Les commerçants perdent la bataille de la baisse des droits de douane

Les commerçants en réseau n’ont pas réussi à faire passer l'amendement relatif à la réduction des droits de douanes sur les produits finis de 40% à 25%. Un amendement porté par les groupes de la majorité de la première chambre et qui a été rejeté par le ministre des Finances, sans même passer au vote. Ils espèrent rattraper le coup à la deuxième chambre, mais leurs chances de réussite semblent très minces.

Les commerçants perdent la bataille de la baisse des droits de douane

Le 17 novembre 2020 à 18h07

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Les commerçants en réseau n’ont pas réussi à faire passer l'amendement relatif à la réduction des droits de douanes sur les produits finis de 40% à 25%. Un amendement porté par les groupes de la majorité de la première chambre et qui a été rejeté par le ministre des Finances, sans même passer au vote. Ils espèrent rattraper le coup à la deuxième chambre, mais leurs chances de réussite semblent très minces.

Premières victimes de la hausse en deux temps des droits de douane sur les produits finis importés de pays non signataires d’ALE avec le Maroc, les commerçants en réseau ont lancé depuis septembre une campagne de lobbying pour faire entendre leur voix, et sensibiliser les acteurs politiques sur les dangers de cette hausse des droits de douane.

Leur argumentaire qui portait essentiellement sur les effets néfastes sur le secteur du commerce et les emplois a porté ses fruits dans un premier temps, puisque leur cause a été épousée par les groupes de la majorité de la première chambre. Au sein de la Commission des finances, ces derniers ont déposé un amendement commun pour revenir aux taux pratiqués avant 2020 (25%).

Le veto de Mohamed Benchaâboun

L’argument des groupes de la majorité reprenait les principaux axes de défense de la fédération des commerçants en réseau :

- L’impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs puisque la hausse des droits de douane est répercutée directement sur les prix de vente.

- La migration des acheteurs vers le secteur informel

- La fragilisation des acteurs du secteur qui, en plus de cet effet de renchérissement et de fuite de la clientèle vers l’informel, ont souffert de la crise du Covid et des différentes mesures de restrictions décidées depuis fin mars

- L’impact sur les recettes de l’Etat qui serait négatif, puisque le volume des importations baissera, ce qui induira une baisse de la collecte générale des droits de douane. Un effet auquel s’ajoute la baisse attendue des ventes de ces commerçants et de leurs bénéfices, ce qui entraînera une chute des recettes de la TVA et de l’IS.

Présentés au ministre des Finances, ces arguments n’ont pas eu l’écho attendu, puisque Mohammed Benchaâboun a rejeté cet amendement, en usant de son droit constitutionnel de ne pas accepter des changements sur le PLF qui impacterait à la baisse les recettes de l’Etat. L’amendement n’est donc même pas passé au vote…

Sondés par Médias24, les acteurs du commerce en réseau se disent déçus de cette réaction du ministre qui s’est basé sur les chiffres de la collecte des douanes à ce jour pour statuer sur les effets de cette hausse des droits de douane sur les recettes de l’Etat. Les chiffres mis à la disposition de Benchaâboun par son administration montraient selon nos sources une hausse de la collecte des droits de douanes sur ces produits visés par le nouveau taux de 40%.

« Il est vrai que pour l’instant, les droits de douane collectés sont en hausse. Mais c’est un effet d’aubaine qui est trompeur. Car l’essentiel des commerçants passent des commandes pour six mois. Et se sont retrouvés donc à payer des droits de douane de 40% sur des volumes précommandés à l’avance, quand ces droits n’étaient que de 30%. Le véritable effet sur les recettes de l’Etat ne se verra qu’à partir de 2021, car les commerçants ont commencé d’ores et déjà à réduire le volume de leurs importations. Quand d’autres réorientent leurs approvisionnements depuis des pays européens ou les Etats-Unis, ce qui va renchérir le prix des produits avec son corollaire en sorties de devises, sans apporter le moindre sou à l’Etat, ces pays étant signataires d’ALE avec le Maroc », explique un des acteurs du secteur.

