L'oxygène médical, un secteur sensible en mal d'encadrement

La pandémie a mis à nu la sensibilité du marché des gaz médicaux au facteur logistique, ce qui expose les clients à la spéculation. Les officines, elles, appellent à l'application de la loi en matière de prix et de distribution. Décryptage.

L'oxygène médical, un secteur sensible en mal d'encadrement

Le 17 novembre 2020 à 19h04

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

La pandémie a mis à nu la sensibilité du marché des gaz médicaux au facteur logistique, ce qui expose les clients à la spéculation. Les officines, elles, appellent à l'application de la loi en matière de prix et de distribution. Décryptage.

"Le débat, on peut le résumer à cela : l'élément clé aujourd'hui c'est l'oxygène. Après, en fonction de l'évolution des cas, il y a des traitements à adopter. Mais il n'y a pas un médicament miracle, le plus important c'est l'oxygène", nous répondait un anesthésiste-réanimateur en octobre dernier quand nous l'avons interrogé sur l'utilité de la Chloroquine dans le protocole thérapeutique relatif à la Covid-19.

En effet, l'oxygène est une ressource importante dans le cadre de la prise en charge des malades Covid graves. D'ailleurs, on le constate aussi dans les propos des différents médecins et dirigeants de cliniques privées quand on évoque les coûts de prise en charge de la maladie. "Cette maladie est une grande consommatrice d'oxygène, avant la pandémie la consommation moyenne était de 5 à 6 litres/ minute. Elle peut atteindre les 20 litres/minute avec la Covid. Un malade peut consommer jusqu'à 800 DH d'oxygène par jour dans les cas extrêmes", nous explique-t-on.

Le ministre l'a également confirmé lors de son passage au Parlement le 16 novembre. "La consommation d'oxygène a été multipliée par 15. Son coût est passé de 1,5 MDH à 3 MDH sur les 4 mois pour chaque 100 lits", révèle-t-il.

Un acteur du marché nous confirme pour sa part que "les volumes d'oxygène demandés augmentent de façon vertigineuse". N'ayant pas de chiffres précis pour le marché, il nous avance une estimation prudente. "La demande actuelle est en hausse de 50% par rapport à janvier dernier", nous explique-t-il. 

Les prix hors conventions de fourniture flambent

S'il est incontestable que la demande a augmenté, qu'en est-il des prix ? Y a-t-il eu des hausses de prix à cause de cette forte demande ? Médias24 a sondé plusieurs acteurs du marché (producteurs, distributeurs, clients) pour connaître l'impact de la pandémie sur la structure de cette niche peu médiatisée. Tous ou presque ont refusé de nous fournir une indication chiffrée sur les prix pratiqués.

"Le prix est variable en fonction des opérateurs, des volumes, de l'emplacement géographique des structures hospitalières par rapport aux usines de production. Un client qui a une très faible consommation mensuelle ne va pas avoir les mêmes prix qu'une clinique qui a un fort débit, les prix sont dégressifs. Ce sont là des règles générales de fonctionnement, mais chaque opérateur est libre de mettre en place une gamme de prix liée à sa politique, ses coûts, sa spécialisation...", nous explique un professionnel. 

"Le marché est très concurrentiel. Les prix dépendent de l'historique client, des négociations, des volumes...", nous répond un autre acteur du marché. 

Les prix ont-ils augmenté ? A cette question, un acteur nous répond: "les gens qui pensent qu'il y a un renchérissement du prix de l'oxygène ne connaissent pas le fonctionnement du secteur. Nous sommes un secteur extrêmement structuré. Une structure hospitalière publique choisit son fournisseur sur la base d'un appel d'offres public. Une structure privée fait jouer la concurrence pour avoir le mieux-disant que ce soit en temps normal ou maintenant". 

