Un entretien avec Adil Rais, co-président du Conseil économique Maroc-Espagne

À fin octobre 2023, les importations marocaines en provenance de l’Espagne ont progressé de 7%, et les exportations du Royaume vers le voisin ibérique ont bondi de 14% par rapport à la même période l’année dernière. Adil Rais, co-président du Conseil économique Maroc-Espagne, évoque dans cet échange avec Médias24 les raisons qui expliquent la stature de l’Espagne, premier partenaire commercial du Maroc.

Un entretien avec Adil Rais, co-président du Conseil économique Maroc-Espagne

Le 23 janvier 2024 à 17h40

Modifié 24 janvier 2024 à 9h20

À fin octobre 2023, les importations marocaines en provenance de l’Espagne ont progressé de 7%, et les exportations du Royaume vers le voisin ibérique ont bondi de 14% par rapport à la même période l’année dernière. Adil Rais, co-président du Conseil économique Maroc-Espagne, évoque dans cet échange avec Médias24 les raisons qui expliquent la stature de l’Espagne, premier partenaire commercial du Maroc.

Dans la perspective des rencontres d’affaires organisées par le Conseil économique Maroc-Espagne (CEMAES), qui se tiendront les 29 et 30 janvier à Barcelone et à Bilbao , Médias24 a sollicité Adil Rais, co-président du CEMAES, sur plusieurs aspects en lien avec le partenariat économique entre le Maroc et l’Espagne.

Le président régional de la CGEM Tanger-Tétouan-Al Hoceima, précisant l’objectif des rencontres d’affaires dans plusieurs communautés autonomes espagnoles (régions), explique, entre autres, l’interdépendance des deux économies et l’impact de la co-organisation de la Coupe du monde 2030 sur le partenariat économique bilatéral.

Au sujet de la mobilisation des communautés d’affaires de part et d’autre, notre interlocuteur confie que "les inscriptions pour la rencontre de Bilbao sont fermées en raison d’une forte demande de participations (350 inscrits). Or, il se trouve que la salle réservée a une capacité de 250 places".

- Le Conseil économique Maroc-Espagne a choisi  Barcelone et Bilbao  pour abriter les rencontres d’affaires qui se tiendront les 29 et 30 janvier en Espagne. Pourquoi ces deux destinations en particulier ?

- D’abord, il est important de rappeler que la tournée des différentes communautés autonomes, ou régions d’Espagne, est un axe de la feuille de route du CEMAES.

L’Espagne a la particularité d’être un Etat très décentralisé. Les différentes communautés autonomes jouissent d’un certain niveau d’indépendance par rapport à l’administration centrale. Ce qui, quelque part, démontre la pertinence d’effectuer une tournée au sein des différentes communautés autonomes afin de porter la voix du Maroc en Espagne et d’y faire sa promotion en termes d’investissements. En clair, l’objectif de cette tournée est d’exposer les atouts du Maroc aux hommes d’affaires espagnols et de montrer aux opérateurs marocains la diversité industrielle de l’Espagne, ainsi que son dynamisme économique.

Pour rappel, une première visite a été organisée le 22 mai 2023 avec le patronat espagnol à Madrid. Cela dit, le poids économique de Barcelone légitime amplement la tenue de la rencontre d’affaires le 29 janvier. Le choix porté sur Bilbao pour la rencontre d’affaires du 30 janvier tient au fait que le Pays basque abrite des industries qui intéressent le Maroc, notamment la branche ferroviaire.

En plus des visites d’unités de production d’éléments de train, basées à Bilbao, des rencontres avec des acteurs de l’écosystème de l’industrie ferroviaire espagnole sont prévues. Plusieurs représentants de sociétés marocaines faisant partie de l’écosystème de l’industrie des chemins de fer du Maroc se rendront à Bilbao. En somme, cette initiative est en phase avec la stratégie du Maroc liée à la construction d’un écosystème d’industrie ferroviaire.

