Tomate ronde: perspectives incertaines pour le prochain Ramadan

La prochaine récolte de la tomate ronde sera-t-elle suffisante pour absorber une demande qui atteindra son pic lors du mois de Ramadan 2024 qui commencera aux alentours du 12 mars ? Les professionnels en doutent. Du moins, si aucune mesure n’est prise dans les prochaines semaines.

(C) Dr. Rachid Bouharroud.

Tomate ronde: perspectives incertaines pour le prochain Ramadan

Le 30 mai 2023 à 18h52

Modifié 31 mai 2023 à 10h09

La prochaine récolte de la tomate ronde sera-t-elle suffisante pour absorber une demande qui atteindra son pic lors du mois de Ramadan 2024 qui commencera aux alentours du 12 mars ? Les professionnels en doutent. Du moins, si aucune mesure n’est prise dans les prochaines semaines.

Partant du principe que la culture de la tomate ronde sous serre s’étale sur environ neuf mois, le cycle de production devra être lancé dans les prochaines semaines. Or, l’écosystème de la filière maraîchère, et en particulier celui de la tomate ronde, fait face à de multiples obstacles à même de compromettre l’approvisionnement du marché national.

Un scénario catastrophe, d’autant qu’à l'avenir, le mois sacré, où la demande sur les produits maraîchers atteint son pic, va sans doute coïncider avec l’hiver et les températures basses qui retardent le mûrissement des tomates. 

L’entrée en production dans la province de Dakhla-Oued Eddahab, d'un périmètre agricole de 5.200 ha, irrigué à partir de la station de dessalement d’eau de mer, n'aura lieu qu'en 2025. Ce périmètre permettra de répondre en partie à cette contrariété, surtout que la zone possède des avantages concurrentiels en termes de climat et de précocité. 

Mais en attendant, comment va se passer le prochain ramadan ? Y aura-t-il une réédition des difficultés du ramadan que nous venons de quitter? Le mois sacré avait été marqué par une forte demande de la tomate ronde, comme de coutume, mais également par une baisse de l'offre, en raison du froid et aussi de la baisse des superficies. De sorte que les prix avaient flambé, provoquant entre autres des restrictions des exportations.

Selon des sources professionnelles, la période actuelle est décisive. C'est en ce moment que les exploitations agricoles effectuent leurs arbitrages et décident notamment s'ils vont planter de la tomate ronde ou bien autre chose, telles les tomates cerises ou les courgettes à titre d'exemple. Comme tout investisseur, un agriculteur essaiera de maximiser sa mise et, faute d'un minimum de garanties, les superficies consacrées à la tomate ronde risquent de baisser davantage l'année prochaine.

Les professionnels sont donc dans une période d'attentisme ; ils aimeraient connaître les intentions du gouvernement. En ce sens, une réunion a été organisée, le samedi 27 mai à Agadir, entre le ministère de l’Agriculture et des représentants d’organisations professionnelles. 

Selon les premiers échos, cette entrevue n’a pas abouti à des mesures concrètes. Pourtant, les écueils à surmonter à court terme sont multiples, au point de compromettre en partie la prochaine campagne de tomate ronde. Il s’agit notamment de : 

- la réduction des superficies cultivées ; 

- les poussées phytosanitaires manifestées par le développement de fortes résistances par certains pathogènes ; 

- les difficultés rencontrées par plusieurs exploitations pour irriguer leurs cultures, à cause du tarissement des puits et de la charge ionique élevée que contient l’eau dessalée.

Une superficie cultivée en baisse de 25% 

La majorité des tomates rondes qui inondent les marchés du Royaume proviennent de la région de Souss-Massa, principalement de la plaine de Chtouka, du moins jusqu'à avril-mai. Pourtant, en 2022, la superficie cultivée de tomate ronde sous serre a baissé d’environ 25% dans cette région, de près de 9.000 ha en 2019, à 6.750 ha en 2022, soit un recul de l’ordre de 2.250 ha. 

En 2023, la situation ne semble pas s’améliorer. D’après des sources professionnelles sondées par Médias24, les extensions des cultures sous abris, dont la tomate ronde, ne sont plus d’actualité. En cause, un prix de location et d'achat en constante augmentation. De plus, la superficie et les ressources hydriques de la plaine de Chtouka ne permettent plus de grandes extensions. 

La pénurie d’eau n’est pas sans effet sur la production de tomate ronde. "Plusieurs exploitations sont en difficulté à cause de l'assèchement des puits et de la limitation des forages", déplore une source professionnelle. Un constat qui ne date pas d’hier. 

Au-delà du niveau piézométrique de la nappe de Chtouka qui a drastiquement baissé, une étude révèle que l'intrusion d'eau de mer progresse d'environ 2.500 m à l'intérieur des terres. Autrement dit, le peu d’eau que contient la nappe de Chtouka présente une salinité élevée, et donc en majorité inutilisable. 

Une problématique que la station de dessalement d’eau de mer d’Agadir est censée résoudre. Ce projet a précisément pour objectif de préserver cette nappe, en irriguant près de 15.000 ha dans le périmètre agricole de la zone, au prix élevé de 5,70 DH/m3.

