Aghmat. Capitale médiévale, perle architecturale et cité touristique en devenir

Capitale éphémère, cité éternelle. Aghmat ne s'est pas laissée ensevelir par le temps et la poussière. Son site actuel, théâtre de fouilles et de restauration depuis vingt ans par des passionnés d'histoire et de patrimoine, augure un avenir encore plus prometteur que son passé fastueux.

Vue sur le site d'Aghmat. Source: Mission Archéologique d'Aghmat

Aghmat. Capitale médiévale, perle architecturale et cité touristique en devenir

Le 26 janvier 2024 à 9h47

Modifié 26 janvier 2024 à 15h35

Capitale éphémère, cité éternelle. Aghmat ne s'est pas laissée ensevelir par le temps et la poussière. Son site actuel, théâtre de fouilles et de restauration depuis vingt ans par des passionnés d'histoire et de patrimoine, augure un avenir encore plus prometteur que son passé fastueux.

La ville de Marrakech symbolise tout ce que le Maroc peut offrir de somptueux sur le plan touristique. Sa notoriété internationale n’est que l’écho de son rayonnement culturel, paysager, historique, patrimonial, culinaire, etc. À lui seul, son éternel ciel bleu attire tous ceux qui fuient la grisaille du Vieux Continent.

Et alors qu'elle propose une myriade de lieux chargés d’histoire : Koutoubia, palais El Badiî, jardins de l’Agdal et de la Ménara, Jamaâ El Fna, jardin Majorelle, La Mamounia, etc., la ville ocre est loin d’avoir dévoilé toutes ses splendeurs patrimoniales et architecturales.

 

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Un trésor architectural

La cité médiévale d’Aghmat fait partie de ces trésors de l’Histoire dont seule Marrakech a le secret. Si aujourd’hui le site est encore fermé  au grand public, puisque des travaux de fouilles et de restauration y sont toujours menés depuis 2005, des expositions ayant pour thématique Aghmat sont régulièrement organisées. Le musée de Bank Al-Maghrib à Rabat avait ainsi organisé du 5 mars au 31 décembre 2020 l'exposition temporaire : "Aghmat, passé rayonnant d’une cité marocaine". Pour ceux qui ont raté cette formidable occasion de s'immerger dans l'histoire fascinante de ce site, le palais El Badiî à Marrakech a inauguré, en début d'année, son exposition permanente dédiée à cette cité, où des chefs-d'œuvre de l'histoire médiévale du Royaume sont présentées. À ne pas manquer.

L'exposition permanente "Aghmat, histoire rayonnante d'une cité marocaine" au palais El Badiî à Marrakech. CP. Mission archéologique d'Aghmat.

 

"Pour attirer les visiteurs à Aghmat, il ne faut pas grand-chose. Il faut tout simplement rendre le site visitable. C’est-à-dire, proposer un service culturel. Et offrir aussi un véritable accueil, avec bien évidemment un circuit de visite balisé, une documentation et un accès sur internet à toute la documentation archéologique du site, etc. On mène actuellement des études sur le site pour pouvoir le restaurer et l’ouvrir au public. Le projet est pratiquement finalisé. Grâce à l’engagement du ministère de la Culture, il sera entrepris d’ici peu", annonce Abdallah Fili, professeur à l’université Chouaïb Doukkali à El Jadida et directeur de la Mission archéologique d’Aghmat.

À g. Le Pr Abdallah Fili présentant l'exposition consacrée à Aghmat au palais El Badiî à Mehdi Bensaid, ministre de la Culture (à d.). CP. Mission archéologique d'Aghmat.

Aghmat est à côté d’un bassin touristique extraordinaire: Marrakech !

Vue sur une partie du site d'Aghmat. CP. Mission archéologique d'Aghmat.

 

Succès garanti

Pour notre interlocuteur, le succès à venir de la cité médiévale est assuré. Le premier argument est de taille."Aghmat est à côté d’un bassin touristique extraordinaire : Marrakech ! Et les gens sont friands d’un site ou d’une capitale médiévale comme Aghmat, qui se situe à seulement 30 km [au sud-est, ndlr] de la ville ocre. L’équivalent d’une demi-heure de route. Si on arrive à attirer ne serait-ce que 10% de cette manne touristique, on serait déjà très content. Je suis absolument certain qu’une fois le site ouvert, Aghmat, sera une destination touristique extraordinaire. Et il faut continuer bien évidemment la recherche, parce que c’est cela qui intéresse à la fois la communauté locale, mais aussi les visiteurs venus d’ailleurs. Il est à noter que ce site n'a subi aucun dégât suite au séisme d'El Haouz. Les restaurations, elles aussi, ont tenu, ce qui en dit long sur la qualité du travail sur place.

