Round up. Deux mois après sa généralisation, quel bilan tirer de l'AMO ?

La généralisation de l’Assurance maladie obligatoire a pris effet le 1er décembre 2022. Depuis, quelles ont été ses répercussions sur le terrain ? Les bénéficiaires ont-ils augmenté ? Les ex-Ramédistes consultent-ils davantage dans le privé ? Le point avec des professionnels pour tenter de cerner tous les changements sur le terrain.

Round up. Deux mois après sa généralisation, quel bilan tirer de l'AMO ?

Le 23 février 2023 à 17h44

Modifié 24 février 2023 à 10h45

La généralisation de l’Assurance maladie obligatoire a pris effet le 1er décembre 2022. Depuis, quelles ont été ses répercussions sur le terrain ? Les bénéficiaires ont-ils augmenté ? Les ex-Ramédistes consultent-ils davantage dans le privé ? Le point avec des professionnels pour tenter de cerner tous les changements sur le terrain.

Sur le terrain, les avis divergent. Si les médecins spécialistes et généralistes, ainsi que les biologistes, sont confrontés à plus de paperasserie depuis la généralisation de l’AMO et le basculement des ex-Ramédistes au régime AMO, cela ne signifie pas forcément une amélioration de leur activité.

Les ex-Ramédistes peinent toujours à consulter dans les structures privées, vu qu'ils doivent avancer les frais avant de se faire rembourser par la suite. Or, par définition, ce sont des personnes dont la situation financière est souvent difficile. Et même si certains arrivent, à l’aide d’un proche ou autre, à consulter dans le privé en attendant de se faire rembourser, le reste à charge est encore élevé. De plus, la révision du Tarif national de référence (TNR) n’a toujours pas été effectuée. Même s’ils sont remboursés, ils ne le seront pas à un taux élevé. 

Ainsi, lorsqu'ils se rendent dans le privé, c'est généralement pour le traitement des Affections longue durée (ALD) et les Affections longues et coûteuses (ALC), qui sont, pour la majorité, prises en charge à 100%.

Au niveau des pharmacies et des cliniques, le constat est différent. Les pharmaciens évoquent plus de visites ces deux derniers mois, et donc une légère augmentation de la consommation de médicaments, sans pouvoir la chiffrer. Cela s’explique par le fait que les ex-Ramédistes n’étaient pas remboursés pour les médicaments achetés avant ce basculement. Même constat auprès des cliniques, dont l’activité a connu une légère hausse.

Enfin, le problème relevé par tous nos interlocuteurs est relatif au manque de communication. De nombreux assurés Tadamone ignorent encore les prises en charge dont ils peuvent bénéficier après le basculement vers l’AMO. Un effort doit donc être fourni par les autorités compétentes à ce niveau. C'est de cette manière que l'on peut résumer la situation actuelle.

Explosion du nombre de dossiers traités

Jointe par nos soins, la CNSS, qui s’est vu attribuer la gestion de deux nouvelles catégories en 2022, à savoir les travailleurs non salariés et les ex-Ramédistes, en plus des salariés du secteur privé, ne nous a pas livré les derniers chiffres par rapport au nombre de dossiers traités depuis le 1er décembre.

Cependant, la Caisse reconnaît l’explosion du nombre de dossiers traités quotidiennement depuis l’entrée en vigueur de la généralisation de l’AMO.

Les derniers chiffres dont on dispose remontent à début janvier 2023, dévoilés par une représentante de la CNSS à l’occasion du 38e congrès médical national :

11 millions d’assurés chefs de famille auxquels sont rattachés 23 millions de bénéficiaires ;

plus de 43.000 dossiers traités par jour durant la première semaine de janvier 2023, uniquement dans le privé, soit une hausse de 10.000 dossiers/ j en un mois ;

-  la CNSS s’attend à traiter 80.000 dossiers/ j vers fin 2023.

Aucun changement au niveau des cabinets de spécialistes

Les ex-Ramédistes peuvent, depuis le basculement, bénéficier des soins dans le secteur privé, alors que le Ramed n’était valable que dans le public. Mais dans la pratique, ces personnes n’arrivent toujours pas à consulter dans le privé, ne disposant pas de moyens financiers suffisants.

D'après le Dr Said Afif, pédiatre et président du Collège syndical national des médecins spécialistes privés (CSNMSP), "il n’y a aucun changement au niveau des cabinets de spécialistes. Pour que les assurés Tadamone puissent consulter dans un cabinet privé, le TNR doit être révisé".

"La consultation coûte environ 250 DH chez un généraliste et 350 DH chez un spécialiste. Le patient doit alors payer 150 DH ou 200 DH de sa poche, or ce sont des personnes qui n’en ont pas les moyens."

"Les médecins sont également gênés lors de la prescription des médicaments, puisque les ex-Ramédistes sont remboursés sur la base du générique le moins cher."

"Des annonces ont été faites, mais concrètement, rien ne change sur le terrain. Il faut que le reste à charge du patient soit revu à la baisse pour que la consultation dans le privé devienne accessible. C’est le point de départ qui permet la prévention et le bon suivi, notamment des maladies chroniques."

"Au lieu de consulter, les patients se dirigent directement vers les pharmacies, alors qu’avec la généralisation de l’AMO, les choses doivent évoluer", regrette-t-il. En effet, 70% des médicaments sont aujourd’hui vendus sans ordonnance, selon nos informations. La consultation représente à peine 4% à 5% du budget de l’AMO, d’où la nécessité de fixer de nouveaux tarifs, basés sur le coût réel des consultations.

