La baisse des ressources en eau à Casablanca vue par Lydec (table ronde)

La rareté de l’eau se fait sentir à Casablanca. Évolution de la population, dédensification des foyers, accès au service de l’eau et changement des comportements sont autant de facteurs qui expliquent la situation.

La baisse des ressources en eau à Casablanca vue par Lydec (table ronde)

Le 29 août 2022 à 20h09

Modifié 29 août 2022 à 20h09

La rareté de l’eau se fait sentir à Casablanca. Évolution de la population, dédensification des foyers, accès au service de l’eau et changement des comportements sont autant de facteurs qui expliquent la situation.

Prenant part à une table ronde sur le stress hydrique au Maroc, organisée par l’association Tizi samedi 27 août 2022, Saïd Azzaoui, directeur maîtrise d’ouvrage, en charge de la planification, étude et travaux de Lydec, s'est penché sur la situation dans la capitale économique.

"Casablanca connaît un développement urbain assez important", a-t-il rappelé, notant que "les changements dans la métropole ont deux principaux impacts : le premier sur la consommation et le second sur l’aménagement du territoire".

Une moyenne de 650.000 m3 d’eau consommée par jour

"Il y a une dizaine d’années, Casablanca consommait 500.000 m3 d’eau par jour. Ce chiffre a évolué pour atteindre à présent une moyenne de 650.000 m3/j", a expliqué Saïd Azzaoui. Soit une hausse de 30%.

"Nous avons par ailleurs des jours de pointe, tels que les jours de canicule ou de l’Aïd el-Kebir, où l'on atteint jusqu’à 740.000 m3/j. Dans ce cas, on puise dans les réserves puis on essaie de restocker de l’eau les jours suivants, surtout la nuit, lorsque la consommation baisse."

Dans la métropole, Lydec dispose d’une capacité de stockage de 700.000 m3, soit plus de 24 heures de la consommation journalière moyenne des Casablancais. Ces réserves lui permettent de subvenir aux besoins des citoyens lorsqu’il y a une grosse casse de transport d’eau.

Par ailleurs, "la quantité d’eau consommée quotidiennement à Casablanca n’est pas la même en été. On se retrouve ainsi obligé de gérer les réserves pour pouvoir subvenir aux besoins des habitants", poursuit Saïd Azzaoui.

"Depuis le mois de mai, on est dans une gestion de crise. Nous avons connu un été relativement chaud, avec des consommations assez importantes. On est donc mobilisés afin d’assurer l’alimentation de la ville en eau potable."

Près de 600.000 personnes supplémetaires ont eu accès à l’eau ces dix dernières années

De nombreux facteurs expliquent la surconsommation de l’eau dans la capitale économique. Les principaux sont l’accès au service de l’eau, l’évolution de la population, la dédensification des foyers et le changement de comportement.

En effet, "près de 600.000 habitants qui vivaient dans des habitats insalubres en 2010 ont actuellement accès au service de l’eau à Casablanca, avec tous les équipements qui vont avec, notamment la douche, la cuisine et autres", a souligné le responsable chez Lydec.

"Lorsqu’on est dans un habitat anarchique, on n’a pas les équipements qui nous permettent de consommer l’eau. La consommation se situe donc autour de 20 litres par jour, en moyenne, par famille. Ce chiffre passe à 60, voire 70 l/j dans un habitat social, et peut atteindre jusqu’à 200 l/j dans une villa."

Nous assistons également à un phénomène de dédensification du foyer. "Il y a une dizaine d’années à Casablanca, il y avait 5,2 habitants par foyer, contre 4 actuellement. Selon les prévisions, ce chiffre passera à 3,5 habitants par foyer à l’horizon 2030."

"Quand on est six par foyer, il y a une mutualisation de la consommation."

Une rupture de l’alimentation en eau potable peut intervenir à tout moment

Concernant le changement de comportement, "nous remarquons que la classe moyenne à Casablanca a de plus en plus accès aux piscines et aux jardins, une grande partie des habitants de la ville ayant déménagé à Dar Bouazza et Bouskoura, ce qui implique une évolution de la consommation".

