Blé tendre, ce que nous apprend la dernière circulaire de l’ONICL

La volonté publique de pousser les minotiers à renforcer leurs stocks en début d’été montre à quel point la situation est sensible pour le stock national de blé. Elle devra aussi se confronter avec la réalité d’un écosystème pas tout à fait prêt à mettre en place un stock stratégique.

Blé tendre, ce que nous apprend la dernière circulaire de l’ONICL

Le 7 juillet 2023 à 17h00

Modifié 7 juillet 2023 à 17h00

La volonté publique de pousser les minotiers à renforcer leurs stocks en début d’été montre à quel point la situation est sensible pour le stock national de blé. Elle devra aussi se confronter avec la réalité d’un écosystème pas tout à fait prêt à mettre en place un stock stratégique.

La circulaire de l’ONICL publiée le 27 juin dernier ouvre la porte à une des plus grosses opérations de soutien à l’importation de blé tendre au Maroc. Les professionnels du secteur, notamment les minotiers, pourront importer jusqu’à 25 millions de quintaux durant une période de 3 mois avec un soutien de l’Etat qui se situe autour de 22,50 dirhams par quintal.

Une démarche d’autant plus exceptionnelle qu’elle survient en plein mois d’été, une période où le marché national est fermé à l’importation avec une hausse significative des droits de douane pouvant atteindre les 140%. Toutefois, cette opération, déterminée par un contexte particulier, risque de se heurter à un certain nombre de difficultés.

Une production nationale basse et de faible qualité

Qu’est-ce qui pousse l’Etat, à travers l’ONICL, à changer de procédure de subvention de l’importation de blé tendre en pleine saison des récoltes au Maroc, d’autant que le pays a annoncé une production nationale de plus de 55 millions de quintaux en hausse de 62% par rapport à la compagne précédente ?

"Cette nouvelle procédure vient soutenir les minotiers pour reconstituer leurs stocks qui se sont fortement dégradés ces derniers mois", explique un des principaux minotiers du pays. Ce sont les minotiers qui détiennent le stock stratégique du pays. Et trop peu d’opérations d’importation ont été réalisées durant "la période de soudure", c’est-à-dire les mois de mars, avril et mai, grignotant d’autant plus sur le stock national de blé. Et cela malgré la baisse relative des cours mondiaux après les pics historiques atteints par cette commodité stratégique après le début de la guerre en Ukraine. D’habitude, les importateurs profitent de ces périodes pour reconstituer leurs stocks, même en dehors des contingents, afin de maintenir leurs unités de production à flots. Mais avec l’inflation de leurs coûts, les opérateurs ont préféré minimiser leurs importations en attendant l’annonce du soutien public.

C’est désormais chose faite à travers cette nouvelle circulaire, avec à la fois une augmentation du prix référentiel du prix du blé "rendu moulin" (c’est-à-dire le coût de revient moyen de la farine à la fin à la sortie de la minoterie servant à calculer la subvention), de 260 à 270 dirhams/Q, mais aussi la fixation du seuil de la prime forfaitaire de 22,50 dirhams/Q, calculé sur la base de la moyenne des prix quotidiens du mois précédant la publication de cette nouvelle circulaire.

"L’autre chose que nous apprend cette circulaire, c’est que les quantités annoncées de 55 millions de quintaux de céréales ne seront probablement pas atteintes en 2023, et que la qualité du grain n’est pas non plus au rendez-vous pour répondre aux exigences des minoteries industrielles", avance notre minotier.

Et pour cause, c’est un fait extrêmement rare que le Maroc donne des subventions pour importer du blé tendre en plein été. En général, le pays protège les agriculteurs nationaux en renchérissant le coût des importations pour écouler d’abord la production nationale. Aujourd’hui, c’est exactement l’inverse qui est fait, reconnaissant de facto que l’année agricole n’est pas aussi bonne qu’espérée.

Les 2,5 millions de tonnes sont-ils atteignables ?

Dans un contexte où des incertitudes planent sur la reconduction ou non de l’accord sur le corridor de la mer Noire concernant le blé ukrainien et ses conséquences probables sur l’évolution des cours du blé, les autorités ont ainsi pris les devants. Toutefois, selon de nombreux professionnels consultés, il va être difficile d’atteindre le plafond des 2,5 millions de tonnes fixé. En effet, il s’agit non seulement d’un engagement financier important, mais aussi d’un défi logistique de taille.

"Il est question de l’importation de quasiment 7,5 milliards de dirhams de blé en trois mois", estime un professionnel. Ce montant demande des engagements bancaires importants que très peu d’acteurs peuvent se permettre, d’autant que pour un autre minotier, "tous les acteurs de la filière sont fortement endettés du fait de la hausse de leurs charges due, d’une part à l’inflation, d’autre part à la très forte concurrence que connaît le secteur en raison de sa surcapacité d’écrasement".

À cet handicap financier s’ajoute une prise de risque importante. "Les prix du blé sont très fluctuants. Supposons que ceux-ci baissent à la faveur d’une conjoncture internationale très instable mais qui pourrait s’améliorer, que se passera-t-il si les opérateurs jouent le jeu et reconstituent massivement leurs stocks ? Ils seront tout simplement très pénalisés par des stocks dont la valeur se serait fortement dépréciée", affirme un minotier de la place. Les opérateurs devront ainsi faire des arbitrages entre la "volonté de l’Etat de fixer un volume et un montant de subvention déterminé à l’avance et qui rentrent dans une logique de programmation du budget public, et les besoins et capacités financières des opérateurs déjà en grandes difficultés", explique un autre minotier.

L’autre enjeux est celui de la logistique. "Importer autant en si peu de temps est un vrai défi logistique au niveau du déchargement. Seront principalement avantagés les opérateurs qui ont des capacités de stockage sur les ports. Etant donné que 70% des débarquements de blé se font au niveau des ports de Casablanca et de Jorf, il va falloir s’attendre par ailleurs à une inflation de surestaries pour tout débarquer en 3 mois", surenchérie notre source.

Et une autre d’ajouter : "Pour les opérateurs, il faudra aussi compter des surcoûts de stockage et de transport, même si c’est ce qui est visé par la prime fixe, et je crains que ce ne soit pas suffisant pour pousser les acteurs à importer aussi massivement".

Ainsi, bien que l’ONICL cherche à reconstituer les stocks de blé dans une période sensible en fixant une prime adossée à une quantité et en mettant un système de pricing différent, cette volonté est fortement contrainte par la situation du secteur, qui s’est fortement détériorée ces dernières années. L’ambition de mettre en place un stock stratégique se heurte donc à des réalités complexes, ce qui nécessite d’adapter l’organisation du secteur ainsi que les types d’incitations accordées afin d’atteindre l’objectif des six mois de stock.

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