L'aide aux transporteurs routiers critiquée, les professionnels appellent à restructurer le secteur

Plus de 50.000 transporteurs n’ont pas bénéficié des aides octroyées par le gouvernement, affirme une source syndicale. Le flou persiste quant aux montants qui seront déboursés lors des 5e et 6e tranches, mais aussi autour du montant total débloqué par le ministère de tutelle depuis le démarrage de cette opération.

L'aide aux transporteurs routiers critiquée, les professionnels appellent à restructurer le secteur

Le 7 septembre 2022 à 17h02

Modifié 8 septembre 2022 à 9h33

Plus de 50.000 transporteurs n’ont pas bénéficié des aides octroyées par le gouvernement, affirme une source syndicale. Le flou persiste quant aux montants qui seront déboursés lors des 5e et 6e tranches, mais aussi autour du montant total débloqué par le ministère de tutelle depuis le démarrage de cette opération.

L’octroi des subventions au profit des transporteurs se poursuit. La 6e tranche a été annoncée par le gouvernement le jeudi 1er septembre, alors que les inscriptions sont toujours en cours pour profiter de la 5e, lancée en août.

Les avis sur cette opération sont mitigés, mais la majorité des sources sondées par nos soins s’accordent à dire que "ces aides ne nous permettront pas de faire face aux problématiques de fond que connaît le secteur".

"Plus de 50.000 transporteurs n’ont pas bénéficié des subventions"

Lors de son lancement, cette opération a ciblé 180.000 conducteurs au Maroc. Les montants octroyés varient selon les catégories de transporteurs.

Mustapha Chaoune, secrétaire général national de l’Organisation démocratique des transports et de la logistique (ODTL), nous apprend que 60% des transporteurs ciblés par cette opération ont profité des subventions. Sur les "180.000 transporteurs annoncés, environ 56.000 n’ont bénéficié d’aucune tranche ou n’ont bénéficié que de quelques tranches et non de la totalité des aides octroyées par l'Etat. La majorité sont des professionnels du transport mixte, très important dans le monde rural".

Des propos confirmés par Mounir Benazzouz, secrétaire général du Syndicat national des professionnels du transport routier, affilié à la CDT : "De nombreux transporteurs n’ont pas encore bénéficié de cette aide, ou n’ont bénéficié que de quelques tranches à cause de problèmes administratifs."

Le flou persiste sur le montant global débloqué par le gouvernement

Le montant total débloqué par le gouvernement dans le cadre de cette opération, depuis son lancement, reste inconnu. Aucun chiffre n'a été communiqué aux syndicats contactés par Médias24. Nous avons également tenté de joindre le ministre du Transport et de la logistique, Mohammed Abdeljalil, ainsi que le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, pour plus de détail sur ce point ; ils sont restés injoignables.

Tout ce que l’on sait c’est "qu’à partir de la 4e tranche, les montants des aides ont augmenté de 40% pour toutes les catégories, suite à la hausse du prix du diesel, dont le litre frôlait à cette période 17 DH", nous confie Mustapha Chaoune.

Par ailleurs, "sur les six tranches annoncées par le gouvernement, nous avons à peine bénéficié de quatre. L'inscription pour la première avait démarré le 23 mars 2022".

"Les inscriptions sont actuellement ouvertes pour bénéficier de la 5e tranche. Le lancement de la 6e a également été annoncé le 1er septembre dernier à l’issue de la réunion du Conseil de gouvernement, alors que nous n’avons pas encore bénéficié de la 5e. L’argent nous est généralement transféré une dizaine, voire une quinzaine de jours après inscription sur la plateforme dédiée. Nous ignorons par ailleurs à combien s'élève le montant de ces deux nouvelles subventions. Nous ne savons pas si le gouvernement va maintenir la hausse de 40% décidée lors de la 4e tranche."

Une aide insuffisante ?

C’est ce que nous confirme la majorité de nos interlocuteurs, notamment Driss Bernoussi, président de l’Association marocaine de transports routiers intercontinentaux (AMTRI).

"Nous avons bénéficié à quatre reprises de ces subventions, à raison de 6.000 DH durant les trois premières, puis 8.400 DH durant la 4e tranche."

"Dans le cadre du transport international routier, nous faisons entre 100.000 et 120.000 km par an. Nous parlons ainsi de 170.000 DH de diesel par camion par an. L’aide octroyée par l'Etat couvre à peine un peu plus de 70.000 DH. Cette aide est donc insuffisante."

"Par ailleurs, jusqu’à quand ces aides se poursuivront-elles ? Il faut mettre en place des solutions réelles et de fond", souligne-t-il.

