C’est une des bonnes nouvelles de ce début d’année : en janvier, le dirham s’est fortement apprécié face au dollar, pour revenir à des niveaux raisonnables, ou du moins loin des records atteints fin novembre dernier.

La politique de hausse tous azimuts des taux aux Etats-Unis avait signé le retour du dollar fort en 2022. Le 7 novembre dernier, un pic était atteint avec un dollar qui se négociait à presque 11 dirhams (10,9486 DH exactement), soit une hausse de plus de 20% par rapport à la même période de l’année précédente, où le dollar naviguait entre 8 et 9 dirhams.

Un véritable coup de massue pour l’économie marocaine, qui était déjà aux prises avec une forte inflation, la hausse du dollar impactant automatiquement les prix des produits énergétiques et autres commodities achetés avec le billet vert. Cette position forte du dollar avait également eu un coût pour le budget public, avec une appréciation mécanique des charges de la dette de l’Etat libellée en dollar américain.

Bien sûr, des opérateurs comme OCP, ou des compagnies minières qui font leur business en dollar, avaient profité de cet état de fait. Mais les inconvénients d’un dollar fort dépassent de loin ses avantages.

L’euro prend sa revanche, poussant le dirham à s’apprécier face au dollar

Quelques mois plus tard, les choses se sont inversées, avec une chute de la valeur du dollar par rapport au dirham. Une tendance qui a commencé en décembre et qui s’est accélérée en janvier. A l’heure où ces lignes sont écrites, le vendredi 3 février, le dollar vaut 10,12 dirhams selon la moyenne publiée quotidiennement par Bank Al-Maghrib, soit un relâchement de 8% en valeur par rapport au pic de novembre 2022. Une baisse du billet vert, ou une appréciation du dirham, qui intervient au moment où le pétrole, le gaz et l’ensemble des produits énergétiques connaissent également une détente au niveau de leur prix à l’international. Ce qui est de bon augure pour la tendance des prix à la consommation et le coût de la dette publique.

Comment s’explique ce renversement de situation ? Un expert du marché des changes consulté par Médias24 évoque deux effets.

Le premier est un effet de panier. Il est dû à l’évolution de l’euro par rapport au dollar, les deux devises qui constituent le panier du dirham et qui impactent de manière directe sa valeur.

Après avoir été malmené par le "roi dollar" en 2022 en raison du décalage des taux entre les Etats-Unis et la zone euro, l’euro est en train de prendre sa revanche. Sur les trois derniers mois, la devise de la zone euro a ainsi repris du poil de la bête face au billet vert, gagnant plus de 14%. Et ce, en raison de la politique menée depuis par la BCE qui fait tout pour juguler l’inflation, en augmentant entre autres ses taux. Ce qui a mis fin à la grosse fuite des fonds vers le dollar, considéré depuis l’éclatement du phénomène inflationniste comme la valeur refuge par excellence.

Avec la hausse des taux de la BCE, et sa volonté affichée de revenir à un niveau d’inflation de 2%, les choses commencent ainsi à revenir à l’équilibre. Le dirham en sort ainsi gagnant face au dollar, car quand l’euro s’apprécie face à la monnaie américaine, le dirham se déprécie face à l’euro (60% du panier du dirhams) et s’apprécie face au billet vert (40% du panier).

Cet effet de panier a été pour beaucoup dans la détente du dollar par rapport à la monnaie nationale.

Moins de demande sur le dollar sur le marché local

Un deuxième effet a également joué en ce début d’année : l’effet de marché. Si le dirham est certes lié aux évolutions du dollar et de l’euro, effet de panier oblige, sa marge de progression dans une fourchette de 5% à la hausse comme à la baisse le rend aussi sensible à l’offre et à la demande sur le marché.

Quand il y a une forte demande sur le dollar, sa valeur monte face au dirham, et vice versa. Ceci a joué également dans la forte appréciation du billet vert en 2022, en raison de la hausse de la facture énergétique à l’import qui a augmenté la demande sur la monnaie américaine. Mais depuis décembre 2022, les banques constatent, selon nos sources, un recul de la demande sur le dollar, ce qui joue en faveur de l’appréciation du dirham.

Une source bancaire nous explique qu’entre décembre et aujourd’hui, il y a eu plus d’entrées de dollars que de sorties. C’est généralement le cas, nous dit-elle, en cette période de l’année, où les flux à l’import baissent. La détente des prix à l’international, surtout ceux des produits énergétiques, contribue également à cette baisse de la demande locale sur le billet vert.

La conjugaison de ces deux effets – l’effet de panier et l’effet de marché – a ainsi permis au dirham de s’apprécier nettement face au dollar, et d’éloigner la monnaie nationale de la bande supérieure de fluctuation qu’elle a touchée en novembre dernier.