Les transporteurs routiers se disent excédés et agitent la menace d’une grève nationale

La Coordination des syndicats du transport routier de marchandises au Maroc déplore la détérioration des conditions du secteur et menace d’appeler à une grève nationale, dont la date sera fixée ultérieurement.

Les transporteurs routiers se disent excédés et agitent la menace d’une grève nationale

Le 31 octobre 2022 à 17h05

Modifié 31 octobre 2022 à 19h31

La Coordination des syndicats du transport routier de marchandises au Maroc déplore la détérioration des conditions du secteur et menace d’appeler à une grève nationale, dont la date sera fixée ultérieurement.

Dans un communiqué publié le 24 octobre, la Coordination des syndicats du secteur du transport routier de marchandises, qui regroupe les syndicats affiliés à la Confédération démocratique du travail (CDT), à l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et à l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), déplore les conditions du secteur, “qui ne cessent de se détériorer jour après jour suite à la flambée des prix des matières premières, à leur tête le carburant”, lit-on sur le document.

“Le secteur est sinistré”

La Coordination critique également les subventions allouées au secteur, qu’elle estime insuffisantes, arguant qu’elles ne couvrent pas la hausse des prix du carburant, et déplore le fait que certains professionnels du secteur n’ont encore bénéficié d’aucune des tranches annoncées par le gouvernement.

“Le transport routier de marchandises est un secteur sinistré, notamment à cause des multiples hausses que connaissent les prix du carburant” depuis quelques mois, déplore une source de la CDT, jointe par nos soins.

“Les aides octroyées par le gouvernement aux professionnels du secteur étaient censées compenser ces augmentations, sauf que les montants de ces subventions ont été fixés lorsque le diesel coûtait 12 DH le litre. À présent, il avoisine les 17 DH/l. Les subventions sont donc devenues insuffisantes. Les professionnels du secteur n’ont plus la capacité d’accompagner ces hausses, qui interviennent en moyenne deux fois par mois, vers le début et la moitié de chaque mois environ. Il y a même eu quatre augmentations au mois de mars !”

Notre source ajoute que “même les petites stations-service ne disposent plus de grandes quantités de carburant. Elles n’ont plus la capacité financière d’acheter les quantités dont elles disposaient auparavant. À titre d’exemple, pour donner un ordre de grandeur, lorsque le diesel était à 10 DH/l, un gérant d’une petite station-service achetait pour 330.000 DH, 33 t par mois. À présent, cette somme lui permet à peine d’en acheter la moitié. Il nous arrive de ne pas trouver assez de carburant dans certaines stations”.

“La base de données du ministère n’est pas sécurisée”

Par ailleurs, notre source à la CDT pointe du doigt la base de données du ministère du Transport et de la logistique, à partir de laquelle les aides sont octroyées aux professionnels du secteur.

“Dans le transport routier, il y a deux secteurs d’activité : le transport pour le compte propre, comme les camions de transport de lait ou d’huile propres aux sociétés, et le transport pour le compte d’autrui, où l’on peut transporter différentes marchandises. C’est cette dernière catégorie qui est concernée par les subventions du ministère du Transport”, nous indique notre interlocuteur. “Selon le ministère, cette catégorie regroupe 180.000 chauffeurs”, ajoute-t-il. Les montants varient selon les catégories de transporteurs.

Et d’ajouter : “Pour octroyer ces aides, le ministère du Transport a eu recours à sa base de données, mais elle renferme plusieurs problématiques. Tout d’abord, on s’est rendu compte que certains dossiers n’étaient même pas activés alors que le chauffeur concerné exerçait depuis plus d’une dizaine d’années dans le secteur. Autre problématique : cette base de données n’est pas fiable car elle octroie à un chauffeur la subvention censée être attribuée à un autre.”

“C’est également une plateforme où la fraude est facile. Pour bénéficier de ladite subvention, un chauffeur peut saisir le numéro de sa carte grise et celui de son agrément pour bénéficier lui-même du montant transféré par le gouvernement, au lieu de son patron. Il se peut aussi qu’une personne, qui introduit les données pour le compte d’autres conducteurs, saisisse à la fin son propre RIB et bénéficie de la subvention en question. Il n’y a pas de vérification. Cette base de données n’est donc pas sécurisée.”

Des propos confirmés par Mustapha Chaoune, secrétaire général national de l’Organisation démocratique des transports et de la logistique (ODTL). “La base de données du ministère du Transport n’est pas fiable”, juge-t-il en effet. Selon lui, “de nombreux problèmes ont été rapportés par ses utilisateurs, sans compter les bugs sur la plateforme dédiée à ce service”.

Le flou persiste sur le nombre de bénéficiaires

Où en sont donc ces aides ? Combien de chauffeurs en ont bénéficié ? À combien s’élève le montant débloqué jusqu’à présent par le gouvernement, depuis le lancement de cette opération en mars 2022 ? Ces questions restent sans réponse. Nos sources disent ignorer ces détails, “malgré les multiples demandes adressées au gouvernement dans ce sens”.

Notre source à la CDT nous confie “qu’une lettre sera bientôt adressée au Conseil de la concurrence au sujet de l’octroi de cette subvention, qui a été fait de façon anarchique”.

Par ailleurs, Fouzi Lekjaa, ministre chargé du Budget, alors qu’il répondait aux questions des journalistes sur le projet de loi de finances 2023 lors d’un point de presse le 25 octobre dernier, a annoncé que “le maintien des prix dans le secteur du transport [coûtait] à l’État environ 540 millions de DH par mois”, alors que l’indice des prix à la consommation du haut-commissariat au Plan du mois de septembre 2022 montre une hausse de 12,9% pour le transport.

“Nous en sommes actuellement à la sixième tranche”, reprend Mustapha Chaoune. En effet, la dernière opération d’inscription a été lancée le mercredi 28 septembre. Cette opération incluait les professionnels du transport scolaire pour le compte d’autrui, après la reprise de la scolarisation.

“Selon nous, 37% des chauffeurs n’ont pas bénéficié de cette aide, n’ont reçu que les deux premières tranches, ou à partir de la quatrième tranche... De plus, 70% des chauffeurs de transport mixte n’ont bénéficié d’aucune des tranches annoncées par le ministère, alors qu’il s’agit d’une catégorie très importante dans le monde rural.”

Autre problématique : “Cette subvention profite à des personnes qui n’en ont pas besoin”, regrette le secrétaire général national de l’ODTL. “Il y a par exemple des chauffeurs dont les camions sont à l’arrêt et qui continuent de toucher ces aides à chaque fois qu’elles sont annoncées. Pour les taxis par exemple, ce sont les propriétaires des véhicules ou les personnes disposant des agréments qui touchent ces aides, tandis que les chauffeurs continuent de payer le diesel de leur propre poche, ce qui est inéquitable.”

Une grève nationale n’est pas exclue

Notre interlocuteur à la CDT estime que la seule solution pour mettre fin à cette situation critique n’est autre que “le plafonnement des prix du carburant”.

“Nous demandons en outre une hausse de ces subventions, voire un doublement des montants, notamment pour les camions qui parcourent de longues distances.”

“Nous sommes les principaux clients des stations-service. Nous donnons ainsi un délai de dix jours au gouvernement. Si nous n’avons aucun retour, nous prévoyons une grève nationale dont la date sera fixée ultérieurement”, conclut-il.

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