Mohamed Tozy : 2021 ne sera pas l’année du boom du taux de participation aux élections

A la veille de chaque scrutin législatif, la question-marronnier de la désaffection électorale ne manque pas de revenir avec force. S’il se dit incapable de prévoir le taux de participation aux futures élections, le politologue Mohamed Tozy estime qu’il sera déterminé par le renouvellement d’une offre politique qui aura toutefois peu de chances de voir le jour dès 2021. En d’autres termes, il ne faut pas s’attendre à voir les Marocains se ruer sur les urnes l’an prochain.

Mohamed Tozy : 2021 ne sera pas l’année du boom du taux de participation aux élections

Le 26 novembre 2020 à 18h07

Modifié 10 avril 2021 à 23h05

A la veille de chaque scrutin législatif, la question-marronnier de la désaffection électorale ne manque pas de revenir avec force. S’il se dit incapable de prévoir le taux de participation aux futures élections, le politologue Mohamed Tozy estime qu’il sera déterminé par le renouvellement d’une offre politique qui aura toutefois peu de chances de voir le jour dès 2021. En d’autres termes, il ne faut pas s’attendre à voir les Marocains se ruer sur les urnes l’an prochain.

Depuis l’apparition des réseaux sociaux, les Marocains sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à la vie politique en multipliant les commentaires sur leurs élus, sans pour autant aller voter le jour J.

Sachant que ce réservoir électoral, qui reste à l’état virtuel, pourrait mettre fin à l’abstentionnisme croissant des dernières élections, Médias24 a sollicité Mohamed Tozy pour savoir si ce scénario était réalisable en 2021, notamment dans le cadre de la crise sanitaire, très commentée, dont la gestion gouvernementale pourrait pousser certains à voter.

« Les réseaux sociaux ont pris la place des acteurs politiques en crise sans pour autant pousser les électeurs à aller voter »

A cette question complexe, le professeur nous a d’abord confirmé que si l’intérêt pour la vie politique avait indéniablement été boosté par les réseaux sociaux, ce phénomène ne s’est pas traduit par une action politique mais par de simples commentaires individualistes, voire populistes.

« Le deuxième constat est que les moyens classiques via les partis politiques, les syndicats et les institutions dédiées qui permettaient de s’intéresser à la politique sont malheureusement en crise.

« L’expression politique la plus sophistiquée, il faut aller la chercher dans les groupes WhatsApp qui donnent à voir des communautés d’intérêts organisées. C’est le cas, par exemple, des Jmaa des douars qui permettent aux originaires de douars qui migrent dans des villes à l’étranger de participer à la gestion de la chose publique (mosquée, eau potable, transport scolaire…)

Nécessité de se réinventer pour séduire l’électorat abstentionniste

« A partir de là, la seule certitude est que ces acteurs traditionnels doivent se renouveler et se réinventer pour être en mesure de prendre en charge et de transformer qualitativement la demande de participation politique », résume Tozy, pour qui, personne n’est en mesure d’assurer que les commentateurs virtuels iront bien déposer leur bulletin de vote dans les urnes lors des trois scrutins de 2021.

« Il faut aller chercher les électeurs là où ils sont mais pour cela, il faut d’abord se réinventer, car la transformation des moyens de communication oblige les acteurs traditionnels (partis politiques, notables, syndicalistes …) à faire preuve d’innovation pour les séduire et les conquérir.

Un processus électoral plus crédible confronté à un populisme qui ne disparaîtra pas de sitôt

« Cette nouvelle configuration est confortée par le fait que les processus électoraux au Maroc sont de plus en plus crédibles, depuis les trois ou quatre dernières législatures.

« Ses acteurs doivent donc transformer la conception de la politique devenue très populiste, même si ce processus qui passera par l’école demandera beaucoup de temps », explique le politologue.

A la question de savoir si cela sera possible à l’horizon des scrutins de 2021, Tozy écarte, un peu amusé, ce scénario de rupture rapide en évoquant plutôt des échéances mesurées en générations.

Si le référentiel religieux du PJD ne fait plus autant recette, personne ne peut prédire son avenir électoral

Sur une réédition du double exploit électoral du PJD en 2011 et 2016, le sociologue préfère temporiser en affirmant que ce parti a surtout mobilisé ses électeurs sur des critères traditionnels, comme l’utilisation massive du référentiel religieux, chose qui ne peut plus faire arriver au pouvoir.

