Exécution des jugements : “Les mesures prévues par le ministère de la Justice sont encourageantes” (Pr Benis)

Pour garantir l’exécution des jugements, le ministère de la Justice a mis en place et prévoit diverses mesures. Voici ce qu’en pense Meriem Benis, professeur de droit à l’université Hassan II de Casablanca.

Scales of justice on table, closeup

Exécution des jugements : “Les mesures prévues par le ministère de la Justice sont encourageantes” (Pr Benis)

Le 30 octobre 2023 à 15h47

Modifié 30 octobre 2023 à 16h22

Pour garantir l’exécution des jugements, le ministère de la Justice a mis en place et prévoit diverses mesures. Voici ce qu’en pense Meriem Benis, professeur de droit à l’université Hassan II de Casablanca.

Huissiers de justice dotés de caméras (bodycam), introduction du juge d’exécution et liste des dettes de l’État… Ces mesures sont-elles suffisantes pour garantir l’exécution des jugements ? En tous cas, ce sont celles prévues par le département de Abdellatif Ouahbi. Et voici ce qu’en pense Meriem Benis, professeure de droit à l’Université Hassan II de Casablanca.

Lors de son passage devant la Chambre des conseillers le 24 octobre dernier, le ministre de la Justice s’était arrêté sur les différentes mesures mises en place et celles attendues, visant à garantir l’exécution des jugements.

Des mesures “encourageantes”

Contactée par nos soins, le Pr Meriem Benis indique que “juridiquement, l’exécution correspond à la réalisation du droit qui permet la satisfaction du créancier. Cette réalisation est obtenue par l’application de mesures de coercition. L’idée d’exécution a ainsi deux versants principaux : l’idée de réalisation et l’idée de contrainte”.

Elle estime que, “de ce point de vue, les mesures proposées par le ministre de la Justice sont notablement encourageantes, étant précisé que les parties en proie à une judiciarisation du conflit ont tendance à penser que le prononcé d’une décision de justice suffit au rétablissement de leurs droits respectifs. Or malheureusement, il ne suffit pas qu’un jugement soit prononcé et donc rendu. Le processus judiciaire s’apparente parfois à un long chemin de croix, car l’exécution des jugements ne se déroule pas sans anicroche”, explique le Pr Benis.

Elle explique que “lorsqu’une des parties contre laquelle la décision est rendue, renâcle à exécuter spontanément la décision rendue à son encontre, le recours à un huissier de justice est un préalable indispensable à la mise en œuvre d’une procédure d’exécution forcée”.

“La plupart de ces voies d’exécution sont à mettre en œuvre, à l’instar d’ailleurs de ce qui se pratique dans le droit français, sous le contrôle d’un juge spécialisé du tribunal judiciaire, le juge de l’exécution (JEX) qui sera, en principe, habilité dans le cadre du code marocain de procédure civile à statuer sur les contestations et les litiges relatifs à cette matière”, ajoute notre interlocutrice.

“Désigné par l’assemblée générale du tribunal de première instance, il sera en charge dans le cadre de la loi 72.03 du code de procédure civile, de superviser et de contrôler le déroulement de l’exécution des décisions de justice et de prendre toutes les mesures permettant de traiter et de fluidifier le contentieux lié aux difficultés d’exécution. La création, sous l’égide du droit marocain, d’une juridiction spécialisée en matière d’exécution forcée a été, sans nul doute, dictée par la volonté de mettre fin à la dispersion des compétences”, estime Pr Benis.

Selon elle, c’est dans le cadre du projet du code de procédure civile que “le législateur a opté pour une logique de concentration du contentieux des procédures civiles d’exécution, entre les mains du JEX, lequel peut donc être saisi aux fins de diligenter toutes les mesures en rapport avec les démarches liées à l’exécution de la décision de justice (octroi de délais de grâce ou le prononcé d’astreintes comminatoires…)”. L’universitaire indique par ailleurs qu’un “caractère d’ordre public est attaché à ses chefs de compétence, ce qui conduit tout autre juge saisi à tort à relever d’office son incompétence”.