- Depuis près d’une décennie, l’Espagne est le premier partenaire commercial (client et fournisseur) du Maroc avec un volume d’échanges dépassant 20 milliards d’euros en 2022. Comment s'explique ce positionnement privilégié de l’Espagne ?

- Le dynamisme observé en 2022 sur le front des échanges commerciaux entre les deux pays partenaires n’a pas faibli en 2023. À fin octobre 2023, les importations marocaines en provenance de l’Espagne ont progressé de 7%, et les exportations du Royaume vers le voisin ibérique ont bondi de 14% par rapport à la même période l’année dernière.

Ces chiffres prouvent que la position de l’Espagne en tant que premier partenaire commercial du Royaume se renforce.

Un rappel historique facilite la compréhension du dynamisme des relations commerciales entre les deux pays partenaires. L’Espagne et le Maroc ont entretenu des relations pendant près de dix siècles. L’Andalousie est ancrée dans la culture arabe. Le nord du Maroc est façonné par la culture et l’architecture espagnoles.

Au-delà de la dimension culturelle et historique, les deux économies sont interdépendantes. Pour preuve, en matière d’industrie automobile − premier secteur exportateur du Maroc −, il existe une parfaite complémentarité maroco-espagnole. À titre illustratif, le Maroc, qui exporte des véhicules du groupe Renault, produits localement, importe d’Espagne des moteurs fabriqués à Valladolid (communauté autonome de Castille-et-León).

Autre exemple édifiant : dans le secteur textile, les grands donneurs d’ordres espagnols, pour ne citer que Zara (groupe Inditex) et Mango, travaillent avec des entreprises marocaines en matière de sous-traitance. La proximité géographique, la compétitivité et le savoir-faire des industriels marocains en la matière sont autant de facteurs attractifs aux yeux des grands donneurs d’ordres espagnols qui évoluent dans le secteur textile.

- Les discours des deux partenaires convergent vers un renforcement de ce partenariat. Récemment, José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères, a déclaré : "Nous cherchons à multiplier les échanges avec le Maroc dans plusieurs secteurs". Comment aller encore plus loin dans le partenariat économique ?

- En plus du renforcement des échanges commerciaux, nous travaillons dans l’optique de voir les investissements progresser de part et d’autre. Le schéma idoine sur lequel nous nous penchons est celui des co-investissements au niveau des deux pays. Le Maroc, qui a un marché domestique intéressant pour les hommes d’affaires espagnols, est une porte d’entrée importante pour le continent africain. L’Espagne peut également constituer, pour les opérateurs marocains, un tremplin d’accès au marché de la première puissance commerciale mondiale, qui n’est autre que l’Europe.

Le CEMAES, une entité bicéphale dirigée par une co-présidence maroco-espagnole, est une excellence plateforme de dynamisation du co-investissement. Il œuvre, à ce titre, en vue de lever certains obstacles liés au déficit de connaissances économiques et industrielles de part et d’autre. Et ce, malgré la proximité géographique des deux pays partenaires.

- Quels sont les secteurs qui peuvent constituer des domaines d’intérêt commun en matière de partenariat économique entre les deux pays ?

- La crise de la Covid-19 a induit beaucoup de changements en matière de stratégie industrielle. Elle a montré l’intérêt pour les acteurs industriels de recomposer leurs chaînes d’approvisionnement sur des bases régionales et de proximité. Sous ce prisme, le Maroc peut constituer une base industrielle avantageuse pour l’Espagne dans les secteurs du textile, de l’automobile (voiture électrique) et des énergies renouvelables. L’enjeu est de développer davantage les complémentarités des deux économies dans les secteurs précités. Je reste convaincu qu’en travaillant ensemble, le Maroc et l’Espagne peuvent devenir deux pôles mondiaux des énergies vertes.

- Plus d’un millier d’entreprises espagnoles sont établies au Maroc. Qu'en est-il du nombre d’entreprises marocaines établies en Espagne, et de leur domaine d’activité ?

- Les investissements marocains à l’étranger sont récents. Grâce à l’impulsion de S.M. le Roi Mohammed VI, ils ont concerné, dans une première phase, les pays d’Afrique de l’Ouest.

