Centrale Danone, un boycott qui couronne une série de déboires

Sara El Hanafi | Le 4/5/2018 à 16:12

En plus du dernier boycott, qui a significativement impacté la marque Centrale Danone, l’entreprise pâtit depuis plusieurs années du retrait de la consommation globale de lait ainsi que de la perte de parts de marché.

Avec le dernier mouvement de boycott visant le lait de Centrale Danone (entre autres produits), les nouveaux appels à boycotter l’ensemble des produits de la filiale marocaine de Danone (notamment les yaourts, le beurre, etc.) et les réactions majoritairement négatives à la dernière communication du groupe agroalimentaire et de l'un de ses directeurs sur le sujet, la compagnie laitière vit des jours difficiles.

Cela étant, les déboires de Centrale Danone ne sont pas récents, et des questions sur le sort de ce fleuron se posent.

Car en plus de ce mouvement, qui a significativement impacté la marque Centrale Danone, l’entreprise pâtit depuis plusieurs années d’une conjoncture défavorable, marquée par une baisse de la consommation globale de lait. L'entrée sur le marché d'acteurs locaux relativement nouveaux, comme la COPAG (Jaouda) ou Safilait (Jibal), a fait perdre à Centrale Danone sa position forte, une position dont elle a confortablement bénéficié pendant des décennies.

En témoigne le chiffre d’affaires du groupe qui est sur une tendance globalement baissière depuis cinq ans. En dépit d’une activité marketing soutenue, les ventes du groupe peinent à redécoller et, pour maintenir une progression durable de ses résultats, l’entreprise essaie de baisser ses charges d'une manière significative.

Par exemple, la compagnie est passée de 791 MDH de frais de personnel en 2016, à 697 MDH en 2017. Ce qui lui a permis de faire progresser son RNPG de près de 95% en une année, en dépit d'un recul de 4,5% de son chiffre d'affaires.

Chiffres consolidés en MDH

Dans ses multiples publications financières, la société évoque, globalement, des tendances marché ralenties. Lors des exercices où le groupe parvenait à réaliser des croissances (modestes) de son chiffre d’affaires, comme en 2016, il les attribuait à des activités secondaires, comme la commercialisation des génisses.

La commercialisation du lait et des produits laitiers est, pour sa part, en décroissance continue ou au mieux, en stagnation. Et les concurrents semblent croquer des parts de marché à Centrale Danone, malgré le déclin de la consommation laitière globale.

Par ailleurs, il convient de rappeler que trois grands incidents qualité avaient impacté négativement les ventes de l'entreprise. Le lait UHT Centrale, le beurre et Raibi Jamila ont été montrés du doigt en 2015.

"Pour les deux premiers produits, l’accusation était justifiée. D’ailleurs, pour le beurre (100 MDH de chiffre d’affaires), nous avions décidé d’arrêter la production pendant 6 mois. Par contre, pour Raibi Jamila, le grief évoquant une  mauvaise qualité du lait utilisé dans la fabrication de ce produit n’était pas fondé", nous avait confié Didier Lamblin, PDG de Centrale Danone, dans un précédent entretien. Et pour redorer l'image de son mythique Raïbi Jamila, la compagnie a dû investir dans un nouveau plan de communication pour corriger l'image de la marque.

D'une autre part, Centrale Danone a vu son RNPG chuter dès 2014. La compagnie laitière blâme alors, à l’époque, la hausse du prix des produits énergétiques impactant les coûts de transport, les charges d’exploitation liées à ses efforts d’investissement, et des charges fiscales exceptionnelles; et affirme que "le contexte économique défavorable a, de plus, fortement limité les possibilités d’ajustement des prix de vente aux consommateurs pour absorber les effets d’inflation". Ce qui écarte l'hypothèse d'une éventuelle baisse des prix en réponse au boycott que subit la compagnie actuellement.

Mais si, à l'époque, Centrale Danone n’a pas augmenté ses prix, elle a bien baissé discrètement le grammage de certains de ses produits. M.Lamblin nous avait affirmé que cette décision était prise "à bon escient, et pas pour dégager plus de profit. Au lieu d'augmenter le prix, nous avons décidé de baisser la quantité de 5 grammes et d'améliorer le produit".

Au final, Centrale Danone a souffert notamment de:

-le crash de Raïbi Jamila en chute libre au cours des deux dernières années. La société n'a pas su protéger la marque "Raïbi" et des produits portant ce nom ont été lancés par les concurrents. Raïbi Jamila était le produit phare des yaourts Centrale.

-Avant le boycott, la marque a subi un mouvement social provoqué par la transformation de son système de la vente conventionnelle vers la pré-vente.

-Le recul de la consommation globale de lait.

-L'agressivité des concurrents et en particulier Jaouda.

Mais il faut dire que, malgré ses déboires, Centrale Danone demeure un acteur important de la filière laitière marocaine, qui continue à investir dans l'amélioration de son outil de production, en plus d'offrir divers actions et programmes d'accompagnement aux éleveurs qui font partie de son écosystème. Mais face aux multiples challenges qui ont façonné son parcours, et plus récemment celui du boycott, Centrale Danone devra faire preuve d'une nouvelle politique d'innovation et de rénovation de ses marques.

Une besogne qui nécessitera probablement l'intervention de la maison mère, à Paris. En tout cas, ce qu'il adviendra de la stratégie marketing dans les prochaines semaines est à suivre, et à étudier.

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