Affaire Dr Tazi : les avocats de la défense relèvent des vices de procédure

Entre documents irréguliers et PV viciés, les avocats du Dr Hassan Tazi, de son épouse et de son frère relèvent les nombreux vices de procédure durant les interrogatoires et les gardes à vue de leurs clients. L'audience du 6 juillet, qui aura duré 6 heures, a été renvoyée au 14 juillet prochain.

Affaire Dr Tazi : les avocats de la défense relèvent des vices de procédure

Le 7 juillet 2023 à 19h49

Modifié 7 juillet 2023 à 19h53

Entre documents irréguliers et PV viciés, les avocats du Dr Hassan Tazi, de son épouse et de son frère relèvent les nombreux vices de procédure durant les interrogatoires et les gardes à vue de leurs clients. L'audience du 6 juillet, qui aura duré 6 heures, a été renvoyée au 14 juillet prochain.

9h45. L’audience du 6 juillet démarre. À ce moment-là, les avocats de la défense sont peu nombreux et les accusés ne sont pas encore arrivés. Les magistrats, les familles, tout comme la chaleur, sont eux bien présents. Le procureur général utilise l’un de ses dossiers en papier cartonné pour se rafraîchir. Les climatiseurs installés dans la salle 8 ne fonctionnent pas, bien qu’un voyant clignote, l’effet n’est pas du tout ressenti. Le président demande même à ce que les portes de la salle soient complètement ouvertes invitant ainsi le brouhaha des couloirs à faire écho dans la salle.

Fort heureusement, il utilise le micro devant lui pour appeler deux accusés assis dans la salle. Le troisième ne se présente pas. Les deux jeunes hommes n’ont pas d’avocat. Le président leur demande de se trouver une défense et de revenir pour une audience le 27 juillet. Ils rejoignent alors leurs familles visiblement inquiètes et stressées.

Un autre accusé est appelé à comparaître devant les juges. Celui-ci est en détention et doit d’abord s’entretenir avec son avocat. Ce que le juge l’invite à faire, avant de lire à haute voix le numéro de dossier du Dr Hassan Tazi et de sept autres accusés impliqués dans cette affaire de traite d’êtres humains.

9h56. Les accusés entrent dans la salle. Hassan Tazi a visiblement perdu du poids par rapport aux dernières sorties médiatiques ayant précédé son incarcération. Les cheveux teints en noir et lissés ont laissé place à des boucles grises. Mais le médecin rasé de près, contrairement à son frère Abderrazak à la barbe blanche fournie, a plutôt bonne mine. Son frère, lui, peine à avancer, juste derrière Mounia Benchekroun, l’épouse de Hassan Tazi. Vêtue d'une djellaba, les cheveux attachés, elle semble épuisée.

La seule accusée en état de liberté provisoire est également appelée à se présenter. Elle prend place sur le banc de droite, devant les avocats de la défense. L’un d’entre eux prend la parole à 10h04. Pendant une heure, il va expliquer pourquoi, selon lui, le PV relatif au placement en garde à vue de Mounia Benchekroun est “vicié”.

"Interrogée dans l'ambulance"

“Nous ne savons pas quand est-ce que la garde à vue a commencé (...). De plus, elle a été embarquée dans l’ambulance bien qu’elle ait remis à la police judiciaire un certificat médical, elle n’a pas eu l’occasion d’être traitée”, explique-t-il sur un ton monocorde.

Au bout de quarante-cinq minutes, le président intervient et lui fait subtilement comprendre d’abréger. L’avocat, lui, n’a pas l’air de saisir dans un premier temps. Son confrère, M’barek Meskini, lui chuchote quelque chose à l'oreille. À ce moment-là, l’assistance pense être au bout de ses peines. Mais c’était sans compter sur la persistance de l’avocat qui poursuit son monologue quelques minutes de plus.

Lorsqu'il s'arrête, le président en profite pour faire “un petit rappel” quant à “l’interdiction d’usage du téléphone” dans la salle, en s’adressant à l’assistance, déjà lassée par la longue plaidoirie qui vient de prendre fin ; mais aussi par la forte chaleur, malgré les éventails qu'agitent les plus chanceux.

11h06. Me M’barek Meskini entame sa plaidoirie en confirmant les propos de son confrère dans un premier temps. Mais il ira plus loin dans le détail. Il donne le ton en évoquant l’article 23 de la Constitution, selon lequel “nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi”.

Pour lui, “la légitimité des procédures est une légitimité constitutionnelle”. S’il donne autant d’importance aux procédures, c’est parce qu’il estime que ses clients ont fait l’objet de poursuites “basées sur des documents viciés”. Il brandit un document et hausse le ton. “Pensez-vous que ces 32 pages peuvent être considérées comme un PV ?”, interroge-t-il.

“Ce document doit être supprimé du dossier. Il n’a pas la forme d’un PV. Il s’agit d’un document propre à celui qui l’a rédigé”, poursuit-il.

“J’ai consulté les PV qui concernent Mounia Benchekroun. J’ai d’abord pensé à une erreur car, pour moi, il est impossible que la police judiciaire cache quelque chose (...). J’ai retrouvé trois PV. Le premier, daté du 1er avril 2022 à 10h45, intitulé ‘second PV d’audition de la dénommée Mounia Benchekroun’. Le second, également daté du 1er avril, a été établi à 17h13”, précise-t-il en se rapprochant du président pour pointer du doigt ce qu’il lit sur le document.

