Inclusion financière : BAM et les Finances dressent un premier état des lieux mitigé

| Le 26/11/2020 à 14:18

Menée depuis 2016, la stratégie nationale d’inclusion financière a fait l'objet d'un premier bilan d’étape. Avec des offres bancaires non adaptées aux TPME, une faible bancarisation et un monde rural marginalisé, un « choc » d’inclusion financière est nécessaire pour réduire les inégalités.

Le 25 novembre, le Ministère de l'Economie et des Finances (MEFRA) et Bank Al Maghrib ont publié le premier rapport de la stratégie nationale d’inclusion financière. Pour rappel, cette stratégie est initiée depuis 2016 et vise « la réduction des disparités en termes d’accès et utilisation des services financiers ainsi que l’accélération du développement socio-économique du pays » indique le rapport qui porte sur l'année 2019. Cela passe notamment par l’appel au secteur bancaire « à renforcer ses efforts pour améliorer l’accès au financement en faveur des petites entreprises, des jeunes et des travailleurs de l’informel en tant que levier du développement » poursuit le rapport.

Tant en volume qu’en valeur, la croissance du marché financier s’est accélérée au cours des dernières années. Depuis 2013, le rapport indique que « le nombre de comptes bancaires a augmenté de 26%, d’épargne de 19%, le nombre de cartes bancaires de 32% et le nombre de crédits aux particuliers de 15% ». En valeur, il est également indiqué que depuis 2010, les dépôts des particuliers ont cru de 41%. Parallèlement, les encours des crédits aux particuliers ont augmenté de 51%.

Faible bancarisation et accès au crédit

Néanmoins, le rapport prône un véritable « choc » nécessaire pour combler les inégalités de pénétration des services financiers auprès des particuliers et des entreprises.

Il ressort selon les statistiques de l’indice Findex à fin 2017, que 29% des adultes au Maroc possédaient un compte dans le circuit bancaire formel, contre 44% dans la région MENA. Le rapport pointe que « la moitié des adultes non bancarisés au Maroc considèrent l’insuffisance de fonds’comme l’unique raison de ne pas avoir de compte bancaire ou de paiement ». L’autre entrave majeure dans l’inclusion financière est associée « à l’offre dont la faible couverture de certaines zones notamment en milieu rural par les points d’accès des institutions financières » pointe le rapport, ajoutant que 75% des communes rurales ne sont pas couvertes par le réseau bancaire. Les carences sont exacerbées par le genre et le lieu d’habitation. En effet, seuls 20% des habitants en milieu rural disposait d’un compte de transaction fin 2017. Pour les femmes en général, le chiffre tombe à 17% à la même période.

Le rapport fait également ressortir la faiblesse de pénétration des produits d’épargne et de crédit. A fin 2017, 26% des adultes marocains déclaraient avoir emprunté de l’argent au cours de l’année écoulée, contre 43% pour la région MENA. Parmi eux, seulement 3% s’étaient financés auprès d’une institution financière. A la même période, 21,6% des adultes marocains déclaraient avoir épargné au cours de l’année écoulée contre 31,3% au niveau de la région MENA.

Le segment des entreprises est aussi touché par un retard de l’inclusion financière.« Selon une enquête réalisée en 2017 par la Fondation Marocaine pour l’Education Financière sur près de 1 000 TPE, Moyennes Entreprises et autoentrepreneurs, seules 48% des petites entreprises détiennent un compte bancaire et seulement 6% ont un crédit même si 60% des entreprises sondées ont déclaré qu’elles rencontrent des problèmes de trésorerie. Pour faire face à ce problème, elles recourent à l’entourage (53%) ou aux règlements différés auprès des fournisseurs (29%) » indiquent les instances. Cela traduit un manque d’offres de financement ciblées destinées à certains segments d’entreprises.

Il s’avère que le coût des crédits est le principal facteur de décision de financement à hauteur de 58%, suivi de la souplesse en cas de difficulté de paiement (34%) et du montant de la traite (31%).

Paiement mobile, microfinance… Les leviers de la stratégie

Pour enrayer ces dysfonctionnements, BAM a approuvé en fin d’année 2019, la feuille de route détaillée de la stratégie nationale d’inclusion financière. Elle repose sur 8 piliers centraux dont la quasi-totalité ont été lancés à fin 2019. Voici les principaux.

