Malgré le maintien du taux directeur, la bourse reste dans l’incertitude

| Le 21/6/2023 à 15:21
Mardi 20 juin, l’euphorie a momentanément gagné la place casablancaise à la suite de l’annonce du maintien du taux directeur. Mais les chiffres clés annoncés dans les prévisions de Bank Al-Maghrib laissent entrevoir un ciel encore ombragé. Avec une croissance revue à la baisse, une prévision d'inflation revue à la hausse et une sécheresse devenue structurelle, la navigation dans le monde économique se fait à vue.

L’annonce du maintien du taux directeur à 3% par le wali de Bank Al-Maghrib, le mardi 20 juin 2023, a eu un effet dopant sur le marché. L’euphorie a poussé le MASI à 11.705 points en hausse de 2,38% par rapport à la veille, avec un volume global de plus de 400 MDH.

Ce mercredi 21 juin, à la mi-séance, l’effervescence de la veille est retombée avec un MASI en baisse de 1,8% et un volume d’échange à 175 MDH. Le marché semble avoir digéré les propos du gouverneur de la Banque centrale qui, malgré un statu quo inattendu, a dressé des perspectives globalement maussades.

Voyons ce que traduit la sémantique de BAM, et ses implications éventuelles sur la vision des investisseurs, tant sur le marché actions qu’obligataire.

Une pause n’est pas un arrêt

Comme nous le rappelle une source du marché, Abdellatif Jouahri a bien choisi ses mots en annonçant marquer une pause dans le cycle de resserrement monétaire. "Il parle bien de pause dans son cycle de resserrement. C’est exactement ce que fait aujourd’hui la FED dans son cycle, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de nouvelle hausse du taux à l’avenir. Il ne parle pas d’arrêt, d’inflexion ou de pivot du cycle de resserrement", précise notre interlocuteur.

Cette dernière intervient pour différentes raisons, notamment un temps d’observation de l’impact des précédentes décisions du Conseil de BAM depuis septembre 2022 sur l’économie réelle. "Il y a un délai assez long pour quelques agrégats pour avoir un impact entier et complet des hausses déjà effectuées de 150 pbs en cumulé depuis septembre dernier, sur l’économie réelle et son financement." Notre interlocuteur ajoute que "pour la première fois, il y a un taux directeur de la BCE qui va dépasser celui de BAM. Un gap très important entre les taux de rémunération de zone Euro et aux USA par rapport au Maroc pourrait induire des pressions sur le dirham. On va dire qu’aujourd’hui, ce statu quo est plus synonyme de pause. Ces signaux plaident toujours pour la poursuite du resserrement, mais il attend de voir les implications des transmissions des 150 pbs sur l’économie".

De fait, l'attentisme devrait persister sur le marché action, qui reste dans l’expectative d’une future hausse potentielle du taux directeur et d'une prise de connaissance de l'évolution des indicateurs macroéconomiques. "À chaque prochaine décision, il y aura toujours une inquiétude d’un revirement de la Banque centrale vers le resserrement. Mais ce qui le justifierait, ce serait les données de l’inflation", explique notre interlocuteur.

Sur ce sujet, les autres données clés livrées durant la conférence de BAM peuvent laisser perplexe. En effet, au-delà de l'enthousiasme suscité par le maintien du taux directeur, la conjoncture économique demeure très incertaine. Des mots du wali lui-même, "nous sommes dans une période où nous vivons une fragmentation mondiale, politique, économique, avec une montée du souverainisme et des incertitudes qui font que l’on ne sait pas où l’on va. Il faut être prudent et vigilant".

Un contexte encore compliqué

Au Maroc, comme dans de nombreux pays du monde, la situation est encore compliquée. Certains chiffres présentés par le wali de BAM en attestent. "Il y a une inflation qui a commencé à ralentir, certes, mais la prudence est de mise car l’inflation sous-jacente demeure élevée. Il faut d’ailleurs souligner que nous sommes sur une nouvelle prévision d’inflation revue à la hausse, passant de 5,5%, lors du précédent Conseil, à 6,2% lors de ce Conseil. Il faut souligner cela comme une potentielle indication pour une prochaine hausse", estime notre source.

Les indicateurs concernant la croissance économique ont également été revus à la baisse avec une évocation d’une hausse de 3% du PIB au Conseil de décembre 2022, désormais visée à 2,4%. "Il est aussi important de relever ce qu’a dit le wali sur la problématique climatique et hydrique. Cette donnée est primordiale car elle impacte les campagnes agricoles. Rien n’empêche que pour 2024, cela se présente mal à nouveau, car le taux de remplissage des barrages est parmi les plus faibles… Nous vivons dans un nouveau paradigme et les incertitudes sont très élevées", poursuit notre interlocuteur.

Et si cela ne suffisait pas, certains points positifs comme la reprise des recettes touristiques et les transferts de MRE en bonne forme ont un impact sur la circulation fiduciaire qui poursuit sa hausse inlassablement. "Elle devrait rester sur des niveaux très élevés et impacter le déficit de liquidité et les marchés financiers et monétaires", explique notre source.

Un certain attentisme et de légères pressions baissières à court terme sur le marché obligataire

Les prévisions d’inflation et de croissance indiquent la persistance d’une situation économique assez difficile.

"Les investisseurs sur le marché obligataire avaient déjà anticipé un ralentissement des 25 pbs. Durant les trois ou quatre dernières séances sur le marché obligataire, nous avions constaté des baisses sur le marché secondaire des rendements obligataires. Je pense que le statu quo va être une bonne nouvelle sur le marché obligataire, lui permettant éventuellement de baisser les taux de rendement. Il faut rappeler que le discours du wali est accommodant vis-à-vis du Trésor. L’an dernier, le discours était très orienté sur l’inflation, désormais, il parle de croissance et d’emploi. On remarque qu’il soutient l’action budgétaire et cela va se refléter probablement sur le marché obligataire qui va subir moins de tensions. On pourrait éventuellement constater de légers mouvements baissiers", explique notre source.

Mais encore une fois, il faut rester prudent. Plusieurs facteurs poussent à la prise de précautions, notamment parce que l’inflation demeure élevée et implique une plus grande exigence de rendement de la part des investisseurs. "L’attentisme est toujours là. On assistera peut-être, sur le moyen long terme, à des ajustements haussiers. Tout dépendra de la lecture et des priorités de chacun", conclut notre interlocuteur.

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