“Il y a un troisième PV, établi le même jour à 17h30”, indique Me Meskini en précisant qu’il n’a “toujours pas retrouvé le premier PV”.

“Où est-il ? Où a-t-il disparu ?” crie-t-il en brandissant le document qu’il tient de la main droite. “Est-ce qu’elle a été interrogée lorsqu’elle était dans l’ambulance ?”, interroge-t-il à voix haute. L’avocat crie si fort qu’il en perd le souffle.

Il demande, d’un ton plus calme cette fois, à ce que la cour s’adresse à la police judiciaire pour “apporter le premier PV”. Et ce, car sa cliente déclare avoir été “auditionnée plus d’une fois dans l’ambulance”. “C’est un scandale procédural”, souligne Me Meskini.

L’avocat continue de lister les bavures procédurales concernant ses deux autres clients, Hassan et Abderrazak Tazi. Durant son discours, il est interrompu par le président, qui prend le temps de réprimander une dame de l’assistance, “trop bavarde”, qui s’impatiente, visiblement.

Il annonce par la suite une pause à 12h40, durant laquelle les familles ont pu serrer dans leurs bras et discuter avec les accusés. Ceux-ci se sont également entretenus avec leurs avocats, dont Me Fatima Zahra Ibrahimi, appelée à revenir dans la salle par le fils du couple Tazi, à la demande de sa mère, Mounia. Celle-ci enlace son avocate, avec qui elle entretient visiblement une relation chaleureuse.

Des accolades, des sourires, des signes de prière et des larmes… la salle 8 a droit a son lot d’émotions au cours de cette pause qui aura duré un peu plus d’une heure.

13h51. Reprise. Me Meskini décortique les PV évoqués plus tôt. Entre-temps, les policiers présents dans la salle font un changement de garde. Quatre nouveaux prennent place, chacun à son poste.

“Dans le second PV, réalisé à 17h13, on lit que la lecture de ses droits (Mounia Benchekroun, ndlr) a eu lieu à 17h15. Or, dans le même PV, il est indiqué qu’elle a été placée en garde à vue à 16h30 (...).

“Même chose pour Abderrazak Tazi. Placé en garde à vue à 20 h le 30 mars 2022, on ne l’a informé de ses droits que le lendemain, 31 mars, à 10h15. Ce sont quatorze heures qui se sont écoulées entre-temps. Où sont les dispositions de l’article 66 (du Code de procédure pénale, ndlr) ?”, interroge l’avocat qui s’énerve et s’agite. On peut apercevoir des gouttes de sueur perlant sur son front, bien qu’il fasse moins chaud durant l’après-midi.

En face de lui, les juges, et derrière lui, l’assistance, luttent contre l’effet soporifique de sa longue plaidoirie. Les accusés commencent également à s’impatienter.

Des PV "viciés"

Entre-temps, Me Meskini change de fusil d’épaule et s’arrête sur l’un des chefs d’accusation qui concernent ses clients : constitution d’une bande criminelle. Il estime que, dans le cadre de cette accusation, la procédure relative aux écoutes téléphoniques n’a pas été respectée. “Le numéro duquel a été tirée une conversation n’a pas fait l’objet d’une autorisation.”

De plus, il relève que des décisions du juge d’instruction ne répondent pas aux exigences de forme, puisqu’elles doivent toutes être prononcées “au nom de Sa Majesté le Roi, et conformément à la loi”, comme le veut la loi justement. Or, l’avocat liste plusieurs documents où la formule “conformément à la loi” n’est pas mentionnée.

Certains de ces documents ne précisent pas “l’identité complète des accusés”, ni les accusations qui les concernent. En raison de ces éléments, Me Meskini interroge si “après tout cela, on peut continuer à les détenir ? Ils sont détenus sur la base de décisions irrégulières, depuis plus d’un an”. Il demande à l’instance collégiale d’”être juste” et de “mettre fin à cette tragédie”.

15h19. Après plus de trois heures de plaidoirie, Me Meskini cède la parole à son confrère, Me Hassan Kettani, qui représente Abderrazak Tazi. L’avocat, qui a éternué tout au long de l’audience, explique que son état de santé ne lui permet pas de rester davantage dans la salle. Il demande à prendre la parole avant ses autres confrères et vient confirmer les propos de Me Meskini concernant les irrégularités relatives aux procédures, notamment celle du placement en garde à vue de son client qui n’a été averti de ses droits que le lendemain.

“Le PV sur lequel a été basé cette poursuite est vicié. Je demande à ce qu’on déclare son invalidité”, déclare Me Kettani qui quitte la salle 8 à 15h25. Ses confrères prendront la parole à tour de rôle. Deux d’entre eux auront l’occasion de s’exprimer avant que le président n’annonce une pause à 16h15.

À la reprise, vingt minutes plus tard, Mounia Benchekroun revient en larmes. Les accusés à ses côtés ont l’air de plus en plus fatigués, y compris le Dr Hassan Tazi. Ils quittent la salle un peu plus tard, à 16h51, lorsque l’instance collégiale lève l’audience après avoir renvoyé le dossier au 14 juillet.

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