Selon notre source, les discussions au sujet du TNR n’ont pas encore démarré. Une réunion a été tenue le 6 janvier pour réviser le cadre conventionnel type, à l’issue de laquelle une autre rencontre s’est tenue pour discuter des petites modifications à y apporter. Une fois ce cadre acté, les professionnels du secteur devront concrétiser la convention de 2020 révisant le TNR. "Cette convention n’a jusqu’à présent pas été actée, et la balle est dans le camp du ministère de la Santé et de l’Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM)", conclut leDr Said Afif.

"Les ex-Ramédistes resteront confinés dans le public"

Même son de cloche auprès du Dr Saâd Agoumi, gynécologue-obstétricien. "Par définition, les ex-Ramédistes sont des personnes dont les moyens financiers sont très faibles. Ils ne vont donc jamais consulter dans le privé, puisqu’ils doivent avancer les frais de consultation et se faire rembourser par la suite."

"Ils resteront ainsi confinés dans le public, sauf dans certains cas spécifiques. Lorsque le rendez-vous à l’hôpital public pour une opération urgente ou une hospitalisation est très éloigné par exemple, un patient sera alors obligé de se rendre dans une clinique privée."

Pour illustrer l’incapacité des assurés Tadamone à se rendre dans les structures privées par leurs propres moyens, le Dr Agoumi cite l’exemple de la césarienne. "Pour cet acte, le TNR s’élève à 8.000 DH. Quand il est pris en charge, le patient doit payer, dans le meilleurs des cas, 2.400 DH, or les ex-Ramédistes n’ont pas les moyens", déplore-t-il.

"Pour le moment, on n’a senti aucune augmentation" du nombre d'analyses effectuées, nous confirme également le Dr Zineb Zniber, présidente du Conseil des pharmaciens biologistes.

"Je pense par ailleurs que la CNSS est en train de mettre les choses en place. Le basculement va prendre un peu de temps pour devenir réellement effectif, mais je crois que d’ici la fin de l’année en cours, nous pourrons faire un premier bilan."

"Même révisé, le TNR restera un frein pour les ex-Ramédistes"

Le Dr Tayeb Hamdi, médecin généraliste et président du Syndicat national de la médecine générale (SNMG), estime pour sa part que le reste à charge n’est pas le principal frein des ex-Ramédistes. "Même s'il baisse à 25% par exemple, il restera toujours élevé pour cette catégorie."

Selon lui, la situation peut se résumer de la sorte : "Il y a deux catégories de soins, des soins avec le tiers payant, et d’autres sans tiers payant."

"Pour la première catégorie, il y a des soins pris en charge à 100%, qui sont sûrement en train d’être boostés. Il s’agit notamment des hospitalisations, des interventions chirurgicales et des maladies lourdes et coûteuses."

"Pour les soins sans tiers payant, les choses diffèrent selon la situation financière. Les ex-Ramédistes ou encore les personnes payées au Smig au maximum vont toujours renoncer aux soins", explique le Dr Hamdi, qui souligne que "les deux tiers des salariés de la CNSS, bien avant la généralisation de l’AMO, touchaient moins de 3.000 DH. Ce sont donc des gens qui ne pourront jamais accéder aux soins sans tiers payant".

"La révision du TNR pourrait par ailleurs bénéficier à la classe moyenne, qui renonce actuellement à certains examens", vu le faible taux de remboursement. Le reste à charge élevé freine ainsi les assurés de cette classe moyenne.

Notre source évoque par ailleurs l’augmentation du nombre de documents à remplir depuis la généralisation de l'AMO, et estime qu’il est encore tôt pour se prononcer sur l’impact du basculement vers l’AMO sur l’activité du secteur.

Pharmacies et cliniques privées : légère amélioration, mais peut mieux faire

Le constat est différent au niveau des pharmacies et des cliniques privées. Joint par nos soins, Hamza Guedira, pharmacien et président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP) dit "sentir de l’action, et du mouvement après la généralisation de l’AMO". Il constate ainsi "davantage de visites, mais il est encore prématuré de quantifier l’activité".

"Dans le secteur pharmaceutique, on s’attend à une augmentation de la consommation des médicaments, qui est très faible actuellement, s’établissant autour de 450 DH par personne par an. Avec le basculement des ex-Ramédistes vers le régime AMO, il y aura certainement davantage de consommation."

Redouane Semlali, président de l’Association nationale des cliniques privées (ANCP), nous rapporte également une amélioration de l’activité au niveau des cliniques. "Nous avons remarqué une hausse des consultations au niveau de tout le Royaume, mais on peut mieux faire. Pour l’instant, nous ignorons si c’est l’effet de la sortie de crise ou celui du basculement vers l’AMO. En tous les cas, ce dernier point y est sûrement pour quelque chose", conclut-il.

Manque de communication

Toutes les sources sondées nous font savoir que la majorité des ex-Ramédistes ignorent leurs droits.

"A plusieurs reprises, c’est au niveau de la clinique qu’on attire leur attention sur les prestations dont ils peuvent bénéficier", souligne leDr Semlali.

"Quand ils viennent aux laboratoires, les ex-Ramédistes croient qu’ils ne vont rien payer. Il y a donc encore une petite confusion à ce niveau", souligne par ailleurs le Dr Zniber.

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