Ces mesures répondent au besoin criant des acteurs économiques et des justiciables

Au sujet des huissiers de justice qui, selon les déclarations du ministre, seront en charge de l’exécution des décisions de justice, Pr Meriem Benis relève que “les huissiers de justice pourront (munis du titre revêtu du sceau de l’État), menacer ou, le cas échéant, contraindre à l’exécution, ramener à exécution les actes ou titres en forme exécutoire, procéder aux inventaires et ventes aux enchères publiques de meubles corporels ou incorporels prescrits par la loi ou par décision de justice, signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n’a pas été précisé, accomplir les mesures conservatoires, etc.”. Elle souligne que cette même mesure existe en droit français : “Depuis le 1er juillet 2022, l’huissier de justice, nommé commissaire de justice, est habilité à procéder à l’exécution forcée d’un jugement”.

“Ces mesures, in fine, paraissent opportunes car elles répondent au besoin criant, tant des acteurs économiques qu’à ceux des justiciables, souvent confrontés à certains dysfonctionnements mis en lumière par la pratique et qui ont pour inconvénients, principalement, d’alourdir le déroulement et l’exécution des jugements liés à la procédure. Or une justice performante permet de générer un climat de confiance et d’accroître la sécurité juridique, nécessaire à l’attractivité des investissements”.

Adresse CINE, procédures d’urgence, médiation et conciliation… D’autres mesures “à saluer”

D’autres mesures, hormis celles listées par le ministre sont à soulever. Pr Benis relève que “l’institution du curateur a bien été heureusement abandonnée, compte tenu des nombreux retards et reports procéduraux, occasionnés par le recours à cet agent du greffe, qui d’ailleurs ne disposait nullement des ressources nécessaires et suffisantes pour pouvoir retrouver l’individu, à l’endroit duquel la notification devait s’effectuer”. Pour elle, cela s’inscrit “dans une optique de célérité des décisions à rendre. On ne peut que saluer la suppression de cette institution inadaptée aux contingences des sociétés modernes, plus importantes démographiquement que par le passé”.

Et d’ajouter : “Dans le cadre de la nouvelle version du code de procédure civile, l’adresse figurant sur la carte d’identité nationale sera usitée pour effectuer les notifications à adresser à compter du prononcé des jugements. L’avantage étant de considérer que la notification a été valablement opérée et d’éviter par ce biais le report sine die des audiences, jusqu’à réception de la réponse du curateur, ce qui prévalait sous l’égide de l’ancien régime”.

Autre garantie qui “mérite d’être citée et saluée” selon Pr Meriem Benis : celle qui concerne “les procédures d’urgence, et plus spécifiquement les ordonnances sur requêtes ainsi que les constats, lesquels doivent désormais être rendus, immédiatement ou au plus tard, le lendemain de la demande”.

“Il faut également saluer la volonté du législateur, en amont des procédures contentieuses, de favoriser la conciliation et/ou la médiation à l’initiative du juge ou de l’une des parties. En effet, ces divers moyens de prévention des conflits ou de recherche d’une solution consensuelle offrent aux parties une alternative aux solutions juridictionnelles, et répondent indubitablement aux attentes des investisseurs étrangers désireux de recourir à ce mode de résolution privé, s’agissant de leurs différends commerciaux”.

“En tout état de cause, une législation est toujours théoriquement éminemment perfectible au travers des réformes et/ou des refontes afférentes à l’organisation des procédures et au fonctionnement des juridictions, mais elle reste largement tributaire, d’une part, de la volonté de l’ensemble des acteurs de la sphère judiciaire de poursuivre cet objectif de bonne administration de la justice, et d’autre part, de la place croissante du phénomène de managérialisation des services publics”, conclut-elle.

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