Langue d’enseignement. Voici la place qu'occupera l’anglais au Maroc (Fouad Chafiqi)

Fouad Chafiqi, directeur des curricula et chargé de l’Inspection générale des affaires pédagogiques au ministère de l’Éducation nationale, nous décrit les étapes préalables à l'instauration de l’anglais comme langue d’enseignement aux côtés de l’arabe, du français et de l’espagnol. 

Langue d’enseignement. Voici la place qu'occupera l’anglais au Maroc (Fouad Chafiqi)

Le 26 octobre 2022 à 10h44

Modifié 26 octobre 2022 à 18h23

Fouad Chafiqi, directeur des curricula et chargé de l’Inspection générale des affaires pédagogiques au ministère de l’Éducation nationale, nous décrit les étapes préalables à l'instauration de l’anglais comme langue d’enseignement aux côtés de l’arabe, du français et de l’espagnol. 

Renforcé en 2014 dans le cadre de la création de trois sections internationales du baccalauréat (français, anglais et espagnol), l’anglais devrait, selon le ministère de l’Éducation nationale, devenir d’ici 2027 la langue d’enseignement de certains contenus ou disciplines, comme c’est le cas actuellement pour la première langue étrangère [le français] au niveau du lycée.

“De 30% d’enseignement en anglais durant le tronc commun à 100% en terminale”

Sollicité par Médias24, Fouad Chafiqi, directeur des curricula au ministère de l’Éducation nationale, rappelle que l’enseignement en anglais au Maroc n’est pas récent. Il date de 2014, année de la mise en place d'une filière spécifique dans cinq lycées : un à Casablanca, un à Rabat, deux à Tétouan et un à Tanger. Selon notre interlocuteur, les élèves qui accèdent au tronc commun (la seconde) en langue anglaise le font par choix et parce qu’ils ont un bon niveau en anglais, vérifié par le passage d'un test.

“Les matières scientifiques enseignées en anglais sont les mathématiques, les sciences physiques et les sciences de la vie et de la terre, en plus de l’enseignement de la langue anglaise prévu dans le cycle secondaire”, précise-t-il. “Lors de la première année de lycée (seconde), les élèves commencent à étudier ces matières en anglais à un pourcentage compris entre 30% et 40%, tandis que le reste des explications est fourni en arabe, pour passer à 60-70% en deuxième année (première) et enfin à 100%, soit la totalité des programmes en langue anglaise lors de la dernière année du baccalauréat (terminale)”, explique Fouad Chafiqi. Il rappelle qu'il existe trois sections internationales, dont l’enseignement est effectué en français, en anglais ou en espagnol.

Au programme, trois types de baccalauréat international

En effet, un baccalauréat international section française a été créé en 2013 ; deux autres, en espagnol et en anglais, l’année suivante.

Si le ministère n’a pas eu de mal à trouver des professeurs de français, langue enseignée depuis 2017 à partir de la première année du primaire, la tâche a été plus ardue pour concrétiser les deux autres objectifs ministériels, à savoir démocratiser l’enseignement en anglais et en espagnol, mais aussi préparer les élèves à l’enseignement supérieur dans ces deux langues, au sein d'universités anglophones ou hispanophones, grâce à des notions acquises au cours des trois dernières années du lycée. Et ce, à l’instar des pays où une section internationale du baccalauréat existe, permettant une ouverture sur d’autres langues et cultures, comme le mandarin ou le japonais en France.

Selon Fouad Chafiqi, le Maroc a choisi de renforcer l’enseignement de ces trois langues via l’enseignement des matières scientifiques et techniques pour offrir, in fine, plus d’opportunités aux élèves, au lieu de se restreindre au français.

Pour être acceptés dans ces filières, les élèves doivent avoir un niveau acceptable, au moins B1 selon le cadre européen commun des langues, qui en comporte six : A1, A2, B1, B2, C1, C2.

“En effet, pour comprendre ce que dit un enseignant dans une classe de mathématiques et pouvoir interagir, poser des questions, dialoguer ou rédiger une réponse écrite, il faut au moins disposer d’un niveau intermédiaire, c’est-à-dire B1, ou mieux B2, et pas seulement un niveau élémentaire”, précise Fouad Chafiqi, qui revient sur le cas de l’anglais.