Aujourd’hui, il est clair qu’une entreprise marocaine qui aspire à se développer doit multiplier ses relais de croissance, et donc investir les marchés étrangers. À ce titre, comme indiqué plus haut, l’Espagne est une excellente destination pour les entreprises marocaines.

Cela dit, quelques entreprises nationales évoluant dans les secteurs de la pharmacie, de l’agriculture et de l’agro-industrie sont déjà présentes en Espagne. À l’évidence, le nombre de celles-ci n’est pas très important au regard des 1.100 entreprises espagnoles établies au Maroc, mais nous constatons que l’Espagne, en tant que destination d’investissements, suscite davantage d’intérêt auprès des entreprises marocaines qui ambitionnent d’étendre leurs activités en Europe.

Dans le même ordre d’idées, il est important de préciser que le gouvernement, les communautés autonomes, ainsi que les villes espagnoles, ont mis en place des mécanismes de subventions et d’incitations en faveur des entreprises et des investisseurs. Les tournées régionales qui seront organisées en Espagne par le CEMAES permettront aux opérateurs marocains de mieux connaître les mécanismes susmentionnés.

- L’Espagne dispose d’une expérience avérée en matière de projets stratégiques comme le transport, l’industrie, la lutte contre la sécheresse. Y a-t-il des discussions en cours sur ces sujets ?

- Concernant la lutte contre la sécheresse, il est important de rappeler que le Maroc et l’Espagne travaillent ensemble depuis quelques années. À titre d’exemple, la ville de Marrakech bénéficie d’une assistance des îles Canaries en matière de gestion de l’eau. L’archipel espagnol, qui concentre 15% de la capacité mondiale de l’industrie du dessalement, jouit d’une expérience avérée en la matière.

Les entreprises espagnoles, leaders mondiaux, confirment également leur volonté d’être impliquées dans la construction des unités de dessalement au Maroc, via leur soumission aux différents appels d’offres.

Concernant l’industrie, plusieurs entreprises espagnoles, implantées à Tanger, fournissent des pièces d’origine aux constructeurs automobiles, ce qui contribue au transfert de connaissances et de technologies en faveur du Maroc.

Toujours au chapitre industriel, à Larache, plusieurs Espagnols ont investi dans le secteur agro-industriel, notamment dans la transformation des produits agricoles destinés à l’export.

Pour le transport et la logistique, il est de bon augure de constater l’étroite coopération entre le Maroc et l’Espagne dans le domaine portuaire et celui du transport des personnes et des marchandises.

- Comment la co-organisation de la Coupe du monde de football en 2030 peut-elle accélérer les échanges économiques et les partenariats entre les deux pays ?

- L’impact de la co-organisation de la Coupe du monde de football en 2030 sur le partenariat entre les Etats est déjà perceptible. La rénovation des stades marocains se fait avec la participation de sociétés espagnoles expérimentées. L’Espagne abrite de grands stades qui ont été majoritairement rénovés.

Sur le plan touristique, le Mondial 2030 drainera plus de touristes espagnols vers le Maroc, mais également d’autres personnes de différentes nationalités, férues de football. Nous travaillons pour que le renforcement des liens touristiques soit une réalité pour les trois pays organisateurs du Mondial que sont le Maroc, l’Espagne et le Portugal. Il faut aboutir à l’intégration touristique pour le trio organisateur.

- Quelle est la place de la diaspora marocaine établie en Espagne au sein du Conseil d’affaires Maroc-Espagne ?

- Nous avons déjà organisé une rencontre dédiée à Séville avec la province de Tétouan, au cours de laquelle nous avons rencontré plusieurs membres de la diaspora marocaine ayant exprimé leur volonté d’investir ou de réinvestir au Maroc en créant leur entreprise et des emplois.

La diaspora marocaine est une pièce maîtresse pour la consolidation des relations économiques entre les deux pays. Par exemple, des membres de la diaspora marocaine établis à Barcelone ont accompagné et aidé des opérateurs espagnols à investir au Maroc.

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