Voici les enjeux des échéances électorales de 2021

Médias24 a consulté plusieurs personnalités du monde politique et académique pour tenter de cerner les principaux enjeux des prochaines échéances électorales. Des scrutins qui interviennent dans un contexte particulier de pandémie, de perte de confiance dans le politique et de virage que le Maroc compte prendre dans sa trajectoire de développement.

Voici les enjeux des échéances électorales de 2021

Le 20 janvier 2021 à 18h38

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

Médias24 a consulté plusieurs personnalités du monde politique et académique pour tenter de cerner les principaux enjeux des prochaines échéances électorales. Des scrutins qui interviennent dans un contexte particulier de pandémie, de perte de confiance dans le politique et de virage que le Maroc compte prendre dans sa trajectoire de développement.

Chaque scrutin a ses propres enjeux. En 2011, le but principal était d’assurer la paix sociale, traverser la vague du printemps arabe dans la sérénité. En 2016, la forte polarisation entre PJD et PAM avait donné aux élections un enjeu idéologique : islamistes contre progressistes, avec un fort accent de politique politicienne et de populisme alimenté par les discours sur le tahakkoum et la crainte de certains partis de voir l’administration intervenir pour favoriser un camp contre l’autre.

Pour ces deux échéances électorales, la monarchie, arbitre suprême du jeu politique, a démontré son attachement à la Constitution et au libre jeu politique. Et ce, par la nomination en 2011 de Abdelilah Benkirane à la tête du gouvernement et sa reconduction en 2016. Un attachement aux règles constitutionnelles qui a été confirmé encore plus avec le choix de Saadeddine El Othmani, en 2017, pour remplacer Benkirane à la tête du gouvernement après l'échec de ce dernier à constituer une majorité parlementaire. Au moment où plusieurs constitutionnalistes et politiques estimaient que le Chef de l'Etat avait d’autres options, comme le choix d’une personnalité issue du parti arrivé deuxième aux législatives, voire même d’une personnalité indépendante pour gérer le gouvernement.

« L’attachement du monarque à la Constitution ne s’est jamais démenti. Le Roi a démontré en 2011 mais aussi à travers le choix d’El Othmani en 2017 son attachement à l’application stricte de la Constitution et à son article 47, même s’il disposait d’autres options constitutionnelles. Je pense qu’aujourd’hui, tous les partis politiques sont convaincus de la sincérité de l’option démocratique comme choix irréversible porté par le plus haut sommet de l’Etat », explique un constitutionnaliste.

Cette conviction étant désormais ancrée dans l’esprit des acteurs politiques et des citoyens, les échéances de 2021 auront fort probablement moins de coloration politicienne, espère notre source. Les enjeux et les priorités étant désormais ailleurs.

« Avec le contexte particulier que l’on vit en ce moment, je pense que le principal enjeu pour le pays est désormais d’ordre socio-économique. Les prochains scrutins doivent apporter des réponses claires et concrètes aux fragilités sociales et aux problématiques économiques qui se sont posées avec la crise sanitaire et au changement de modèle de développement qui sera initié dès cette année », nous affirme une grande personnalité du champ politique.

Un constat que confirment pratiquement toutes les sources du monde politique et académique, consultées par Médias24 lors de nos discussions autour des enjeux des prochains scrutins. Des enjeux que l’on peut synthétiser en quatre principaux points.

La participation : un enjeu de crédibilité du processus politique

Le premier étant la participation citoyenne, sans laquelle tout le processus politique n’aura aucune crédibilité et aboutira, au mieux, aux mêmes résultats des deux derniers scrutins.

« Ce n’est pas évident qu’on ait une participation élevée, vu le contexte sanitaire et la crise de confiance que l’on vit actuellement. Il faut donc trouver un moyen pour créer de la mobilisation autour de ces élections pour que la donne puisse réellement changer. Car on le sait, une participation faible profitera essentiellement au PJD qui dispose d’une « armée disciplinée » et d’une base électorale stable qui restera mobilisée derrière son parti malgré les dissensions internes que l’on voit surgir au sein de la formation islamiste », explique une de nos sources.

