Polémique autour du programme Forsa : dossiers non éligibles ou prévisions budgétaires erronées ?

Deux versions s’opposent à l’issue de la deuxième édition. D’un côté, des candidats qui se disent "indignés" de ne pas avoir reçu de financement malgré la sélection de leur dossier par le comité de financement. La Société marocaine d’ingénierie touristique, gestionnaire du programme, défend pour sa part la procédure de sélection.

Cérémonie de lancement du programme Forsa.

Polémique autour du programme Forsa : dossiers non éligibles ou prévisions budgétaires erronées ?

Le 18 décembre 2023 à 15h25

Modifié 18 décembre 2023 à 19h06

Deux versions s’opposent à l’issue de la deuxième édition. D’un côté, des candidats qui se disent "indignés" de ne pas avoir reçu de financement malgré la sélection de leur dossier par le comité de financement. La Société marocaine d’ingénierie touristique, gestionnaire du programme, défend pour sa part la procédure de sélection.

Le 27 février 2023, la deuxième édition du programme gouvernemental Forsa, qui a pour objectif d’encourager l’entrepreneuriat des jeunes et la création d’emplois, était lancée.

Le 29 novembre 2023, le ministère du Tourisme a annoncé la clôture en apothéose du programme : "L’objectif assigné a non seulement été atteint, mais dépassé, avec 11.200 projets financés dans les différentes régions du pays, soit 1.200 projets de plus cette année".

Pourtant, lenthousiasme du ministère s’est rapidement heurté au désenchantement exprimé par plusieurs candidats dont le dossier avait été retenu par la commission de financement, mais qui n’ont toujours pas signé leur contrat et se disent surpris de l’annonce officielle de la clôture de cette deuxième édition.

En effet, ils étaient plusieurs à avoir candidaté via la plateforme www.forsa.ma, à s’être présentés en dernière étape devant la commission de financement qui décide de l’octroi éventuel du prêt d’honneur, et enfin à recevoir un avis favorable. Ces candidats étaient donc certains de bénéficier d’un financement. 

"Victimes dengagements non honorés"

Or les différentes allégations recueillies par téléphone avec les candidats concernés ou via les groupes Facebook et WhatsApp disent tout autre chose. "La SMIT [Société marocaine d’ingénierie touristique, ndlr] a décidé à la dernière minute de ne plus retenir certaines candidatures qui avaient pourtant été validées par la commission de financement, étape ultime de la procédure", nous dit-on. 

Ces candidats se disent victimes d’"engagements non honorés", de "magouilles" et d’"absence de communication". Ils considèrent avoir été "dupés" par la SMIT qui les a "laissés dans le flou et l’attente" pendant des semaines.

En effet, avant l’annonce officielle de la clôture de la deuxième édition du programme Forsa, ces candidats, qui n’avaient toujours pas reçu de financement, nourrissaient l’espoir d’être contactés par leur banque afin de signer leur contrat et de lancer leur projet.

Entre temps, "ils essayaient de joindre le centre d’appels du programme Forsa ou l’incubateur partenaire qui assuraient aux candidats l’approbation, par le comité de financement, de leur dossier et leur demandaient d’attendre d’être contactés par la société de financement concernée", ajoute-t-on. 

Un contrôle post-comité de financement

De son côté, la SMIT souligne qu’"un avis favorable de la commission de financement n’est pas synonyme d’octroi de financement".

Plus précisément, nos interlocuteurs expliquent qu’une fois le dossier d’un candidat retenu par la commission de financement, celui-ci doit être examiné par les différentes parties prenantes du programme Forsa, notamment la SMIT, les banques, les incubateurs, les sociétés de microfinance... 

A notre question de savoir si cette étape a été ajoutée cette année afin de répondre au grand nombre de candidatures qui ont marqué cette édition, décrite par le ministère de tutelle comme "exceptionnelle, de par l’engouement suscité auprès des jeunes, la qualité des candidatures, l’implication des incubateurs et des organismes de financement, ainsi que la fluidité des différentes étapes du processus", on nous explique que la phase de contrôle post-comité de financement est "indispensable et inhérente au processus de sélection".

Celle-ci permet de vérifier la solvabilité du dossier et la validité de certains documents : le dossier passe en effet par une étape de validation du contrôle budgétaire avant le dépôt physique du dossier dans la structure de financement, puis vient l’étape de la signature de contrat de financement. Ce n’est qu’après cette étape de contrôle que "la banque prend contact pour létape de contractualisation, ce qui signifie que la personne devient enfin éligible au financement".