Mounir Benazzouz confirme. "L'Etat peut continuer à nous accorder ces aides aussi longtemps qu'il le voudra, mais celles-ci ne servent à rien en réalité. Le secteur souffre de problèmes plus profonds, notamment le prix des carburants. Le diesel représente aujourd’hui 60% du chiffre d’affaires des transporteurs, contre 40% auparavant. Nos marges ont donc baissé."

"Une grève ou une hausse des prix sont inévitables si cette situation perdure"

Mustapha Chaoune pointe également le manque de visibilité. "Certes, il s’agit d’une aide. Elle ne doit pas être mensuelle. Mais lorsque le gouvernement l’a annoncée, il n’a précisé ni son montant global ni sa durée. Dans une conjoncture marquée par l’explosion des prix des carburants, nous nous retrouvons à vérifier chaque mois si l’Etat nous a versé quelque chose."

"Nous n’avons aucune visibilité sur cette opération. La 5e tranche a été annoncée fin août, alors que c’est un mois où l'on a beaucoup de travail, en particulier cette année, après deux ans de pandémie."

"Nous ne pouvions donc pas protester contre la hausse des prix du carburant, et nous avons décidé de garder nos tarifs inchangés en été, mais nous avions prévu une grève à la rentrée."

"Nous ne savons plus comment nous y prendre. Mais si cette situation perdure, une grève ou une hausse des prix sont inévitables."

"Nous appelons ainsi le chef du gouvernement à tenir une réunion technique avec les professionnels du secteur, mais aussi à nous dévoiler les chiffres relatifs à cette opération."

L’informel et l’accès à la profession, principaux maux du secteur

Nos sources estiment qu’il faut mettre de l’ordre dans le secteur. "Il faut le structurer et trouver des solutions pour faire basculer les personnes s’activant dans l’informel vers le formel", nous indique Driss Bernoussi.

D’après une source au sein de la Fédération du transport et de la logistique relevant de la CGEM, "l’informel représente 70% du secteur".

"Ces personnes, qui nous concurrencent de manière illégale, bénéficient de la même manière de ces aides, que les transporteurs structurés, qui paient leurs impôts. Selon le gouvernement, il s'agit du volet social de ces subventions."

"La conjoncture actuelle représente une occasion de repenser ce secteur et de le restructurer", estime notre interlocuteur.

Et d'ajouter : "Pour faire face à la crise actuelle, le gouvernement avait différents scénarios, et il a opté pour celui des aides aux transporteurs. Pour moi, le scénario favori était celui de l’indexation des transporteurs. Nous disposons de différentes catégories de transport au Maroc, notamment l’urbain, le transport national, le transport international, le transport de marchandises et autres."

"Aujourd’hui, l’international est rémunéré comme le national. Voici une différenciation à faire. A mon avis, il faut également séparer le transport local du transport provincial et du régional. C’est une manière de penser l’avenir de ce secteur."

Par ailleurs, "nous avons des véhicules qui évoluent à l’intérieur de la ville et d’autres à l’extérieur. Ceux qui évoluent dans la ville ne sont pas encore réglementés. Il s’agit des camions dont le poids est inférieur à 3,5 tonnes. C’est une catégorie qui nous pose beaucoup de problèmes. Ces engins transportent plus que leur capacité et se déplacent hors de la ville, sur de longs trajets, parce qu’il n’existe pas de réglementation de la ville, de la périphérie, de la province et autres…"

"Nous avons longtemps demandé à l’Etat une hausse de la TVA sur le carburant. Les transporteurs structurés récupèrent aujourd’hui 10% de la TVA sur le prix du diesel. Cela signifie que lorsque le litre est à 10 DH, nous ne payons que 9 DH. L’augmentation de la TVA sur le gasoil aura un effet structurel. Elle incitera les transporteurs de l’informel à basculer vers le formel. En revanche, elle aura un impact négatif sur le consommateur, d’où le refus de l’Etat de cette solution."

"Le gouvernement doit alors faire un effort pour fournir le gasoil à des prix moins élevés aux professionnels. Il s’agit d’une aide voilée au secteur, qui aura également un effet intégrateur de l'informel vers le formel."

Par ailleurs, "la question sociale doit être réglée autrement. Elle ne doit pas l’être dans le cadre d’un département économique", poursuit notre interlocuteur.

La libéralisation des prix du carburant a également été évoquée par Driss Bernoussi. "La libéralisation doit être accompagnée de garde-fous et de contrôle des marges. Nous manquons de transparence sur ce volet."

Enfin, l’accès à la profession est une autre problématique du secteur. Le Maroc ne dispose pas d’un cadre bien défini d'accès à la profession de transporteur, nous indique notre source à la FT-CGEM. "Pour améliorer la qualité des services de ce secteur, il faudra régler cette problématique, définir les formations adéquates pour accéder à cette profession ainsi que les diplômes adéquats...", conclut notre interlocuteur.

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