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La présentation de candidats crédibles : un gage de confiance

Deuxième enjeu : la présentation par les partis politiques de candidats crédibles, capables de répondre aux problématiques du moment et surtout de recréer de la confiance.

« Cela rejoint l’enjeu de la participation. Si les partis ne présentent pas de candidats crédibles, la participation risque encore d’être plus faible. Et la crise de confiance entre citoyens et élites politiques risque de s’aggraver », ajoute notre source, qui doute fort que les partis, en l’état actuel des choses, aient « la capacité de mobiliser de nouvelles compétences, d’injecter du sang neuf ou d’attirer de nouvelles personnalités crédibles pour participer au jeu électoral. Surtout que les partis sont appelés cette année à présenter plus de candidats qu’avant, vu l’accord passé sur le non-cumul des mandats électoraux qui empêchera les élus d’être à la fois sur le front des communales, des régionales et des législatives ».

L’enjeu donc, selon nos sources, c’est que les partis puissent sortir des schémas du passé, de comprendre que le profil des candidats est « une question de survie, aussi bien pour les formations politiques elles-mêmes que pour le pays ». Car ce sont ces candidats qui seront demain aux manettes des communes, des mairies, des régions, qui siégeront au Parlement et au gouvernement. 

« Vu le contexte social et économique, les partis doivent prendre leurs responsabilités et en finir avec le mode de cooptation basé sur les liens familiaux, tribaux, le clientélisme, les intérêts financiers ou politiciens… Ils doivent être en capacité de mobiliser de nouvelles têtes, des compétences nouvelles qui accompagneront cette nouvelle phase de développement qui s’ouvre au Maroc », estime la majorité de nos sources.

 Présenter des programmes qui feront vivre le nouveau modèle de développement

Troisième enjeu, qui rejoint les deux premiers : la présentation de programmes électoraux qui répondent réellement aux attentes des citoyens. Et cela est intimement lié au projet du nouveau modèle de développement dont le contenu sera dévoilé dans les prochains jours.

Pour plusieurs de nos sources, cela est même l’enjeu principal de ces élections.

« La question n’est pas de dire aux partis de calquer leur programme sur le modèle de développement. Mais de se l’approprier. Ce modèle a besoin d’un portage politique pour qu’il soit mis en œuvre. Et les prochaines élections, aussi bien locales que législatives, doivent dans l’idéal nous donner des élites politiques capables de porter ce nouveau modèle et négocier avec efficacité ce virage dans la trajectoire de développement du pays », estime une de nos sources.

Pour plusieurs de nos interlocuteurs, il faut pour cela que les partis puissent présenter des candidats et porter aux postes à responsabilités des hommes et des femmes qui soient à la fois compétents et moralement irréprochables.

Mais l’enjeu ici ne réside pas simplement, selon une autre source, dans l’application stricte des recommandations de la commission Benmoussa, mais dans la capacité des partis politiques à faire vivre ce modèle.

« Nous avons certes besoin de compétences pour assumer les chantiers qui s’ouvrent. Les prochaines instances élues auront l’avantage de porter un modèle ou un programme qui bénéfice du soutien et de l’appui royal. Mais le Maroc n’a pas juste besoin d’exécutants. Les régions, les mairies, le Parlement et le gouvernement ont d’abord une fonction politique. Et la composante politique de ces institutions doit rester vivante. Le Maroc a fait un choix irréversible sur ce point. L’enjeu, c’est comment les partis vont s’approprier ce modèle, mais tout en le faisant vivre politiquement, l’enrichir avec de nouvelles idées, de nouveaux projets, chacun selon sa sensibilité politique… Et ce discours doit pouvoir atteindre l’électorat. Les partis doivent pouvoir rester libres de leurs actions, de leurs choix, de la définition de leurs priorités et de la conception de programmes électoraux qui parlent à leur électorat », explique notre source.

