Inflation. Ce que cache l’évolution moyenne de l’indice des prix à la consommation

L’indice général des prix à la consommation a connu une progression de 11,22% depuis février 2022, le mois ayant précédé le déclenchement de la spirale inflationniste dans le monde. Cette moyenne cache des variations disparates selon la catégorie de produits, montrant que les biens les plus touchés par la hausse des prix sont ceux qui concernent le quotidien des Marocains. Analyse.

Inflation. Ce que cache l’évolution moyenne de l’indice des prix à la consommation

Le 21 juin 2023 à 18h53

Modifié 21 juin 2023 à 18h53

L’indice général des prix à la consommation a connu une progression de 11,22% depuis février 2022, le mois ayant précédé le déclenchement de la spirale inflationniste dans le monde. Cette moyenne cache des variations disparates selon la catégorie de produits, montrant que les biens les plus touchés par la hausse des prix sont ceux qui concernent le quotidien des Marocains. Analyse.

7,1% : c’est le taux de l’inflation annuelle annoncée, le mardi 20 juin, pour le mois de mai 2023. Un chiffre bien inférieur au pic de plus de 10% affiché en février 2023. Effet de base oblige, l’inflation n’ayant commencé à apparaître qu’en mars 2022 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, ce chiffre de l’inflation va aller en baissant au cours des prochains mois. Dans son Conseil, tenu le mardi 20 juin, Bank Al-Maghrib prévoit d’ailleurs une inflation moyenne annuelle pour 2023 de 6,2%, après les 6,6% enregistrés en 2022.

Si ces chiffres de l’inflation sont bien élevés et supérieurs à la norme de 2% que cible toute banque centrale, ils cachent pourtant la réalité ressentie par les consommateurs, qui est mieux représentée par l’indice des prix à la consommation (IPC) produit par le haut-commissariat au Plan (HCP). Un indice que l’institution dirigée par Ahmed Lahlimi publie tous les mois, avec une liste de 10 catégories de produits, permettant ainsi de voir les tendances réelles des prix à la consommation par type de biens et services.

Pour mieux analyser les données de l’IPC, nous avons choisi de partir de février 2022 comme base de comparaison. C’est le mois où la tendance des prix était encore normale, avant d’exploser à partir de mars 2022 avec l’invasion russe de l’Ukraine. Voir l’évolution de chaque catégorie de produits depuis cette date, et jusqu’à fin mai 2023, permet ainsi d’avoir une idée claire sur la tendance des prix. Cf notre dashboard détaillé en fin d'article.

Les prix des produits alimentaires ont augmenté de près de 25% en 16 mois…

Première remarque qui saute aux yeux quand on aligne les chiffres de l’IPC par catégorie de produits : l’explosion des prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées. Ces produits, les plus consommés par les Marocains et qui font l’essentiel du panier de la ménagère, ont connu une hausse de 24,26% entre février 2022 et mai 2023. C’est plus de deux fois la progression générale de l’IPC qui a évolué sur la même durée de 11,22%. Et trois fois plus que la moyenne générale de l’inflation sur la même période.

C’est dire si l’inflation qu’a connue le pays est tirée essentiellement par l’alimentaire, ce que le ressenti de la population reflète de manière fidèle. Les causes de cet emballement des prix des produits alimentaires sont connues : sécheresse, rareté des produits agricoles - surtout les légumes, les fruits et les viandes -, la spéculation, le désordre des chaînes de distribution, mais aussi la hausse des intrants agricoles et des produits agro-industriels qui a été répercutée par quasiment l’ensemble des producteurs.

Pour faire simple, un panier de produits alimentaires qui coûtait 1.000 dirhams en février 2022 vaut aujourd’hui 1.242,6 dirhams. C’est près de 250 dirhams de plus sur la facture d’un ménage. Ceux qui ressentent bien sûr le plus cette évolution des prix des produits alimentaires sont les populations pauvres et moyennes.

Et cette évolution des prix alimentaires paraît anormale, disproportionnée, quand on la compare à la progression de l’IPC des autres catégories de produits que prend en compte le HCP dans ses calculs. Car juste après l’alimentaire, la deuxième catégorie de produits qui a connu la deuxième hausse la plus élevée a trait aux services de restauration et hôtellerie, pour une progression des prix de 7,02%. Le gap entre les produits alimentaires, premiers du podium, et la restauration et hôtellerie est énorme, et montre à quel point le poids de l’alimentaire a été décisif dans la moyenne générale de hausse de l’IPC et de l’inflation dans le pays.