« Aujourd’hui, le PJD est en train d’apprendre que la politique ne fonctionne pas de la même manière que la théologie ; mais malgré ses 10 ans au pouvoir, personne ne peut prévoir un éventuel échec en 2021.

« Il est difficile de spéculer sur son avenir, car il faut aussi tenir compte du vote par défaut. En effet, tout dépendra du taux de participation et de l’existence d’une autre offre alternative et crédible.

En cas de mobilisation réussie, le taux de participation pourrait croître de 1 ou 2 points

« Sachant que le taux de participation n’obéit pas à une trajectoire linéaire et que sa courbe d’évolution dépend de l’enjeu du futur scrutin, tous les acteurs devront absolument se réinventer pour faire face à l’abstentionnisme », déclare Tozy, pour qui, rien n’est gagné en termes de participation.

« S’il n’est pas impossible que le Maroc puisse faire gagner 1 ou 2 points au taux de participation des scrutins de 2021, tout devrait se jouer sur la capacité des acteurs politiques à mobiliser les électeurs, en particulier les abstentionnistes.

« En réalité, le changement sera certainement progressif et il faudra plusieurs générations avant que le taux de la participation électorale ne s’améliore véritablement et ne se stabilise durablement.

« Le Maroc vit la même situation électorale que l’Europe de la fin du 19ème siècle »

« Sachant que partout ailleurs, les démocraties ont mis beaucoup de temps à consolider leur processus électoral, le Maroc vit actuellement un moment de son histoire politique dont l’apport devrait être très réduit, en tout cas à court terme.

« Ainsi, si l’on devait comparer avec d’autres pays, le Maroc vit actuellement la même séquence électorale que celle de l’Europe de la fin du 19ème siècle.

« Un moment où les combats étaient féroces, immoraux. Et même si aujourd’hui les moyens de communication sont bien plus sophistiqués, la tentation populiste est restée la même. Cela a d’ailleurs toujours été le cas dans les sociétés qui se libèrent et où les élections deviennent crédibles.

Un processus électoral sur la bonne voie qui prendra du temps

« C’est ce que le Maroc vit aujourd’hui, à savoir, un processus électoral qui prendra du temps à se consolider et qui pourra être réversible ou au moins avec des parenthèses, comme ce que viennent de vivre les Etats-Unis avec le président Trump qui ne veut pas reconnaître sa défaite.

« Avant d’en arriver là, il faudra un travail de longue haleine qui nécessitera de l’éducation pour établir un vrai processus électoral et renforcer l’émergence d’un consensus sur la nécessité du pluralisme et sur des règles du jeu qui rassurent aussi les perdants dont il faudra prendre en considération l'opinion ainsi que l'utilité pour la démocratie », estime Tozy qui préfère éviter tout pronostic sur le taux futur de participation.

« La seule certitude est que le processus électoral est en train de gagner en crédibilité car toutes les personnes qui se présentent aux élections savent que c’est le seul moyen d’accéder à des postes de décision. Comme ce n’était pas le cas avant, cette transformation forte est à saluer.

L’apprenti PJD, la mue du PI et du RNI et la minuscule FGD qui se distingue

« Si la compétition devient féroce, il importe toujours de présenter une offre contenant un programme et un personnel crédibles mais aussi des méthodes réinventées pour séduire l’électorat », résume Tozy qui pense que l’éternelle étiquette de grand favori du PJD n’a plus aucun sens sachant que ce parti est en phase d'apprentissage pour assumer le bilan de son action aux affaires.

« Cela lui demandera une révolution interne et beaucoup de sacrifices sachant que les opportunités offertes, dans le passé, par le recours au référentiel religieux peuvent devenir aujourd’hui des handicaps.

« En dehors de ce parti, d’autres formations essayent également de se consolider à l’image de l’Istiqlal et du RNI qui, bien que décriés par certains, font un travail très intéressant de transformation intérieure, voire de mue.

« Idem pour la FGD, qui avec juste deux députés, a réussi à livrer un bilan parlementaire magistral.

« Cette petite formation est en effet en train de construire un référentiel crédible et remarquable sur la signification du travail d’un parlementaire responsable et comptable envers le citoyen.

« Elle se distingue aussi par sa conception très intéressante d'une relation inédite entre l'éthique et la politique avec la possibilité d’une morale puisée en dehors du référentiel religieux », conclut Tozy qui ajoute qu’il faudra encore plusieurs élections pour construire un champ politique apaisé, structuré et efficace …

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