Pour elle, comme pour d’autres sources consultées par Médias24, cette responsabilité de faire vivre politiquement le nouveau modèle de développement incombe aux partis. 

« Un projet qui bénéficie de l’impulsion royale ne signifie pas forcément qu’il est intouchable. Les partis doivent pouvoir s’émanciper politiquement et le montrer à leur électorat. C’est ce qui permettra de créer du débat, de mobiliser les citoyens autour de sujets concrets qui les concernent de manière directe. Les partis ne doivent pas voir en ce nouveau modèle de développement un programme tombé d’en haut, mais un appel à initiatives qui doit être enrichi, discuté et débattu dans l’arène politique… C’est ce qui permettra d’animer les débats politiques et leur donner un contenu sérieux et crédible, au-delà des batailles politiciennes et des discours populistes qui ont pris le dessus ces dernières années », explique une de nos sources.

« Les partis doivent utiliser ce modèle comme levier de réforme, car il bénéficie de l’appui royal. Ce qui est extrêmement important quand on veut conduire de grandes réformes. Mais pour cela, ils doivent mobiliser des compétences capables de porter ce projet, aussi bien au niveau local que central, tout en trouvant le bon dosage pour que le politique ne se perde pas et ne soit pas vidé de sa substance », ajoute notre source.

Constituer des majorités homogènes pour une meilleure efficacité exécutive

Autre enjeu cité par nos différents interlocuteurs : que ces élections aboutissent à la constitution de majorités homogènes, aussi bien dans la gestion des villes, des régions ou des affaires gouvernementales.

« Nous avons vécu dix années assez rocambolesques sur le plan politique qui ont renforcé la défiance des Marocains vis-à-vis de la chose politique. Et cela en bonne partie à cause de ces majorités hétéroclites qui se créent, des luttes intestines qui éclatent entre alliés censés pourtant agir dans le même sens, celui de l’intérêt général. Le spectacle donné jusque-là était celui de partis qui s’allient juste pour monter au pouvoir, et une fois arrivés à leurs fins entrent dans des luttes politiciennes creuses qui sont très loin de ce qu’attendent les Marocains. Ça a jeté un grand discrédit sur les institutions élues. La prochaine phase a besoin de plus de clarté, de moins de populisme… Les gens voient qu’il y a des projets stratégiques impulsés par le Souverain. Mais veulent voir aux affaires des gens crédibles, sérieux, capables d’impulser les changements qui s’imposent, de changer leur quotidien… ».

Pour certains politiques, ce changement doit passer par une nouvelle « alternance » au pouvoir.

« Après deux mandats du PJD au gouvernement, mais aussi dans la gestion des grandes villes, il est temps de passer à autre chose. Le pays a besoin d’une nouvelle alternance, d’un nouveau souffle… », nous dit un membre du bureau politique d’un grand parti nationaliste.  

Une idée qui ne fait toutefois pas l’unanimité. « Oui, il faut clairement passer à autre chose. Mais c’est aux Marocains d’en décider. Maintenant, je ne pense pas qu’on puisse parler d’alternance comme on l’entendait dans les années 1990. Le PJD commande certes le gouvernement depuis 2011, mais il ne gouverne pas seul. De quelle alternance parle-t-on ? Si le parti qui gère le pôle économique aujourd’hui arrive demain en tête des législatives, peut-on considérer cela comme de l’alternance sachant qu’il est aux affaires depuis 2013 ? Non, à mon avis. On a certes besoin de sang neuf, de politiques d’une nouvelle génération, compétents, intègres et à la morale irréprochable… mais cela ne doit pas être un changement forcé. Et parler d’alternance, c’est se tromper complètement de débat… », nuance une de nos sources, qui craint justement que le débat politique ne soit centré sur ce « dégagisme islamiste » au détriment des questions essentielles de développement, de changement de paradigmes dans la conduite des politiques publiques, de la gestion de la sortie de crise… Un risque de « remake » des campagnes électorales de 2015 et 2016 que plusieurs de nos interlocuteurs n’excluent pas, la tentation populiste étant toujours prégnante…

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