Dans un article que nous avons récemment réalisé sur le ressenti et la situation financière de la classe moyenne dans ce contexte de hausse générale des prix, la restauration paraissait en effet parmi les services qui étaient les plus touchés, plusieurs gérants de restaurants ayant remarqué une baisse du flux de fréquentation de leur établissement sur la dernière année.

>> Lire aussi : Ce que dit la baisse de la consommation de la situation financière des familles marocaines - Médias24 (medias24.com)

Autre évolution notable, celle des prix des meubles, des articles de ménage et d’entretien du foyer, avec une hausse des prix à la consommation de 6,53%, collant à la moyenne générale de l’inflation. Là aussi, on parle de produits qui entrent dans le quotidien des ménages marocains, toutes couches sociales confondues, et qui affectent de manière directe le pouvoir d’achat des plus pauvres et des couches moyennes.

Viennent ensuite l’habillement et les chaussures qui ont vu leurs prix augmenter entre février 2022 et mai 2023 de 6,45%.

Pour ces deux dernières catégories de produits, l’explication de la hausse des prix est encore une fois simple : l’envolée du coût des intrants industriels et des prix de la logistique.

Grâce à l’intervention étatique, les consommateurs ont évité le pire

Autre remarque que l’on peut tirer de l’analyse des chiffres de l’IPC : dès qu’on passe ces quatre premiers types de produits, qui ne sont pas réglementés ou subventionnés et qui obéissent à la loi pure du marché, l’évolution des prix des autres produits paraît moins importante.

C’est le cas des Transports par exemple, qui malgré l’envolée spectaculaire du prix du baril, des produits raffinés et des prix à la pompe du diesel et de l’essence, ont vu leur IPC évoluer d’à peine 5,50%. Soit une progression en dessous de la moyenne générale. La raison : l’intervention de l’Etat dès la mi-2022 pour aider les transporteurs et les empêcher de répercuter la hausse des prix à la pompe sur les services de transport de tous genres (transport urbain, taxis, périurbain, marchandises…).

Sans l’intervention du gouvernement, le coût des Transports allait exploser au même titre que celui des produits alimentaires, voire plus, aggravant le déclassement social d’une grande partie de la population qui a souffert aussi bien des effets du Covid que de l’inflation (le HCP parle d’une population de 3 millions de personnes qui a basculé vers la pauvreté entre 2021 et aujourd’hui).

Les boissons alcoolisées et tabacs, dont les prix ne sont pas totalement libres, ont connu également une hausse de prix de 5,40%. L’explication vient de la hausse des taxes que subissent ces produits, qui a été répercutée par les producteurs de spiritueux, de bières et de cigarettes sur le consommateur.

Sur le reste des produits et services, l'évolution des prix reste normale dans le contexte actuel, ou en tout cas inférieure à la moyenne générale. Citons l’enseignement (+4,57%), les loisirs et la culture (+4,13%), le logement, eau, gaz, électricité (+1,26%), la santé (+0.69%) ou encore les communications (+0.48%). Ce dernier service connaît ainsi la hausse la moins importante, malgré le contexte inflationniste, en raison principalement de la concurrence que se livrent les trois opérateurs télécoms du pays. Une concurrence saine qui bénéficie, pour une fois, au consommateur final.

Le reste des services qui n’ont pas connu de hausses importantes sont soit des services essentiellement publics (comme la santé et l’enseignement) ou qui sont subventionnés par l’Etat, comme l’eau, l’électricité, à travers les aides octroyés par le gouvernement à l’ONEE, ou encore le gaz, qui reste toujours inclus dans le panier des produits subventionnés par la Caisse de compensation.

Sans ce système public, défaillant certes mais toujours majoritaire, dans des secteurs comme la santé ou l’éducation, les subventions à l’eau, l’électricité ou le gaz, ou l’aide exceptionnelle aux transporteurs, le Maroc aurait pu connaître une inflation à la Turque…

La situation aurait également pu être encore meilleure si les pouvoirs publics avaient anticipé le déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché des produits agricoles, ou s'ils avaient pris - comme c'est le cas cette année avec le plan d’urgence anti-sécheresse initié par le Roi - des mesures exceptionnelles pour subventionner les intrants agricoles et les aliments de bétail, en vue d'empêcher l’emballement des prix des légumes, des fruits et des viandes sur le marché.

Ci-dessous, le tableau de bord de Médias24 de l'évolution de l'inflation et de l'indice des prix. 

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Alliances: Résultats au 31 décembre 2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.

3e édition du Forum annuel MD Sahara à Rabat