Très populaires, les figues de Barbarie sont quasi introuvables cet été

Les cactus du Royaume ont été en majorité décimés par la cochenille, causant une baisse drastique de la production, un approvisionnement insuffisant et une hausse des prix des figues de Barbarie, comme le constate Médias24 lors d'une visite au marché de gros de fruits et légumes à Casablanca.

@MAP

Très populaires, les figues de Barbarie sont quasi introuvables cet été

Le 20 juillet 2023 à 17h30

Modifié 21 juillet 2023 à 11h26

Les cactus du Royaume ont été en majorité décimés par la cochenille, causant une baisse drastique de la production, un approvisionnement insuffisant et une hausse des prix des figues de Barbarie, comme le constate Médias24 lors d'une visite au marché de gros de fruits et légumes à Casablanca.

Au Maroc, il y avait deux phénomènes immuables à l’amorce de la saison estivale : les fortes chaleurs et la multiplication des vendeurs ambulants de figues de Barbarie. Ces dernières années, les thermomètres s’affolent, et les figues de Barbarie ou Hendya se font quant à elles de plus en plus rares.

En cause, la cochenille, un ravageur qui a détruit plusieurs dizaines de milliers de pieds de cactus, l’arbre qui produit l’un des fruits les plus appréciés du Royaume. "Il y a encore quelques années, on pouvait se goinfrer en enfilant une dizaine de figues en l’espace de quelques minutes. Mais ce n’est plus possible, parce que leur prix a été multiplié par huit ou par dix. Encore faut-il les trouver !", regrette avec nostalgie un citoyen croisé à Casablanca auprès d'un marchand ambulant de figues de Barbarie, proposant des fruits à 2 ou 4 DH l’unité, selon la taille. 

Ainsi, ce n’est pas tant l’attachement des consommateurs à ce fruit sucré et extrêmement nourrissant qui s'est évanoui, mais plutôt sa rareté qui a impacté son prix, devenu exorbitant. Une amère réalité qui ne date pas d’hier. Le cactus est une plante introduite au Maroc en 1770 par les colonies espagnoles en provenance du Mexique. Elle a proliféré dans le Rif, le centre du pays et les plateaux et plaines atlantiques, où elle est cultivée de façon traditionnelle pour l’alimentation animale, mais surtout humaine, tant ses fruits ont gagné en popularité au fil des décennies.  

À l’aube des années 2010, les 150.000 hectares de cactus que comptait le pays produisaient entre 1,2 et 3,5 millions de tonnes de figues de Barbarie, avec un rendement compris entre 8 et 25 tonnes/hectare. Toutefois, la cochenille (Dactylopius Opuntia) a eu raison des cactus du Royaume. Ces derniers n'assurent plus un approvisionnement suffisant du marché national. 

Car si cette plante à fleurs tolère la sécheresse, elle reste sans défense face à ce petit ravageur dont les attaques rapides et répétées sont dévastatrices. Pour l’instant, aucune hypothèse officielle n’explique l’introduction de la cochenille au Maroc. Une chose est sûre, tout a commencé dans la commune rurale de Saniat Berguig, relevant de la province de Sidi Bennour, d’après les services de l’ONSSA. 

23 tonnes de figues de Barbarie par jours

La baisse de production s’est particulièrement fait sentir au marché de gros à Casablanca. Ce jeudi 20 juillet, dans cette structure qui brasse la plus grande quantité de fruits et légumes du Royaume, le contraste est saisissant entre l'espace réservé aux figues et celui où sont vendues les figues de Barbarie. 

Les centaines de caisses de figues occupent quasiment la totalité du parking adjacent au marché couvert. Tandis que les quelques dizaines de caisses de figues de Barbarie sont vendues dans un espace au fin fond du marché de gros, à l'opposé du "marché d’Agadir", où sont commercialisées les tomates notamment. 

"Aujourd’hui, le marché a accueilli seulement 23 tonnes de figues de Barbarie, contre 160 à 200 tonnes par jour il y a quelques années", affirme Abdellatif Baajine, contrôleur des prix au marché de gros de Casablanca. "Les quantités commercialisées au marché se sont effondrées à partir de 2020. Et la situation ne s’est pas améliorée."

