La méthode TARL (Teaching at the right level) est plus efficace au Maroc pour la langue arabe, celle-ci étant la langue maternelle des apprenants. Pour les mathématiques, la durée d’un mois, durant laquelle la méthode TARL a été expérimentée, n’a pas suffi pour que les groupes débutants puissent accomplir la division. En ce qui concerne la langue française, la plupart des élèves qui avaient des bases ont pu améliorer leurs compétences, tandis que les apprenants avec des compétences inférieures éprouvaient encore des difficultés.

Il s’agit là des principaux résultats relevés par les auteurs, qui confirment de manière générale l’efficacité de la méthode TARL, que les professionnels du secteur de l’enseignement recommandent de généraliser à tout le Royaume.

Une étude pour confirmer les résultats de l'expérience pilote

Rappelons que l'efficacité de cette approche pour consolider les acquis des apprenants, et réduire les écarts entre eux, a été éprouvée au niveau international. Il en est de même dans le Royaume, où les résultats d'une expérience pilote, qui s’est déroulée du 6 septembre au 30 décembre 2022 au niveau de toutes les académies régionales d’éducation, ont également été encourageants.

L'étude menée par des universitaires marocains portait sur un échantillon réduit de 106 élèves. Elle visait à vérifier les résultats officiels rapportés par le ministère de l’Education nationale. Intitulée "The effectiveness of the TaRL approach on Moroccan pupils’ mathematics, arabic, and french reading competencies", elle a été réalisée par trois chercheurs marocains de la Faculté des lettres et des sciences humaines, Dhar El Mahraz, de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, Abdessamad Binaoui, Mohamed Moubtassime, et Latifah Belfakir.

L’expérience, réalisée durant la rentrée scolaire 2022-2023, a été menée auprès de 106 élèves entre la quatrième et la sixième année du primaire. L’échantillon présélectionné était constitué d'élèves avec des difficultés en lecture des langues française et arabe, et en calcul. La sélection s’est faite sur la base de trois pré-tests ciblant chaque compétence séparément.

Quatre niveaux de lecture des deux langues, française et arabe, ont ainsi été établis : (0) débutant, (1) lecture de syllabes, (2) lecture de mots, (3) lecture de phrases et (4) lecture de paragraphes. Il en est de même pour les mathématiques, avec les niveaux suivants : (0) débutant, (1) addition, (2) soustraction, (3) multiplication et (4) division. Un pré-test a été effectué initialement pour affecter les élèves dans les différentes catégories, auxquelles des enseignants ont été attribués. Un post-test a également été réalisé avec les mêmes objectifs que ceux du pré-test.

En effet, le processus de l’approche TARL commence par un diagnostic individuel auprès des élèves. Le test donne lieu à un positionnement qui permet de répartir les élèves dans des groupes homogènes. La pédagogie de remédiation repose ensuite sur deux principes : l’interactivité et l’apprentissage par le jeu.

Évolution significative des étudiants dans les trois matières

Différents rapports annuels ont démontré que les élèves marocains n'avaient pas les compétences nécessaires en lecture et en calcul, bien qu’ils soient dans des classes avancées et que le taux de scolarisation soit élevé. Cette problématique est due au taux de réussite imposé parfois par le manque d’infrastructures, la pénurie du personnel enseignant, la formation pédagogique insuffisante de ce personnel ou encore du fait des classes combinées.

Les tests en mathématiques, en langue arabe et en langue française, effectués par les auteurs de la présente étude un mois après le lancement de l’enseignement par l’approche TARL, ont révélé une évolution positive et significative du niveau des élèves.

Pour les mathématiques, 63 élèves (soit 60% de l’échantillon) on vu leur niveau s'améliorer, tandis que 43 (soit 40%) ont maintenu leur niveau. Pour la langue arabe, le nombre d’élèves dont le niveau s’est amélioré s’élève à 50 (soit 47% de l'échantillon), alors que 56 (soit 53%) ont gardé le même niveau. En ce qui concerne la langue française, 56 élèves (soit 53% de l’échantillon) ont vu leur niveau s’améliorer, tandis que 50 autres (environ 47%) ont maintenu leur niveau. Pour les trois matières, aucun élève n’a vu ses compétences diminuer.

"Nous pouvons alors confirmer l’efficacité de la méthode TARL, comme rapporté par les rapports nationaux", indiquent ainsi les auteurs de l'étude.

Ils relèvent que "les classes TARL étaient homogènes en termes de difficultés d’apprentissage. Les enseignants ont toutefois relevé qu’il existe toujours des groupes de besoins spécifiques, même après la bonne catégorisation du niveau de compétence".

Enfin, les auteurs soulignent que "l’attribution de devoirs après les sessions TARL a aidé les élèves à suivre les cours, car la majorité d’entre eux étaient prêts pour les cours suivants. De plus, lorsque les élèves montraient des signes d’amélioration, ils étaient transférés dans les groupes suivants, ce qui les motivait".

Les chercheurs ont par ailleurs relevé quelques limites à cette méthode, notamment "le manque d’outils pédagogiques, et le chevauchement de l’enseignement avec la méthode TARL, après les cours officiels, qui épuise les élèves".

Efficacité élevée pour la langue arabe

"Les cours d'arabe ont, pour leur part, été arrêtés au bout de deux semaines, en raison des résultats positifs obtenus par les élèves, à l’exception de deux cas particuliers qui souffraient de dyslexie. Cela peut s’expliquer par le fait que l’arabe est la langue maternelle de l’échantillon participant à l’étude."

"Pour les mathématiques, la durée d’un mois, durant laquelle la méthode TARL a été expérimentée, n’était pas suffisante pour que les groupes débutants puissent arriver à faire la division. En ce qui concerne la langue française, la plupart des élèves qui avaient une certaine base ont pu améliorer leurs compétences, tandis que les catégories avec des compétences inférieures éprouvaient encore des difficultés. Cela s’explique par le fait que le français est la deuxième langue d’apprentissage et que la plupart des étudiants marocains continuent d’éprouver des difficultés à l’apprendre, même au lycée et dans les universités."

Notons que la méthode TARL a été développée par l’ONG indienne Pratham pour aider les enfants en 3e, 4e, et 5e classe du primaire à rattraper leur retard et à bénéficier d'une chance supplémentaire de terminer correctement le cycle primaire. Elle a été adaptée au contexte marocain par les équipes du ministère de l'Education nationale, en partenariat avec l’INDH et la Fondation Sanady qui avaient initié ce projet il y a deux ans, avec l’objectif de remédier à l’accumulation des lacunes scolaires chez les élèves, l'une des grandes problématiques de l’école publique marocaine. L’objectif du ministère, à travers le déploiement de la méthode TARL, est de contribuer à stopper l’hémorragie.

Enseignement : les premiers résultats de la méthode d’apprentissage TARL sont très encourageants