Dans un premier temps le développement du paiement mobile. Profitant de la forte pénétration des téléphones portables dans la société, « il a permis d’atteindre des niveaux très élevés de pénétration du compte et a été positionné pour une part significative des populations comme le principal vecteur de financiarisation » indique le rapport. Depuis son lancement en 2018, BAM a procédé à l’interopérabilité et à l’octroi des agréments aux établissements de paiement pour une mise en place du paiement mobile. Pour accélérer le processus, des incitations fiscales avaient été décidées dans la loi de finances 2020 avec un abattement de 25% sur le chiffre d’affaires réalisés par paiement mobile pour les commerçants. La loi de finances rectificative adoptée fin juillet 2020, est venue compléter ce dossier en assurant une exonération totale sur le chiffre d’affaires réalisé via paiement mobile.

Le second levier de la stratégie d’inclusion financière est la microfinance. « Ce levier contribue à l’inclusion financière et économique des populations à faible revenu en favorisant la création des activités génératrices de revenu et ainsi des emplois » indique le rapport. A fin 2019, l’accent a été mis par les pouvoirs publics sur 4 axes majeurs :

• L’élargissement du périmètre des associations de microcrédit via la réforme de son cadre juridique

• L’adoption d’importantes incitations fiscales au profit de ses acteurs ;

• Le développement et la diversification des ressources financières mobilisées en faveur du secteur

• Le renforcement du cadre de sa supervision.

Des initiatives qui ont permis le développement de ce marché. « En effet, l’activité des 13 associations exerçant le micro-crédit a été marquée à fin 2019 par la hausse de l’encours des crédits octroyés et du nombre de clients qui ont dépassé 7,4 MMDH et 923.497 respectivement avec un montant moyen de crédits de 8.000 DH et un taux des créances en souffrance de 4% » note le rapport. Il indique également que « l’étude menée dans le cadre du projet de développement de la microfinance au Maroc, a dévoilé un potentiel du  marché de la Microfinance de 55% dans le milieu rural et un besoin de financement global de 30 MMDH à mobiliser pour atteindre 1,6 million de clients actifs, à Horizon 2022 ».

Le troisième levier est l’assurance inclusive. L’assurance classique n’est en effet pas nécessairement adaptée et exclut de fait une grande frange de la demande. Pour pallier à cela, l’objectif de la feuille de route repose sur trois mesures dont l’objectif à terme sera le déploiement de ces offres dans le milieu agricole et pour les TPE.

• Adapter l’offre du secteur en exploitant les possibilités offertes par les canaux et la réglementation actuelle

• Revoir la réglementation pour introduire le concept de la micro-assurance,

• Stimuler la demande à travers une sensibilisation accrue des populations

Le 4ème levier concerne les offres bancaires. L’objectif étant une meilleure couverture des besoins des TPE et l’adaptation des offres au monde rural. « De même, les réflexions ont porté sur les modèles d’implantation ‘Low Cost’ les plus pérennes et les moins coûteux partant des expérimentations qui ont déjà été engagées au Maroc comme les modèles de ‘caravanes bancaires’ ou d’agences automatiques sans personnel » indique le rapport.

Le 5e levier porte sur les outils d’aide au financement des startups notamment via le développement des modèle de financement comme le crowdfunding ou encore le Fonds Innov Invest. « Un montant de 700 millions de dirhams (MDH) est alloué pour les cinq (5) prochaines années dans des startups innovantes, à raison de 300 millions de dirhams par la CCG via le Fonds Innov Invest, auquel s’ajoute la participation d’investisseurs nationaux et étrangers à hauteur de 400 MDH » note le rapport.

Autre levier avancé par le rapport, la dématérialisation des paiements via deux domaines. Les flux « Etat-usagers » et les flux « privés ». Pour le premier, il s’agit du versement sécurisé des aides sociales, remboursements, taxes, etc… « La dématérialisation de ces paiements est un levier important d’inclusion financière des populations, notamment défavorisées, et permet d’ancrer les services financiers dans leur quotidien » souligne le rapport. L’autre concernant notamment les versements dématérialisés des salaires et l’accélération de la mise en place des paiements dématérialisés des factures.

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