Dans l’espace qui leur est réservé, les caisses de figues de Barbarie sont proposées à un prix compris entre 250 et 500 DH, selon leur taille et leur qualité. Chaque caisse comprend 30 kilos, soit environ 300 figues. Le prix au kilo est donc compris entre 8 DH et 16 DH.

Celui de chaque unité peut aller de 0,80 DH à 1,60 DH. Pour qu’un détaillant puisse s’en tirer à bon compte, il lui faut vendre les figues entre 2 et 4 DH l’unité. Un prix qui comprend le coût de transport et autres charges. Il correspond aux tarifs pratiqués dans les artères de la capitale économique. 

Une culture à part entière

Les très faibles quantités de figues de Barbarie qui alimentent le marché national "sont issues d’exploitations agricoles entretenues avec soin", nous explique un grossiste, corroborant les dires du Dr Rachid Bouharroud, chercheur et expert en entomologie et lutte intégrée des cultures. 

"À Marrakech, un producteur en a fait une culture à part entière, avec une conduite technique et des pratiques culturales adéquates, ainsi qu’un traitement régulier contre la cochenille", précise l'expert, membre de l’équipe de recherche à l'origine de la découverte de huit variétés résistantes à la cochenille. 

"Ce producteur vend sa production aux grandes surfaces, après analyse par l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) et le ministère de l’Agriculture", poursuit-il. Ces récoltes ont permis un approvisionnement partiel bien qu'insuffisant du marché national.

"Des quantités proviennent également de plusieurs régions du Maroc, dont les provinces d’Al Hoceima, Tétouan, Guelmim, Sidi Ifni, Rhamna et Khouribga (Bejaad)", précisent les commerçants que nous avons sondés. En somme, la répartition géographique de la production n’a pas subi un profond changement, à l’inverse de la conduite culturale, de la durée de récolte et des quantités produites. 

Au crépuscule des années 2000, la saison de récolte des figues de Barbarie s’étendaient de juin à septembre. Depuis, elle n’a cessé de se réduire. "Elle ne dure plus que deux mois : juillet et août", déplore un grossiste. Un regret partagé par les populations rurales, pour qui le cactus a toujours été considéré comme un important moyen de subsistance, puisque chaque hectare pouvait rapporter un revenu compris entre 20.000 et 40.000 DH.

Traitement biologique et nouvelles variétés résistantes à la cochenille

Heureusement, cette situation, aussi préoccupante soit-elle, n’est pas irrémédiable. Plusieurs projets et autres mesures ont été entreprises afin de retrouver un niveau de production satisfaisant, permettant de couvrir la demande du marché national et faire baisser les prix.

Pour ce qui est du cactus en spontané, le Maroc a fait un pas décisif dans sa quête d’un remède à la cochenille. La Fondation Dar Si Hmad a en effet dévoilé un nouveau traitement biologique réputé infaillible contre la cochenille : la coccinelle trident. 

@Rachid Bouharroud

En collaboration avec l’INRA, des lâchers de cet insecte originaire du Mexique, qui se nourrit exclusivement de la cochenille, ont été effectués avec succès dans la région de Sidi Ifni. Des expériences similaires ont également été réalisées dans le nord du pays.

De 20% à 25% moins onéreuse que les traitements phytosanitaires, cette cure biologique "est capable de régénérer les cactus du Royaume en cinq ans", s’enthousiasme le Dr Rachid Bouharoud. Cela dit, l’efficacité de ce traitement écologique et peu coûteux dépend de la constitution d’un élevage de cet insecte. 

De son côté, le département de l’Agriculture a lancé un ambitieux programme pour revitaliser la filière du cactus, grâce notamment à la plantation de nouvelles variétés résistantes à la cochenille. Le plan d’action du ministère s’articule principalement autour de la plantation de huit nouvelles variétés résistantes à la cochenille, sur une superficie de 120.000 ha à l’horizon 2030. Jusqu’à présent, près de 7.500 ha ont été plantés. 

Ce plan d’action symbolise l'un des principaux axes de la stratégie Génération Green 2020-2030. Une orientation agricole qui mise entre autres sur le développement d’une agriculture solidaire, dans l'optique d’améliorer le niveau de vie des petits agriculteurs et de redonner le sourire aux amateurs de figues de Barbarie. 

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