Controversé et objet d’appel à l’interdiction en Europe, le glyphosate sous surveillance au Maroc

Au cœur d’une polémique en Europe et d’appel à l’interdiction, le glyphosate, herbicide non sélectif utilisé depuis les années 1970, ne fait pas l’unanimité auprès de la communauté scientifique ou des agriculteurs à cause de sa toxicité potentielle. Qu’est-ce que le glyphosate ? Pourquoi est-il si controversé ? Qu’en est-il de son utilisation au Maroc ? Eléments de réponse.

Controversé et objet d’appel à l’interdiction en Europe, le glyphosate sous surveillance au Maroc

Le 29 octobre 2023 à 14h49

Modifié 30 octobre 2023 à 13h26

Au cœur d’une polémique en Europe et d’appel à l’interdiction, le glyphosate, herbicide non sélectif utilisé depuis les années 1970, ne fait pas l’unanimité auprès de la communauté scientifique ou des agriculteurs à cause de sa toxicité potentielle. Qu’est-ce que le glyphosate ? Pourquoi est-il si controversé ? Qu’en est-il de son utilisation au Maroc ? Eléments de réponse.

Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides − dont le célèbre produit 'Roundup' commercialisé par Bayer, très largement utilisé dans le monde − avait été classé en 2015 comme "cancérogène probable" pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Depuis, la question de l’interdiction du glyphosate divise. Des militants écologistes pointent du doigt sa toxicité potentielle et appellent à ce qu’il soit interdit. La communauté agricole, dans sa très grande majorité, est hostile au retrait du glyphosate. Sans compter l’absence d’un consensus scientifique sur le caractère cancérogène de la molécule. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait publié, début juillet 2023, un rapport dans lequel elle indiquait ne pas avoir identifié de "domaine de préoccupation critique" chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher l’autorisation de l’herbicide.

Le débat glyphosate s’est même invité dans la politique. Les Etats de l’Union européenne sont en effet divisés sur le sort de l’herbicide avant un vote crucial. La Commission européenne a proposé en septembre dernier de renouveler pour dix ans l’autorisation du glyphosate dans l’UE, sous conditions, après le rapport d’un régulateur estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire cet herbicide controversé.

Un herbicide utilisé dans 38 produits commercialisés au Maroc 

Au Maroc, le débat sur l’interdiction ou pas du glyphosate est timide, voire inexistant. Le Royaume est pourtant concerné. Selon l’index phytosanitaire de l’Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA), et sur la base des données du 7 septembre, le glyphosate est présent dans 38 produits commercialisés au Maroc. Des agrumes aux vignes en passant par les oliviers, ses usages sont variés, constate-t-on sur le site de l’ONSSA.

Le glyphosate est homologué au Maroc depuis plus de vingt ans, explique à Médias24 Ahmed Jaafari, chef de division des intrants chimiques l’ONSSA.

"Le glyphosate est un herbicide total utilisé pour lutter contre les adventices (plantes poussant dans un milieu aménagé sans y avoir été intentionnellement introduites, ndlr), ce que nous appelons communément les mauvaises herbes. Les adventices concurrencent la culture principale en matière d’absorption d’eau et de fertilisants. Elles peuvent même sécréter des substances qui retardent la croissance de la culture", indique Ahmed Jaafari.

Importé de l’étranger, tout comme les autres pesticides autorisés au Maroc, où ces substances chimiques ne sont pas produites localement, le glyphosate est "néanmoins très peu utilisé au Maroc", d’après notre interlocuteur. "De tous les pesticides homologués au Maroc, le glyphosate n’en représente que 3,7%. Globalement, le Maroc reste un petit marché de pesticides. Durant l’année, un hectare de terre au Maroc reçoit moins de 1,5 kilogramme de pesticides. Une quantité faible par rapport à d’autres pays, où l’utilisation des pesticides est jugée élevée, comme en Israël ou aux Pays-Bas", détaille notre source.

"Le glyphosate n’est pas appliqué sur les cultures annuelles telles que le blé, les lentilles, les pois chiches et les tomates. Une application directe induirait en effet la destruction de ces plantes, puisque cet herbicide est non sélectif, voire à action généralisée", poursuit-il.

Appliqué une fois par an au moyen d’atomiseurs ou de rampes, l’herbicide controversé est réservé aux jachères (terres labourables qu’on laisse temporairement reposer en ne leur faisant pas porter de récolte) et n’est appliqué qu’au niveau des inter-arbres, explique notre interlocuteur.

Pas d’interdiction du glyphosate pour le moment, mais vingt produits contenant cette substance ont été proscrits (ONSSA)

Le Royaume est sélectif en matière d’homologation de ces substances chimiques, tient à souligner Ahmed Jaafari. "Nous acceptons uniquement les dossiers d’homologation des pesticides préalablement homologués dans les pays de l’OCDE ; lesquels dossiers sont évalués par des ingénieurs phytiatres de l’ONSSA qui vérifient les analyses de toxicité, de l’écotoxicité, du devenir des pesticides dans l’environnement et des résidus de pesticides fournis par le fabricant étranger à travers la société marocaine importatrice du produit final. La validation ou le refus d’homologation sont décidés par la Commission nationale des produits phytopharmaceutiques, composée, outre de l’ONSSA, de huit départements dont ceux de la Santé, de l’Environnement et de l’Agriculture", explique encore Ahmed Jaafari.

