Comment le groupe Renault Maroc gère la crise des composants électroniques

Comme tous les concessionnaires dans le monde, Renault a également été touché de plein fouet par la crise des composants, tant à l’international qu’au Maroc. Au Royaume, la perte en termes de production est estimée entre 50.000 et 70.000 voitures.

Comment le groupe Renault Maroc gère la crise des composants électroniques

Le 10 novembre 2021 à 18h25

Modifié 10 novembre 2021 à 18h25

Comme tous les concessionnaires dans le monde, Renault a également été touché de plein fouet par la crise des composants, tant à l’international qu’au Maroc. Au Royaume, la perte en termes de production est estimée entre 50.000 et 70.000 voitures.

Lors d’une table ronde organisée mardi 9 novembre par le groupe Renault Maroc, Denis Levot, directeur général des marques Dacia et Lada, est revenu sur la crise internationale des composants électroniques, qui touche de nombreux secteurs, notamment l’automobile.

Ce qu’il faut retenir de son intervention, c’est que la marque n’y a pas échappé, tant à l’international qu’au Maroc. Toutefois, au niveau local, la gestion de cette crise a été très efficace, permettant au groupe de minimiser l’impact sur la production à Tanger et à Casablanca. Selon lui, la crise devrait se poursuivre encore durant les six prochains mois.

Au Maroc, une perte de production estimée entre 50.000 et 70.000 voitures

Comme toutes les usines dans le monde, "nous avons eu quelques difficultés de production, à cause de la pénurie des composants électroniques", a déclaré M. Levot lors de cette table ronde.

"Pendant la crise du Covid-19, la demande pour l’industrie automobile a largement baissé, comme pour tout le reste. L’industrie est actuellement en train de reprendre, ce qui implique une explosion du besoin en matière de composants électroniques au niveau international."

En termes de demande, "nous sommes parvenus à des niveaux d’avant la crise du Covid dans l’automobile, mais aussi dans d’autres secteurs (informatique et électroménager, ndlr). La demande pour ces composants a donc nettement augmenté, ce qui a engendré une pénurie internationale".

Durant le troisième semestre de l’année en cours, l’impact sur Renault est bien visible. En matière de production, "nous sommes à 500.000 voitures de moins que ce que l’on pourrait produire au niveau du groupe Renault Monde, tous types de voitures confondus. Un chiffre du même ordre de grandeur par rapport à nos concurrents. Ce n’est donc rien d’extraordinaire".

"Concernant nos productions Dacia, la perte est estimée entre 100.000 et 150.000 voitures, entre tous les sites au monde, dont 50% au Maroc, soit entre 50.000 et 70.000 voitures de moins à la Somaca (Casablanca) et à Tanger."

Une gestion intelligente et flexible au Maroc

"La production dépend donc de l’approvisionnement. On peut dire que la chaîne de production a été assez chaotique" durant les précédents mois. "En dehors de la crise des composants, nous avons également subi les effets du Covid-19 sur la Malaisie par exemple, où de nombreuses usines ont fermé. La baisse de la production est donc due à un subtil mélange de ces deux causes."

Le directeur général de Dacia et Lada a toutefois tenu à mettre en lumière "l’efficacité du dispositif mis en place au Maroc pour gérer cette crise. Quand on la vu venir, nous avons eu des discussions au niveau de l’usine de Tanger avec les partenaires syndicaux, et avons obtenu un accord de flexibilité très intelligent".

"L’équilibre qui a été trouvé est très impressionnant. Quand on savait qu’on allait avoir des trous dans la production, on optait pour une fermeture d’une semaine, quon remettait sur le congé d’été puisqu’on savait qu’à ce moment-là, on avait plus de chances d’avoir des composants. De cette manière, on a joué gagnant pour tout le monde, à savoir le groupe, les employés et les clients. Dune part, cette stratégie a permis aux employés de maintenir leurs emplois et d’être soit au travail, soit en congés payés. Dautre part, elle a permis à lentreprise de fabriquer plus de voitures et donc de réaliser moins de pertes. Pour le client, la situation aurait pu être pire en termes d’offres si l’on navait pas procédé de cette manière. Au Maroc, la gestion de cette crise a donc été particulièrement efficace."