"Le contrat est le seul document qui peut être considéré comme un support pour débloquer le financement. Aucune personne éligible à 100% au financement du programme n’est concernée par un retrait de dossier ou un refus de financement", nous assure-t-on. "Une très grande proportion de personnes qui se disent victimes n’ont même pas atteint le stade du financement."

Des dommages collatéraux

Les candidats concernés, qui se sont réunis au sein d’une "coordination des victimes du programme Forsa", avancent une tout autre version des faits. Tous déclarent avoir passé le cap de la commission de financement et n’attendaient plus qu’un appel de la banque pour signer le contrat et recevoir le financement, qui n’a donc jamais été débloqué.

Ils disent regretter "le manque de communication et de transparence" quant à la progression de leur candidature et déplorent des "dommages collatéraux". En effet, afin de présenter un dossier complet, les candidats doivent fournir des contrats de bail et donc payer le loyer d’un local commercial pendant plusieurs mois en attendant les financements. Ils disent également avoir dû présenter un statut juridique en souscrivant au statut d’autoentrepreneur ou en s’organisant en tant que SARL ou coopérative.

Ces formalités nécessitent des déplacements et d’importants investissements financiers, alors que les candidats n’en ont pas tous les moyens. Certaines personnes s’estimant lésées racontent avoir quitté leur emploi au moment où elles estimaient être sur le point de recevoir leur financement, afin de se consacrer pleinement à ce projet. D’autres encore disent avoir investi toutes leurs économies pour pouvoir fournir un contrat de bail.

Pas de victimes, seulement des dossiers non éligibles

"Cette qualification de 'victime' laisse entendre que l’on a volontairement causé du tort à ces personnes ; elles devraient plutôt s’estimer chanceuses d’avoir bénéficié d’un accompagnement et de pouvoir être désormais accompagnées par d’autres initiatives. Elles doivent se focaliser sur la concrétisation de leur projet plutôt que sur le refus de leur dossier", plaide la SMIT. 

La position du ministère est claire : les candidats qui n’ont pas été convoqués pour signer leur contrat ne sont pas éligibles au financement. Elles ne sont donc pas "victimes du programme". "Nous comprenons leur engouement et la très forte demande autour du programme ; nous aurions souhaité accompagner davantage de porteurs de projets mais nous avons une enveloppe budgétaire fixe."

Celle-ci s’élève à 1,225 milliard de dirhams, la même somme prévue pour l’édition 2022, fait-on savoir. "Nous avons tout de même pu aller au-delà des 10.000 candidats retenus cette année grâce à une optimisation budgétaire. La première édition du programme a nécessité de nombreux investissements qui ont été amortis cette année ; nous avons donc utilisé ce surplus pour financer plus de projets que prévu."

Un fort engouement et très peu de désistements

Si le ministère se réjouit, à raison, de cet engouement auprès des porteurs de projets pour ce programme et dément les allégations "infondées" des candidats dont le dossier a été rejeté, le responsable d’une structure d’incubation partenaire de Forsa avance une autre explication.

Selon lui, l’étude du dossier par le comité de financement est la dernière étape du processus de sélection. Il est donc tout à fait normal que des gens à qui l’on a assuré que leur dossier avait été validé par la commission soient dans la certitude et l’attente de la réception du financement qu’on leur a promis.

"L’année dernière, cette étape n’était pas éliminatoire. Cette édition est différente parce que le nombre de candidats qualifiés ne correspond pas aux statistiques prévisionnelles faites par le ministère, qui ne prévoyait pas autant de retraits de dossiers au niveau de chaque étape du processus que l’édition précédente. Il y a finalement eu très peu de désistements et beaucoup de dossiers éligibles au financement", explique notre interlocuteur.

"Dans ma structure, on s’est retrouvé avec 500 candidats qui voulaient tous signer leur contrat. Une quarantaine a due être mise à l’écart, faute de budget. Même cas de figure chez les autres incubateurs."

A en croire l’explication de ce responsable, le ministère s’est retrouvé avec trop de dossiers éligibles et un budget qui ne peut satisfaire toutes les demandes. La solution a été d’éliminer quelques dossiers pour s’aligner sur le budget prévu.

Dans ce cas, sur la base de quels critères le tri a-t-il été effectué ? Y a-t-il eu un traitement de faveur ? Ces dossiers retirés à l’issue du processus seront-ils reconduits lors de l’édition de l’année prochaine ?

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