Toutefois, "l’eau de dessalement présente une charge ionique élevée en sodium (Na), chlore (CI) et Bore (B), ce qui oblige les agriculteurs à faire passer l’eau en provenance de la station dans un deuxième niveau de filtrage au niveau des exploitations", assure un producteur de tomate.  

Une recrudescence de poussées phytosanitaires 

Hantise des exploitants, les poussées phytosanitaires ont connu une recrudescence au cours des dernières années, "engendrant de plus en plus de dégâts sur les cultures, et particulièrement sur celle de la tomate", déplore notre source, qui cite en particulier le virus du fruit rugueux brun de la tomate (ToBRFV). 

"Ce virus est caractérisé par sa transmission par contact, mais aussi par la rapidité de sa propagation, ainsi que la sévérité de ses attaques, qui rendent les fruits non commercialisables", poursuit-elle. En outre, le surcoût de la prévention contre ce virus est onéreux, sans offrir de solides garanties. De manière générale, les serres canariennes ne se prêtent pas à une prophylaxie efficiente. 

Cette réalité, combinée à l’absence de variétés résistantes ou tolérantes à ce virus, fait peser une véritable menace sur la prochaine campagne. Surtout que les professionnels du secteur redoutent non seulement le ToBRFV, mais aussi la Tuta absoluta, une espèce d’insectes plus connue sous le nom de mineuse sud-américaine de la tomate.

"Tuta absoluta a développé des niveaux de résistance très élevés à l’ensemble des pesticides usuellement utilisés. Elle est devenue très dévastatrice  par les dégâts qu’elle cause", préviennent à l’unisson nos interlocuteurs. 

Renforcer le contrôle de la qualité des pesticides

Se prémunir contre le fléau des virus et autres insectes ravageurs nécessite avant tout une amélioration des conditions d’intervention phytosanitaires, notamment par le biais de l’introduction d’autres spécialités phytopharmaceutiques usitées par d’autres pays concurrents.  

Les professionnels interrogés proposent également de renforcer le contrôle de la qualité des pesticides, de la contrefaçon, de la fraude et des abus de confiance. Il s’agit aussi de combattre le monopole en termes de vente de ces produits, particulièrement en période de pointe d’utilisation. Car cela implique une hausse des tarifs.   

Autre éléments important, le contrôle des semences et la mise en place des pare-feu au niveau des pépinières, dans le but de contrôler la propagation du virus. En ce sens, une analyse des plants avant livraison s’impose. Idem pour le subventionnement des programmes de prophylaxie contre la propagation des virus. 

Actuellement, le virus du fruit rugueux brun de la tomate (ToBRFV) semble avoir contaminé une partie des sols dédiés à la culture de la tomate ronde. "Cela impose le passage au dispositif de la culture en substrat hors-sol afin d'éviter une éventuelle attaque virale précoce", indiquent des sources professionnelles. 

Cependant, ce système appelé à être changé chaque année n’est pas à la portée de tous les producteurs. Ils estiment qu’un tel dispositif alourdit leurs charges de production. "Il est donc impératif de faire entrer le substrat sous un régime de subvention et d’exemption de la TVA", précise l’un d’entre eux. 

En matière d’irrigation, et même si les ressources souterraines s’amenuisent, les professionnels interrogés insistent sur la nécessité d’alléger les procédures administratives pour faciliter l’accès à l’eau. De surcroît, nos interlocuteurs estiment que les systèmes de recyclage des eaux de drainage, permettant d’économiser de 30% à 35% du volume d’eau d’irrigation et jusqu’à 40% d’engrais, doivent eux aussi être subventionnés. 

S’agissant des systèmes de dessalement de l’eau au niveau des fermes, indispensables à cause du niveau élevé de la charge ionique de l’eau dessalée dans la station de dessalement régionale, les professionnels ne seraient pas contre un soutien de l’Etat. D’ailleurs, les producteurs de tomate demandent une étude d’impact de l’utilisation de l’eau de dessalement. 

Mise en place d’un contrat-programme spécifique

Au fond, les agriculteurs qui souhaitent se lancer dans la culture de la tomate sont légion. Mais ils sont quelque peu rebutés par un écosystème de moins en moins lucratif et plus coûteux qu’auparavant. Afin de favoriser l’extension des superficies cultivées de tomate ronde, les professionnels proposent d’alimenter les petits producteurs engagés dans le programme de la tomate ronde pour le marché local, par des dotations bonifiées d’eau de dessalement. 

La réhabilitation des petites exploitations, en leur facilitant l’accès au financement, sera tout aussi capitale. Au même titre que la mise en place d’un contrat-programme spécifique basé sur une subvention forfaitaire de 150.000 DH/ha, comme participation à la mise en place de la culture de tomate ronde sous serre. 

En sus d’une autre subvention de 30.000 DH/ha pour le plein champ en début de campagne. Ces subventions seront conditionnées par un constat d’installation et la présentation d’une facture de la pépinière. Autant d'éléments, en capacité d’encourager l’augmentation des surfaces de tomate ronde et, sans doute, de sauver la prochaine campagne. 

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