Commentant la polémique mondiale autour du glyphosate, Ahmed Jaafari fait savoir que l’ONSSA garde un œil sur ce dossier, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. "Les radars sont actifs. Nous suivons de près ce dossier depuis 2018, année durant laquelle le Maroc, à travers l’ONSSA, a été l’un des premiers pays au monde à procéder à la réévaluation du glyphosate. Nous avons décidé, au niveau de la commission nationale précitée, et à la suite de la publication du rapport du Centre international de recherche sur le cancer en 2015, d’interdire 24 produits commerciaux contenant du glyphosate associé au co-formulant POE-Tallowamine. Après avoir étudié les données disponibles, nous étions alors parvenus à la conclusion selon laquelle cette association peut présenter un risque ; ce co-formulant augmente en effet la toxicité du glyphosate", explique Ahmed Jaafari, soulignant que cette même association est encore utilisée dans plusieurs pays.

"Le Maroc a ratifié deux conventions importantes sur les produits chimiques d’une manière générale : la convention de Stockholm sur les polluants persistants et la convention de Rotterdam sur les produits chimiques et les pesticides dangereux. Les pesticides classés comme dangereux après évaluation sont annexés dans ces conventions. Le glyphosate ne figure jusqu’à présent dans aucune des listes annexées aux conventions. Tous les pesticides figurant sur les annexes de celles-ci ont été interdits par l’ONSSA", poursuit l’expert.

"On effectue donc un suivi par le moyen de ces conventions, un suivi au niveau national et un suivi de ce qui se passe ailleurs. Le jour où de nouvelles données mettant en doute le niveau de risque du glyphosate seront disponibles, nous relancerons automatiquement le processus de réévaluation. Nous n’hésiterons pas à prendre les mesures nécessaires en cas de suspicion d’anomalie, à l’image de ce que nous avons fait en 2018. Les priorités de l’ONSSA sont l’intérêt du Maroc, du consommateur, de l’environnement et de la santé animale", rassure Ahmed Jaafari.

"Le glyphosate homologué au Maroc inoffensif en cas de bonne application"

"Il n’y a rien d’alarmant au Maroc jusqu’à présent concernant l’utilisation du glyphosate. Les produits contenant du glyphosate homologué par l’ONSSA, selon les données dont nous disposons actuellement, ne représentent aucun risque inacceptable à condition que les conditions d’emploi soient respectées, telles que le dosage maximal ou le nombre d’applications à ne pas dépasser", insiste Ahmed Jaafari, qui fait le parallèle avec les médicaments qui, eux aussi, peuvent présenter un risque en cas de non-respect du mode de prise.

"Le dosage maximal pour les produits contenant du glyphosate diffère d’une composition à une autre. Les conditions d’emploi sont proposées par l’ONSSA et validées par la Commission nationale des produits phytopharmaceutiques", poursuit le responsable.

Mais à la différence des médicaments, dont une mauvaise utilisation n’affecte que son consommateur, une mauvaise utilisation des pesticides par les agriculteurs a des effets sur l’ensemble des citoyens.

A la question de savoir si le glyphosate est correctement appliqué par les agriculteurs marocains, le chef de division des intrants chimiques reconnaît la complexité des missions du contrôle sur le terrain. "Les agriculteurs marocains prennent de plus en plus conscience de l’importance des bonnes pratiques agricoles, y compris de la bonne application des pesticides, et surtout de l’importance de la protection au moment de leur application. Les vendeurs de pesticides lancent fréquemment des campagnes de sensibilisation, en distribuant par exemple gratuitement les kits de protection phytosanitaire. Les agriculteurs qui ne respectent pas les conditions d’emploi sont assujettis à des amendes. Une amélioration est constatée ces derniers temps", observe Ahmed Jaafari.

"Certes, l’ONSSA effectue des missions de contrôle et de suivi de l’application des pesticides, mais nous ne pouvons pas non plus tout contrôler. Le nombre d’agriculteurs au Maroc dépasse les 3 millions. Peut-on tous les contrôler en une seule fois ? Bien sûr que non. Les inspecteurs de l’ONSSA ciblent certains agriculteurs. Si une infraction est constatée, les inspecteurs établissent un procès-verbal dressé devant le procureur du Roi. Le reste relève de la justice. Il faut noter aussi que l’ONSSA n’inspecte pas seulement les agriculteurs, mais aussi les vendeurs, les distributeurs... ce qui rend la tâche d’inspection encore plus complexe", conclut notre source.

Si l’innocuité du glyphosate, et celle des pesticides plus globalement, est à remettre en cause en raison des limites du contrôle, le marché informel des produits phytosanitaires (20% de l’offre phytosanitaire provient du circuit informel, selon l’Institut national de la recherche agronomique-INRA) fait du calcul de l’innocuité des pesticides une mission quasiment impossible... Un dossier à suivre !

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