"On ne peut pas croire que l’on pourra étendre ce mode d’habitat à l’infini", alerte Saïd Azzaoui. "On n’en a pas les moyens en termes d’eau. A Casablanca, la consommation est déjà supérieure à la ressource disponible cette année. On s’attend tous les jours à ce qu’il y ait des ruptures. On ne pourrait alors plus servir tous les habitants de la ville."

"La bonne nouvelle, c’est que d’ici deux ou trois ans, nous aurons enfin recours au dessalement de l’eau de mer. Mais d’ici là, il faudra tenir. On ne pourra plus consommer l’eau de la même manière. Beaucoup de pratiques doivent être revues, notamment l’arrosage par excès, la politique des piscines et celle de l’utilisation de la nappe phréatique. Il faudra aussi rationaliser la consommation d’eau dans plusieurs structures, notamment les hammams. D’autres actions doivent être engagées par les gros consommateurs tels que les industriels", préconise Saïd Azzaoui.

20% des ressources de la conduite Daourat en moins

Au sujet des ressources, "la ville de Casablanca est dépendante de l’eau", note la même source. "Toute l’eau qui y est consommée provient normalement de Rabat, via le bassin hydraulique de Bouregreg, et de celui de l’Oum Er-Rbia. Sur les cinq dernières années, il y a eu un déséquilibre entre les deux bassins", a-t-il expliqué.

"Avant, nous avions un équilibre historique de 50% de chaque bassin. A présent, nous avons du mal à gérer cet équilibre. Nous n’avons plus les ressources nécessaires au niveau de l’Oum Er-Rbia, surtout à Daourat, une conduite qui capte l’eau depuis le barrage d’Al Massira et qui est en difficulté. Celle-ci est également sollicitée pour alimenter la ville de Marrakech."

Cette perte est estimée par Saïd Azzaoui à environ 20% à 25% des ressources de Daourat. "On essaie ainsi d’équilibrer avec le bassin de Bouregreg. Lorsqu’on n’y arrive pas, on fait appel à nos réserves."

Les fraudes et les fuites représentent une perte de 23% de l’eau du réseau

Pour ce qui est du réseau de Lydec, son directeur maîtrise d’ouvrage indique ce qui suit : "Nous avons un réseau de près de 7.000 km à Casablanca, avec un rendement qui avoisine les 77%. On a donc 23% de l’eau qui pénètre dans les réseaux et ne parvient pas jusqu’aux clients. Elle est perdue."

Et d'ajouter : "Il y a des pertes commerciales - les fraudes et d’autres techniques - et des fuites. Pour la première catégorie, on arrive à retrouver les fraudeurs, mais on en aura toujours. Ce sont des gens qui consomment de l’eau qui n’est pas comptabilisée. Par ailleurs, nous avons une équipe technique qui traque les fuites à l’aide de plus de 3.000 capteurs installés sur les réseaux les plus anciens. Ces derniers identifient les rayons des fuites, qui sont par la suite localisées et identifiées sur le terrain par une équipe de 70 personnes."

80% du sol de la métropole est imperméabilisé

Enfin, concernant l’aménagement de la ville, Saïd Azzaoui souligne qu’en 1912, "Casablanca était constituée de la médina et de quelques bâtisses autour. Aujourd’hui, elle dépasse 30.000 hectares bâtis, ce qui signifie que 80% du sol est imperméabilisé. Ainsi, toutes les pluies qui tombent et qui sont censées alimenter les nappes, ruissellent et vont dans la mer".

"Quand nous avons une ville qui se développe comme Casablanca, avec 300 hectares de bâtis par an, les décideurs doivent revoir la manière avec laquelle ils ouvrent à l’urbanisation."

Au Maroc, "il n’y a pas d’ombre dans les villes, ni d’espaces verts. Les températures ressenties atteignent jusqu’à 5°C de plus dans les zones sans ombre".

"Nous n’avons pas besoin d’imperméabiliser tous les trottoirs. Il faut laisser une marge d’espaces verts qui permettent de réalimenter la nappe et de rafraîchir les villes. A Casablanca, la majorité des trottoirs sont goudronnés avec un goudron noir qui remonte la chaleur. Ce sont des aménagements qui ne sont pas adaptés au changement climatique que l’on est en train de vivre", conclut-il.

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