Manque de visibilité pour les mois à venir

Concernant les prévisions sur les prochains mois et pour le premier trimestre de 2022, tous les responsables du groupe Renault présents lors de cette table ronde disent manquer de visibilité.

"Le marché est parti sur des bases très fortes au premier trimestre de cette année, avec une croissance de 7% des ventes par rapport à 2019", souligne lun deux. Les chiffres réalisés en 2020 ne sont pas pris en compte puisqu’il s’agit d’une année impactée par la crise sanitaire.

"Malgré le Covid-19, tous les indicateurs économiques étaient au vert début 2021. La crise des composants est venue dérégler l’offre, mais pas la demande qui, elle, est toujours présente."

"Aujourd’hui, on est sur des tendances beaucoup plus faibles et sur un marché qui baisse en octobre." En effet, au mois d’octobre 2021, les ventes de voitures neuves ont baissé de 7% par rapport à 2020 et de 6,4% par rapport à 2019.

"C’est donc difficile de faire des prévisions pour les prochains mois. On revient d’une période de très forte croissance et lon se dirige vers une autre où, malheureusement, offre oblige, on est à nouveau sur une baisse du marché."

"L’espoir qu’on a, sans pour autant faire de prévisions, c’est que cette crise dure le moins longtemps possible et que tous les acteurs du secteur répondent à la demande, qui reste élevée. On espère aussi ne pas avoir de grosses pertes en termes de production sur les deux derniers mois de l’année en cours. Pour le mois de novembre, on est relativement confiants. Nous avons des voitures à vendre pour répondre à la demande, et on espère que ce sera aussi le cas pour décembre."

Par ailleurs, "nous avons encore aujourd’hui de nouvelles annonces d’allègement des mesures restrictives. On voit bien que les tendances de fond sont positives au Maroc. Le plus tôt nous aurons la disponibilité pour accompagner la croissance économique que connaît le pays, le mieux ce sera", conclut-il.

Vers un changement de stratégie pour faire face à cette crise à l’avenir ?

Différentes usines de production de voitures dans le monde ont opté pour deux principales stratégies, dans le but de faire face à la crise internationale des composants : la première consiste en l’arrêt de la production de certaines gammes, et la seconde, en l’abandon de la technologie sur certaines pièces, lorsque cela est possible. Quelle sera celle de Renault pour les prochains mois ?

M. Levot, qui estime que le secteur aura encore six mois de difficulté d’approvisionnement, reste toutefois optimiste pour l’avenir. "Au niveau de la gestion future, nous ne savons pas encore comment nous allons procéder, mais je crois que la crise va encore se poursuivre. Ce sont des usines (de production de composants, ndlr) qui redémarrent. Jusqu’à présent, nous avons eu des épisodes de manque de visibilité. On s’attendait à certaines choses, et on se rendait finalement compte d’autres choses."

"Nous avons eu des périodes violentes, où l'on a connu entre trois jours et une semaine de fermeture dans différentes villes (au Maroc et à l’international, ndlr). Aujourd’hui, on voit que la production est toujours difficile, mais le filet de production est plus régulier. La situation n’appelle donc pas de changements drastiques au niveau des gammes, ni en termes de réorganisation."

"Certes, les difficultés sont là, mais cette crise ne remet pas en cause notre plan dintégration locale. On prévoit toujours datteindre 2,5 milliards d’euros de chiffres d’affaires en sourcing local dès 2025. Cela va de pair avec le développement de lindustrie et de la marque, mais aussi avec le développement des achats vers dautres territoires."