Un sujet qui divise le patronat

A l’autre argument du « consommer marocain » qui leur est opposé aussi bien par les pouvoirs publics que par certains membres de la CGEM qui ne suivent pas leurs doléances, les commerçants se disent prêts à vendre 100% du made in Morocco. « C’est notre rêve à tous de pouvoir vendre que du made in Morocco. Mais entre ce rêve et la réalité du terrain, il y un grand gap. Car la grande majorité des produits que nous importons pour répondre à la demande du consommateur marocain ne sont pas produits pour l’instant au Maroc », explique l’un des membres de la fédération du commerce en réseau.

Si les politiques, notamment ceux des partis de la majorité, se sont montrés sensibles au discours des commerçants, ces derniers n’arrivent pas encore à avoir l’adhésion de tous dans leur propre camp. Et ne sont même pas sûrs que leur amendement sera défendu par le groupe parlementaire de la CGEM à la deuxième chambre, occasion de la dernière chance pour eux de peser sur le PLF 2021.

Ce sujet des droits de douane divise en effet les membres de la CGEM, entre des acteurs, industriels du textile notamment qui estiment qu’il faut freiner les importations pour encourager la production marocaine, et d’autres acteurs qui pensent que la politique d’import-substitution est bonne sur le papier, mais que tant qu’il n’y pas d’industrie de substitution, les effets ne peuvent être que négatifs sur plusieurs secteurs et chaînes de valeur. Car le sujet, selon une source patronale, ne concerne pas que les commerçants, mais également d’autres métiers dont des intrants importants subissent aujourd’hui de plein fouet cette politique d’augmentation des droits de douane.

Vers qui penchera la balance à la chambre des conseillers ? Le groupe présidé par Abdelilah Hifdi se joindra-t-il aux doléances des commerçants ou à l’argumentaire des textiliens ? Toujours divisés sur ce sujet, les membres du patronat négocient actuellement les amendements qu’ils devront porter au sein de la deuxième chambre.

Un député du groupe de la CGEM nous dit ainsi que rien n’est décidé pour l’instant. « Nous travaillons toujours sur les amendements, qui devront être finalisés d’ici fin novembre », nous confie-t-il, avouant qu’il y a « comme, tous les ans, des divergences d’intérêts et qu’un arbitrage devra être fait à la fin ».

Entre industriels qui veulent protéger leur business des importations venant d’Asie, et commerçants qui veulent bien travailler avec ces mêmes industriels et encourager le consommer marocain, mais qui sont obligés pour l’instant d’importer pour répondre à la demande du marché faute d’industrie de substitution, cet arbitrage sera difficile à faire. 

Et même si l’amendement en faveur des commerçants est porté par la CGEM, il sera encore plus difficile de le faire passer lors des discussions sur le PLF, quand on sait que politiquement, le ministre des Finances et son homologue à l’industrie ne peuvent pas faire marche arrière en moins de six mois sur une stratégie qu’ils présentent comme une des principales pistes de relance de l’économie marocaine et de son tissu industriel.

Plus de 200.000 emplois menacés

Dans les coulisses, nos sources nous disent que le président de la CGEM est favorable à l’argumentaire des commerçants. Et qu’il l’a même exprimé publiquement. Une position qui ne donne toutefois aucune garantie aux commerçants que leur amendement sera porté par le groupe de la CGEM au Parlement, au vu du poids de l’AMITH et des autres fédérations et associations sectorielles devant la toute fraîche fédération du commerce en réseau, qui vient d'être créée il y à peine deux mois. 

« Nous espérons que c’est l’intérêt général qui le remportera », nous dit un membre de la fédération qui tient à souligner qu’il ne s’agit pas ici d’une bataille entre hommes d’affaires sur des avantages douaniers, mais qu’il s’agit de l’avenir de tout un secteur et de dizaines de milliers d’emplois.

La fédération du commerce en réseau, secteur qui emploie plus de 1,5 million de personnes selon les chiffres que ses membres présentent, estime en effet que cette hausse des droits de douane pourrait menacer jusqu’à 15% des emplois dans le secteur, soit au moins 225.000 personnes. Sans compter les effets sur la création de valeur de ce secteur qui apporte près de 8% au PIB, comme le souligne l’amendement avorté des groupes de la majorité de la première chambre. 

Le gouvernement assumera-t-il sa politique d'import-substitution jusqu'au bout ? Réponse en décembre, lors du vote du PLF à la deuxième chambre. 

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