie boucle une levée de 580 MDH, avec un montage en trois tranches. La première d’un montant 225 MDH sur 5 ans pour un taux de 3,15%. La seconde, sur 5 ans également, pour un montant de 157 MDH et un taux de 3,45%. Et la troisième sur 7 ans, pour 200 MDH à un taux de 3,43%.

-Le 30 mai, le groupe immobilier Garan lève 188,9 MDH sur 2 ans. Une opération où les investisseurs ont exigé une prime de risque assez élevée. La première ligne de 122,8 MDH a été négociée à un taux de 4,41%. La seconde, d’un montant de 66,1 MDH, a été libellée à 5,05%. Des rendements introuvables sur le marché par les temps qui courent. Surtout sur une maturité courte de 2 ans.

Inconnu du grand public, Garan est une filiale du groupe saoudien Bin Laden, où sont associés également des groupes marocains tels que TGCC de Bouzoubaa et le groupe Ajana. Il a été crée en 2014 pour porter le projet d'aménagement du quartier Victoria City à Bouskoura.

Pour ses levées, le groupe a toujours préféré la discrétion, puisqu’il n’est pas à son premier placement privé. En juillet 2017, il avait levé un montant de 200 MDH en passant par la même procédure.

-Le 04 juin, les deux filiales cotées du groupe Akwa réalisent deux levées simultanées. Afriquia Gaz émet 600 MDH de dirhams de titres sur 5 ans à 3,4%. Et Maghreb Oxygène lève 100 MDH sur 5 ans pour le même taux.

-Le 09 juin, l’ONDA réalise une levée de 1,5 milliard en deux temps. Une première ligne de 1,35 milliard de dirhams sur 10 ans pour un taux de 3,67%. Et une deuxième de 150 MDH sur 15 ans pour un taux de 3,91%.

Obligataire : un seul appel public à l'épargne réalisé depuis le début de l'année

Ces opérations ont permis d'animer le marché de la dette privée et ont offert des opportunités de placements assez intéressantes pour les investisseurs institutionnels.

Et ce ne seront pas les dernières, puisque d’autres placements sont en cours de préparation selon nos sources. “Les émetteurs et leurs banques d’affaires préfèrent mille fois passer par un placement privé que de s'aventurer dans un appel public à l’épargne où les procédures sont très lourdes. Surtout quand les besoins en financement sont urgents”, explique une source du marché.

Une tendance qui saute aux yeux quand on voit que depuis le début de l'année, aucune émission obligataire ne s’est faite par appel public à l'épargne. A l'exception de celle bouclée le 25 juin (et visée par l’AMMC le 10 juin), qui a permis au groupe Attijariwafa bank de lever un total de 1,5 milliard de dirhams entre obligations subordonnées (500 MDH) et obligation perpétuelles (1 milliard).

“Les émetteurs et les investisseurs se connaissent bien. Au lieu de passer des mois dans des procédures administratives, la banque d’affaires et l’émetteur font une présentation de l'opération, exposent les intentions de la souscription et passent aux bulletins de souscription une fois l'accord donné”, explique notre banquier d’affaires.

En plus de la crise, qui nécessite des levées urgentes, le recours de plus en plus fréquent ces derniers mois aux placements privés s’explique aussi par la volonté de certains émetteurs de ne pas étaler leurs chiffres et leurs projections au grand public et à leurs concurrents.

Selon notre source, un changement réglementaire opéré en 2019 a été également décisif puisqu’il a permis d’étendre le nombre de souscripteurs dans le cadre d’un placement privé de 9 à 20. Ce qui diversifie les sources de financement et facilite le placement des dettes, surtout celles portant sur de gros montants.

Le feu vert de l’AMMC est obtenu en dix jours 

Comme tous les autres types d'opérations financières sur le marché, les placements privés sont régis depuis 2019 par la circulaire N°03/19 du 20 février relative aux opérations et informations financières.

Une section est réservée aux placements privés, dans le cadre des opérations dispensées du régime de l’appel public à l'épargne. Une dispense qui n'équivaut pas à une liberté totale d’agir, puisque l'émetteur doit informer l’AMMC de l’opération et obtenir son feu vert avant de la lancer.


Mais contrairement à la procédure du VISA d’une note d’information, qui sur le papier, prend deux mois, l’AMMC est tenue pour un placement privé de donner sa réponse en dix jours,comme le stipule la circulaire.

Le dossier exigé est également assez simple :

-Une demande écrite par l'émetteur au Président de l’AMMC présentant la nature de l'opération, ses modalités et ses motivations

-Un exemplaire actualisé des statuts de l’émetteur

-Le modèle d'inscription au RC datant de moins d’un mois

-Les PV des organes sociaux ou de direction ayant décidé de l'opération

-Les documents de présentation que l’émetteur à l’intention de transmettre aux investisseurs

-Un récapitulatif des caractéristiques de l’opération et de ses objectifs précis

-Le modèle type du bulletin de souscription

-La liste des investisseurs qualifiés souscripteurs avec l'indication du montant à souscrire pour chaque investisseur

Un dossier très léger, avec des délais de réponses express, loin des mille et unes exigences des appels publics à l'épargne.

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