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Une capitale comme Aghmat, il n’y en a pas dans tous les coins du Maroc

Une capitale éphémère

Pourquoi cet intérêt porté au site d’Aghmat ? Tout simplement, parce que cette cité conserve l’aura des anciennes capitales du Royaume. Et "une capitale, il n’y en a pas dans tous les coins du Maroc. Aghmat a été une capitale importante durant le Xe siècle, et surtout sous les Almoravides. Cette cité a également été importante dans la fondation de Marrakech. Il y a donc ce rôle politique de la ville qui a compté dans l’histoire médiévale de notre pays", nous explique le Pr Abdallah Fili.

À cela s’ajoute le fait que cette ancienne capitale a joué un rôle essentiel dans l’histoire internationale du Maroc, notamment comme foyer du commerce transsaharien avec l’Afrique et la Méditerranée. Et ce n’est pas tout : "De par ce rôle économique central, Aghmat était également un atelier de frappe monétaire très important, notamment à l’époque des Idrissides. Elle est le deuxième plus important atelier de frappe monétaire du Maroc médiéval, après celui de Sijilmassa sous les Almoravides", précise le spécialiste.

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"Suivez l’argent"

Ce rôle déterminant d’atelier de frappe monétaire donne d’ailleurs de précieux indices sur l’histoire fascinante d’Aghmat et de son évolution. C’est ce qui permet d’affirmer qu’elle "est née vraisemblablement au début de l’époque islamique. Nous avons la certitude maintenant que la ville a été occupée par les Idrissides de par le fait que nous avons trouvé de la monnaie idrisside qu’ils ont frappée à Aghmat depuis Idriss II jusqu’aux princes qui lui ont succédé".

Mais c’est seulement sous l’émirat des Maghrawa à la fin du Xe siècle, et jusqu’au milieu du XIe siècle, qu’Aghmat connaîtra sa véritable apogée. Cette belle époque s’est poursuivie à partir du milieu du XIe siècle jusqu’à 1070, avec la création de Marrakech, période pendant laquelle cette cité a joué le rôle de capitale. Elle a été "capitale d’abord d’un émirat local des Maghrawa, et puis après capitale de l’Empire almoravide jusqu’à la fondation de Marrakech. Et c’est cette période, donc, qui a été politiquement importante dans l’histoire d’Aghmat".

C'est le deuxième plus important atelier de frappe monétaire du Maroc médiéval, après celui de Sijilmassa            

Naissance et évanescence des lieux

Il faut savoir que même si Aghmat a cessé d’être une capitale, son rôle de foyer économique a persisté bien au-delà, notamment sous les Almohades, et jusqu’à la fin des Mérinides. "Jusqu’à la fin du XIVe siècle, Aghmat était une ville. Après, elle a été abandonnée pour de multiples raisons : la sécurité, les famines et le départ des élites gouvernantes et économiques pour s’installer sous d’autres cieux. Aghmat a alors disparu. Elle a perdu son activité économique, et donc sa raison d’être en quelque sorte. Mais elle a gardé sa dimension religieuse", précise le Pr Abdellah Fili.

Car, oui, Aghmat a cette particularité d’être protéiforme, se drapant d'étoffes différentes selon les époques. Elle s’est muée à travers les siècles pour devenir un centre religieux très important, celui du Malikisme. Aghmat a ainsi été "le foyer d'une lutte contre les Barghwata, menée avec beaucoup d’âpreté. Cette dimension religieuse persiste encore. L’une des plus anciennes zaouïas marocaines est née à Aghmat. Il s’agit de la zaouïa aghmatia, ou la zaouïa al hazmiriya qui a été créée par Cheikh Al Hazmiriya. C'est pourquoi Aghmat a continué à recevoir des visites pieuses, notamment des princes mérinides, saâdiens (Abou Al Mansour Addahbi), du roi alaouite Sidi Mohamed Ben Abdellah, etc." Mais à partir de la fin du XIVe siècle, l’habitat s'est complètement éparpillé dans les environs du site actuel, sous la forme de douars.