Ainsi, si certains élèves ont du mal à suivre les cours de la section française internationale, ce ne sont pas, selon lui, les mêmes types de difficultés dans le cas de la section anglaise. Le plus souvent, ils sont déjà préparés grâce à des cours réguliers dans les centres de langues et, par conséquent, parviennent dès la seconde à étudier en langue anglaise.

À la question de savoir pourquoi les jeunes Marocains se débrouillent beaucoup mieux en anglais qu’en français, Fouad Chafiqi avance que, en l’absence d’études sur le sujet, l’hypothèse la plus probable est que la langue anglaise n’est pas considérée comme un marqueur social élitiste. De plus, avec la banalisation de l’anglais dans la musique en Afrique ou en Amérique du Sud, les jeunes considèrent que tout le monde peut apprendre la langue universelle qu’est l’anglais, sans aucune différence de classe sociale.

“La première étape consistera à renforcer l’enseignement de l’anglais au collège”

Si le niveau en anglais des élèves à la fin du lycée est souvent bien meilleur que celui en français, c’est en effet selon lui grâce à des approches pédagogiques actives qui captent l’attention des apprenants, et aux pratiques d’auto-apprentissage qui se font en dehors des établissements scolaires avec l’utilisation d’internet et des chaînes de cinéma anglophones.

“Malgré un paysage médiatique au Maroc qui ne les aide pas beaucoup à développer leurs connaissances en anglais, la quête de la maîtrise de l’outil internet pousse les jeunes à apprendre l’anglais”, constate Fouad Chafiqi.

Pour renforcer son usage et “faire de la langue anglaise une inspiration”, l’anglais va être enseigné dès la première année du collège, au lieu de la troisième année actuellement, à hauteur de deux heures par semaine.

Seul bémol : “Il ne sera pas possible de multiplier les classes dans les filières internationales si une offre n’est pas créée dans l’enseignement supérieur à l’université (ingénierie, commerce, médecine…)”, met en garde Fouad Chafiqi. Selon lui, un enseignement dans une seule langue dans les cycles supérieurs risque de décourager les élèves des sections internationales.

À l’autre question de savoir si ces élèves qui décrochent un baccalauréat international ne sont pas voués à aller étudier en Europe, Fouad Chafiqi nous renvoie à la conférence de presse du ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui, lors de cette rentrée universitaire, annonçant que 12.500 étudiants suivront cette année au moins un module en langue anglaise.

“Un renforcement de l’enseignement en anglais entre 2023 et 2026”

Malgré l’absence d’un scénario définitif pour le renforcement de l’enseignement de l’anglais, l’agenda ministériel table, selon notre interlocuteur, sur une généralisation à l’horizon 2026 qui concernera les trois années du collège.

“On devrait commencer progressivement en 2023-2024 à renforcer son utilisation en première année de collège, avant de passer à une généralisation en deuxième année en 2025-2026, et enfin en troisième année en 2026-2027. Cela permettra en 2027 d’avoir des lycéens plus performants en anglais qui auront des compétences qui leur permettront, une fois bacheliers, de mieux suivre le programme universitaire en anglais”, avance Fouad Chafiqi. Ces jeunes seront ainsi armés pour le marché mondial du travail, qui impose d’avoir une solide formation académique, des compétences linguistiques et des soft skills pour être employables partout, ajoute-t-il.

“L’anglais ne remplacera jamais complètement le français, héritage historique”

Interrogé sur le risque de contribuer à la fuite des cerveaux, Fouad Chafiqi affirme que la principale cause de cette hémorragie n’est autre qu’une incapacité à les retenir au Maroc par des plans de carrière motivants ; ce qui ne relève pas de la compétence du ministère de l’Éducation mais du secteur productif et des entreprises demandeuses de profils pointus. “Cela ne doit cependant pas trop nous inquiéter, compte tenu des actions publiques mises en place pour associer la diaspora marocaine aux grands chantiers de développement du pays ; compte tenu également du retour au pays de ces compétences après un certain nombre d’années passées à l’étranger.”

Au terme de cet entretien, il apparaît qu’un éventuel remplacement du français par l’anglais, comme au Rwanda, n’est pas l’objectif de la diversification de l’apprentissage des langues étrangères au Maroc. Car si la langue française est un héritage qui permet une ouverture sur une partie du monde, la maîtrise de l’anglais, de l’espagnol et d’autres langues est un atout indéniable pour les générations futures désireuses de découvrir le reste du monde.

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