Lecture des récents signes de réchauffement entre Rabat et Paris
La glace se brise entre le Maroc et la France, comme en témoignent les signaux d'un rapprochement entre les deux pays. Décryptage de ces récentes éclaircies, avec l'ancien ambassadeur Ahmed Faouzi, et le président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy.
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Basma Khirchi
Le 20 février 2024 à 18h38
Modifié 20 février 2024 à 21h04La glace se brise entre le Maroc et la France, comme en témoignent les signaux d'un rapprochement entre les deux pays. Décryptage de ces récentes éclaircies, avec l'ancien ambassadeur Ahmed Faouzi, et le président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy.
La plus récente éclaircie remonte au lundi 19 février, quand les princesses Lalla Meryem, Lalla Asmae et Lalla Hasnaa ont été reçues à l'Elysée, à l’invitation de Brigitte Macron. Trois jours auparavant, le vendredi 16 février, Christophe Lecourtier s’était exprimé sur les relations maroco-françaises devant un parterre universitaire, économique et politique, à l'invitation de la Fondation universitaire Links présidée par Mohamed Berrada. Dans son exposé, il a longuement parlé de l'avenir des relations entre les deux pays, dans le cadre d'un nouveau partenariat à créer ensemble.
N'omettons pas non plus les déclarations du nouveau ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, chargé par Emmanuel Macron d’œuvrer au rapprochement entre la France et le Maroc. Rattrapé par son passé "anti-Maroc", le chef de la diplomatie française a mis l'accent sur la reprise et le caractère essentiel des liens avec le Maroc lors de ses dernières déclarations.
Des signes qui ne trompent pas, selon Ahmed Faouzi
Joint par Médias24, notre consultant Ahmed Faouzi, ancien ambassadeur et analyste diplomatique, nous fait part de sa lecture du sujet.
"Les signes se multiplient depuis quelques jours, allant dans le sens d'un net réchauffement des relations entre Rabat et Paris, depuis la nomination de la nouvelle ambassadrice du Royaume en France, qui était en soi l'expression officielle d’une volonté de tourner définitivement cette page de mésentente entre les deux pays", explique Ahmed Faouzi.
"Lors de la récente intervention de l'ambassadeur Lecourtier au sein de la fondation Links, ce dernier a laissé entendre que son pays devait prendre en considération les nécessités de l'évolution qu'a connue la question du Sahara marocain au plan international comme au plan régional. Paris devrait être consciente que cette question, qui gangrène la région depuis un demi-siècle, a retardé le développement de l'Union du Maghreb et risque d'avoir des effets néfastes sur l'Europe du Sud comme sur le Sahel si les grandes puissances n'agissent pas pour son règlement", précise l'ex-diplomate.
Il enchaîne : "La visite des princesses en France et leur accueil par Madame Macron à l'Élysée est un signe qui ne trompe pas. C'est sans aucun doute la démonstration que Rabat privilégie une approche par touches pour construire des relations sur des bases solides et sûres qui permettent, tout en renouvelant leur partenariat, de rester fidèles à une longue tradition faite d'amitié et de complicité".
La classe politique française a contribué à l'essor de la nouvelle volonté affichée par la France
"La classe politique française dans sa grande majorité a fait de la défense des relations maroco-françaises un leitmotiv poussant les autorités françaises, dont l'Elysée et le Quai d'Orsay, à exprimer une nouvelle volonté de rénover ces relations pour les adapter aux exigences d'aujourd'hui", poursuit Ahmed Faouzi.
"Les difficultés que rencontre la diplomatie française au Sahel, ainsi que les initiatives lancées par le Maroc dans cette région, comme la façade Atlantique africaine, laissent présager des lendemains meilleurs avec toutes les nations, et sans exclusivité".
"Cette évolution s'inscrit dans la droite ligne d'une diplomatie ancestrale qui acte par touches et choisit le moment de donner des signes d'évolution et d'adaptation", nuance l'analyste diplomatique avant de conclure : "Le Maroc a fait sa part. Aux responsables français maintenant de jouer la leur, tout en ayant conscience que bien des adversaires feront ce qu'ils pourront pour torpiller l'édifice...".
Une réconciliation incomplète d'après Emmanuel Dupuy
Médias24 a également joint le président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy, pour un commentaire. Notre interlocuteur estime que malgré les signaux positifs et encourageants, nous sommes encore loin d'une réconciliation pleine et entière.
"Ce sont des signaux de réchauffement, mais ça s'arrête là. Pour l'instant, il ne s'agit pas d'une réconciliation pleine et entière. Ce sont de bonnes intentions. Stéphane Séjourné a pris une direction opposée, radicalement, à celle de l'année dernière, précisément en janvier 2023, quand il avait lancé un vote contre le Maroc au Parlement européen, dans la perspective de réchauffement avec l'autre voisin, à savoir l'Algérie. À ceci s'ajoutent la réception, le lundi 19 février, des princesses du Maroc à l'Elysée à l'invitation de Brigitte Macron, et la prise de parole tant attendue, le 16 février, de l'ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, qui semble donner les orientations de ces signaux positifs", affirme Emmanuel Dupuy.
"La position française est évidemment liée à des signaux venant de Paris. Ce sont trois signaux venant de Paris. Maintenant, des signaux sont également attendus du côté marocain. La désignation d'une ambassadrice à Paris est un premier signal. La volonté d'inviter le président Macron est un autre. Sans oublier de mentionner la volonté d'organiser un certain nombre d'événements, par exemple le colloque qui va avoir lieu d'ici mars à la Chambre des conseillers", souligne notre interlocuteur.
"Ce sont donc des signaux positifs et engageants du côté français. Mais sur le fond, rien n'a changé. La position française sur le Sahara n'a pas évolué. Nous restons sur la position de l'autonomie proposée en 2007. Nous sommes dans une logique où nous soutenons les dernières résolutions qui appellent à une médiation et à un dialogue politique", précise-t-il.
"La vraie question demeure : 'Quelle va être la ligne des discussions, et où est-ce que ces dernières vont bouger ?' Pour l'instant, aucun signal supplémentaire vis-à-vis du Sahara n'a été émis. Cela signifierait-t-il que la position du Maroc ait un peu changé, dans le sens où elle serait moins exigeante vis-à-vis de la question du Sahara ? Pour l'instant, il y a un point d'interrogation quant aux exigences de part et d'autre. Est-ce que le Maroc exige toujours une modification de la position française pour une pleine reconnaissance du Sahara ? Est-ce que la France est prête à faire ce geste ?", conclut Emmanuel Dupuy.
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