Au premier plan, la zone d’accueil structurée autour du bassin central octogonal. À l’arrière-plan, la première des trois salles de bain et son entrée restaurée. Source : Mission archéologique d'Aghmat.

Le hammam est absolument extraordinaire de par ses dimensions et ses aspects architectoniques

Renaissance d'une cité

Avant que le projet actuel de la mission archéologique d’Aghmat ne vienne signer la renaissance de cette ancienne capitale, très peu d’études archéologiques y avaient été menées. "Le site a été découvert au début du siècle, en 1901 précisément, par un explorateur français, mais durant toute cette histoire jusqu’à aujourd’hui, il y a eu un seul projet, une seule année de fouille archéologique sous forme de sondage, en 1997, par une mission maroco-française, dans le cadre du programme ‘Naissance de la ville islamique au Maroc’, dirigé par Patrice Cressier (CNRS) et Larbi Erbati (Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine)", rappelle le Pr Abdellah Fili, aujourd’hui à la tête de ce projet. "On s’est dit qu’à partir du moment où l'on a effectivement cette opportunité de visiter le site et de voir qu’il y a des vestiges encore debout –notamment le hammam, qui est absolument extraordinaire de par ses dimensions et ses aspects architectoniques –, c’est le moment de mener un projet". Et c’est ainsi qu’Aghmat a refait surface après des siècles d’oubli.

Source : Mission archéologique d'Aghmat.

 

Le cœur monumental de la cité : la mosquée, le hammam et le palais

Les fouilles lancées en 2005 se sont concentrées sur le cœur monumental de la cité où sont regroupés certains des grands édifices de cette ancienne capitale. Il s’agit notamment de la grande mosquée, du hammam et du palais. Le hammam d’Aghmat représente à ce jour, avec Volubilis, le seul exemple de bain d’époque médiévale, presque entièrement fouillé au Maroc. À ce titre, il souligne à lui seul l’importance de la ville d’Aghmat.

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En outre, "c’est un site déserté. Pour comprendre la ville islamique médiévale, on ne peut pas fouiller à Marrakech, Fès, Rabat, Salé, etc. Nous avons la chance d’avoir une ville désertée, récupérée par l’agriculture. Ce qui nous permet de mener des fouilles extensives à l’origine de toutes les découvertes faites à ce jour", explique le Pr Abdallah Fili.

Localisation du site et des murailles médiévales. Document Ch. Capel. Source : Mission archéologique d'Aghmat.

Pour préserver le patrimoine archéologique d’Aghmat, les restaurations sont programmées, immédiatement après la fouille              

La mémoire restaurée

La particularité de ce travail de valorisation du patrimoine historique et architectural réside précisément dans le fait que le Pr Abdellah Fili et ses équipes ont fait le pari de mener des fouilles et des restaurations en même temps. "On essaie de préserver le patrimoine archéologique d’Aghmat, en veillant à ce que les restaurations soient programmées, immédiatement après la fouille, de façon à ce que ces vestiges qui sont si importants ne tombent pas en ruine. Grâce à nos partenaires et nos sponsors, nous avons pu restaurer une grande partie du hammam".

Le projet de la Mission archéologique d’Aghmat est un partenariat entre le ministère de la Culture, l’université d’El Jadida et l’université Vanderbilt aux Etats-Unis. Depuis son lancement, le projet a été financé intégralement par des privés à travers des donations, avant la création de la fondation Aghmat. C’est cette dernière qui se charge depuis de collecter des dons, pour financer la fouille archéologique, mais aussi la restauration des vestiges. "Le ministère de la Culture nous a rejoint par la suite pour mettre en place un vrai projet de restauration de l’ensemble du site", souligne notre interlocuteur. 

Et de poursuivre : "On a commencé avec très peu de moyens, mais on a pu réaliser des choses extraordinaires. La preuve en est qu’au palais El Badiî, il y a une exposition ouverte au public, que nous avons montée sur le projet archéologique d’Aghmat". Une consécration pour la Mission archéologique qui mène ce travail depuis vingt ans, mais surtout l'occasion de sortir la cité d'Aghmat, longtemps "enfouie", au grand jour. 

CP. Mission archéologique d'Aghmat.

 

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