Une égalité femmes-hommes en matière d'accès à l’emploi permettrait une hausse de 39,5% du PIB par habitant
Le taux d’activité des femmes dans l’économie marocaine prend une tendance baissière depuis 2004. Cette inégalité d’accès à l’emploi selon le genre coûte à l’économie nationale. Une étude de la DEPF et de ONU Femmes révèle qu’une baisse de seulement 25% de l’écart d’emploi entre les femmes et les hommes sur l’ensemble des secteurs économiques augmenterait le PIB de 8,4% à 13%.
La Direction des études et des prévisions financières (DEPF) et ONU Femmes ont réalisé une étude sur « Les coûts économiques des inégalités de genre dans le marché du travail au Maroc », dévoilée le 2 mars dernier. Cette étude a été présentée lors d’un webinaire le 5 mars.
Il ressort de l’étude que l’économie marocaine pâti de la faible participation des femmes au marché du travail. Le rapport rappelle « qu’au Maroc, selon le HCP, le taux d’activité s’établit en 2019 à 21,5% (contre 71% pour les hommes) et le taux d’emploi à 18,6% (contre 65,5% pour les hommes) ». Et la situation ne va pas en s’améliorant. « Le Maroc accuse non seulement un retard par rapport aux niveaux mondiaux de participation des femmes à la population active, mais il enregistre également une tendance inverse, avec une réduction de 24% des taux d’activité depuis 2000 » précise le rapport.
Une situation inégalitaire qui coûte cher à l’économie
Cette situation pèse sur l’économie nationale. C'est d'ailleurs l'aspect du manque à gagner causé par les inégalités de genre dans le marché du travail qu'aborde l'étude. « Derrière ce rapport il y a un basculement d’un argument d’équité à celui d’efficacité. Aider les femmes à sortir de la précarité et accéder à des emplois formels sont des arguments d’équité mais aussi d’efficacité. Confier aux femmes l’accès au microcrédit marche bien car elles remboursent mieux que les hommes par exemple. En augmentant le travail des femmes, on a non seulement plus de travailleurs mais également, du fait de la complémentarité homme-femme sur le marché du travail, un accès à une source de croissance extraordinaire » explique Olivier Bargain, coréalisateur de l’étude.
L’étude expose le fait que des réductions des inégalités d’accès à l’emploi entre hommes et femmes pourraient fortement améliorer le potentiel de croissance économique du pays. « Ainsi, une réduction d’un quart de la différence d’activité entre les hommes et les femmes conduirait à une hausse du PIB par tête variant entre 5,7% (en appliquant des mesures liées à la réduction des inégalités de genre dans le marché du travail mais excluant les politiques de promotion de l’égalité de l’accès à l’éducation) et de 9,9% » explique le rapport.
Une réduction totale de l’écart d’emploi entre les genres, « en éliminant les barrières à l’activité des femmes y compris celles liées à l’éducation, induirait une hausse du PIB par habitant de 39,5% » poursuit le rapport. En se focalisant seulement sur les barrières aux activités des femmes, sans prendre en compte celles concernant leur éducation, l’étude démontre également que la progression du PIB par habitant serait de 22,8%.
L’étude met également en avant les effets sur la production industrielle d'une hausse de l'emploi féminin. Il s’avère qu’une progression de 3,5% de l’emploi des femmes par rapport au niveau actuel induirait une hausse de 6,5% de la valeur ajoutée industrielle. Un niveau total de réduction des écarts d’emploi signifierait, selon l’étude, une progression de 14% de l’emploi des femmes, ce qui pourrait améliorer la valeur ajoutée industrielle jusqu’à 24,2%.
Concernant le secteur des services, l’étude montre qu’une réduction de 25% de l’écart d’emploi entre les femmes et les hommes augmenterait le PIB de 5,6% à 9,4%. Une diminution similaire dans les secteurs agricoles et industriels tirerait le PIB sur des hausses comprises entre 2,8% et 3,6%. Tous secteurs confondus, cette réduction dans l'écart à l'emploi engendrerait une hausse du PIB comprise entre 8,4% et 13%.
Comme le pointe l'étude, la faiblesse du taux d'activité des femmes provient non seulement des facteurs sociaux, mais aussi du « rythme relativement lent de la transformation structurelle de l’économie et le manque d’expansion de certains secteurs qui se sont avérés essentiels à l’expansion de l’emploi féminin à l’instar d’autres pays comme le secteur manufacturier et les services ».
Des facteurs familiaux pesant sur l'accès à l'emploi
La faible participation des femmes au marché du travail marocain s’explique par différents facteurs sociaux décryptés dans le rapport. Il s’agit notamment des normes liées au genre, aux difficultés de conciliation entre vie professionnelle et personnelle, aux discriminations salariales, ou encore le faible capital humain (peu voire absence de qualifications).
Mais au-delà des contraintes concernant l’offre de travail, d’autres contraintes viennent se greffer au niveau de la demande. Il s’agit notamment des discrimination à l’embauche. Sofie Lambert, membre de ONU Femmes Maroc explique : « nous avons observé à travers les résultats de l’étude, que le taux d’activité des veuves, des célibataires et des divorcées est beaucoup plus élevé que celui des femmes mariés ».
Le nombre d’enfants joue également dans le taux d’activité des femmes sur le marché du travail. « Ce facteur oriente la décision de la femme à intégrer ou ne pas intégrer le monde du travail. Mais cela influe de façon variable et un foyer qui compte un grand nombre d’enfants verra plus souvent les femmes recourir au marché du travail pour générer des sources de revenus additionnels » poursuit Sofie Lambert.
Le niveau de revenu et des études du conjoint par exemple, joue un rôle dans la probabilité de l’emploi des femmes. « Plus le niveau est élevé plus la probabilité de l’emploi des femmes augmente. De l’autre côté, une situation de chômage du conjoint augmente la probabilité des femmes à accéder à l’emploi pour réduire les pression financière qui pèsent sur le ménage » explique Sofie Lambert.
Ces facteurs entravent l'accès des femmes à l'emploi. Le niveau d’activité des femmes dans le pays devrait d'ailleurs être plus élevé que ce qu’il est aujourd’hui. D’après l’étude, le taux d’activité des femmes devrait atteindre 42,1% contre un taux d’activité féminine moyen de 25,6% sur la période 1991-2018.
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