Le directeur marketing du groupe précise pour sa part que "tout dépendra de la vision que nous avons sur l’approvisionnement. Lorsqu’on sait qu’on aura des problèmes d’approvisionnement sur le long terme, des mesures drastiques sont mises en place, et lorsque ce problème est de court terme, nous gérons de façon différente".

"Par exemple, durant les mois passés, nous avons décidé de reporter de quelques mois la sortie de la Sandero au Maroc. Celle-ci devait sortir avant l’été, mais sa sortie a été retardée de deux ou trois mois. On pourrait croire que c’est une mauvaise décision, mais finalement, elle nous a permis de fabriquer plus de Sandero 2, qui consomme moins de composants électroniques que la Sandero 3. C’est donc un bol d’oxygène pour les équipes commerciales et industrielles au Maroc, qui ont eu plus de voitures que ce qui était prévu."

"Nous essayons donc de nous débrouiller avec les informations dont nous disposons pour prendre les meilleures décisions. Parfois, on a effectivement coupé certaines options, ou encore fabriqué des véhicules sans certaines pièces, que l’on a rétrofité derrière avant livraison client. Nous avons vraiment cherché les meilleures solutions pour servir nos clients, par rapport à une crise qui est par définition volatile et qui rend la gestion quotidienne difficile, mais je crois qu’on s’en est sorti correctement. Évidemment, lorsqu’on regarde les niveaux de ventes, on a une baisse par rapport à ce qu’on aurait souhaité réaliser, mais je pense qu’on n’est pas les seuls dans ce cas de figure sur le marché."

L’impact de la crise visible dans les show-rooms

L’impact de cette crise est également visible dans les show-rooms, notamment ceux de la marque Renault.

Daprès M. Levot, "toutes les marques dans le monde entier ont des problèmes d’approvisionnement. Cependant, il y a des pays qui, depuis plusieurs années, adoptent le 'Bill to order' pour vendre leurs véhicules. Cette technique consiste à commander une voiture par client, qui sera fabriquée par la marque, et lui sera livrée dans un délai dun ou deux mois. Rien ne change donc pour ces pays, si ce n’est un rallongement du délai de livraison, qui passera de deux à trois mois".

"Dans d’autres pays, où les clients ont l’habitude d’acheter dans le stock, notamment au Maroc, la situation est différente. Le client se présente au show-room et décide d’acheter sur le moment. Lorsqu’on a une crise d’approvisionnement, on lui demande de réserver son véhicule pour une livraison dans trois ou quatre semaines", une mesure pas très appréciée de tous.

"Le client marocain a cette particularité de décider d’acheter une voiture rapidement. On n’est pas du tout dans un marché de gestion de délai d’attente ni de fabrication d’une voiture sur mesure."

Le directeur marketing du groupe souligne toutefois le fonctionnement "unique" de la marque Dacia. "Au Maroc, nous n’avons pas beaucoup de concurrents, contrairement à la plupart des autres marques. Lorsqu’un client veut acheter une Dacia, souvent, il n’hésite pas avec d’autres marques. Ce positionnement assez unique fait qu’aujourd’hui les gens acceptent d’attendre un peu pour acheter une voiture Dacia, alors que pour dautres marques, si une voiture n’est pas disponible, il est facile d’en trouver une similaire dans le show-room dà côté."

Une stratégie nationale pour faire face à cette crise ?

Sur ce point, Marc Nassif, directeur général de Renault Maroc, nous fait savoir que "les investissements dans le secteur de la production de composants électroniques sont extrêmement élevés, et sont estimés à environ un milliard de dirhams. Et pour quune usine soit prête à produire, il lui faut près de deux ans".

"Aujourdhui, ce nest pas notre objectif au niveau de la marque Renault, mais il y a de bonnes annonces du groupe STMicroelectronics, qui va profiter de cette crise pour diversifier ce qu’il fait au Maroc."

"Ce type de partenaire est une opportunité pour le Royaume. Il faut la saisir, et je peux vous dire que le ministère de l’Industrie est de la balle sur ce sujet", conclut-il.

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