"C'est un secteur qui fonctionne sur la base de conventions de fourniture. Ces conventions sont souvent reconduites par tacite reconduction sauf quand la structure privée veut refaire jouer la concurrence. Mais généralement nous opérons dans le cadre de relations établies. Donc ce n'est pas parce que la demande flambe que les prix suivent la même tendance", ajoute-t-il.

Un autre producteur du marché verse dans le même sens. "Les prix sont contractuels. Notre secteur est régi par des contrats dont les prix ont été fixés avant la crise Covid. Ils ne sont donc pas supposés bouger. Je suis formel, il n'y a pas eu d'augmentation des prix par rapport à avant la pandémie", nous explique-t-il. 

Du côté des cliniques privées, on confirme les propos des producteurs à une différence près. "En effet, il y a des contrats qui n'ont pas bougé. Par contre, nous rencontrons des difficultés au niveau de la disponibilité de la ressource. En période de grande demande, ils ne peuvent pas nous fournir tout ce qu'on demande. Nous sommes donc obligés de répondre aux besoins par d'autres moyens et d'aller nous fournir ailleurs hors convention", nous confie un patron de clinique.

"C'est pour pallier ce problème de disponibilité que nous avons cherché à nous équiper en extracteur d'oxygène. Son prix normal est de 13.000 DH, nous l'avons acheté à 50.000 DH", ajoute notre source. 

Pour les tarifs pratiqués pour l'oxygène, ce dernier nous déclare que "les prix varient entre 40 à 80 DH/ le m3 selon les quantités. Mais même là il peut y avoir des abus et des fournisseurs qui vendent à 150 DH". 

La logistique de l'oxygène, un challenge pendant la pandémie 

Les producteurs avouent en effet avoir un important challenge à relever au niveau logistique. "Soyons clairs, il n'y a aucun problème en termes de production. La ressource est disponible et en quantité car les intrants sont l'air et de l'électricité, deux matières premières disponibles. La tension n'est pas sur la production ni sur les prix, elle se situe au niveau de la logistique. Le camion qui faisait une livraison par semaine doit en effectuer trois dans ce contexte", nous explique un acteur. 

Pour atténuer ce problème, les fournisseurs accompagnent leurs clients pour l'amélioration de leur capacité de stockage. Une citerne démarre à 1.200 m3 et peut aller pour des grosses structures hospitalières jusqu'à 10.000 m3. "On assiste les clients dans le remplacement des réservoirs pour les adapter à leur consommation actuelle et réduire ainsi le nombre de passage de camions de livraison", nous explique une source.  Et ce facteur logistique impacterait aussi les prix. 

>>Lire aussi : Covid-19 : "Le Maroc a suffisamment d’oxygène médical" (opérateur)

Les officines montent au créneau 

Par ailleurs, les pharmacies d'officines s'invitent au débat pour dénoncer à leur tour un nombre d'entorses à la réglementation. "Les gaz médicaux à savoir l'oxygène sont considérés dans la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie comme des médicaments et relèvent du monopole des officinaux", nous explique Mounir Tadlaoui, secrétaire général de la fédération nationale des syndicats des pharmacies du Maroc (FNSPM).

Il nous explique que les circuits de distribution sont de deux natures. Les fournisseurs peuvent directement livrer les cliniques et les hôpitaux ou les grossistes. Ces derniers peuvent fournir soit les pharmacies des cliniques directement ou les pharmacies d'officines qui sont seules habilitées à vendre les gaz médicaux au grand public. 

"Malheureusement, nous avons constaté qu'ils sont illégalement vendus par des intermédiaires ou sur les réseaux sociaux, ce qui conduit à une très grave spéculation sur les prix pendant cette pandémie en l'absence de toute traçabilité sur le contenu de ces bonbonnes à oxygène ou sur les quantités réelles qu'elles contiennent", ajoute-t-il

En effet, l'article 2 du code du médicament de la pharmacie considère, dans ses alinéas 4 et 16, les gaz médicaux produits au moyen d'un générateur ou tout autre dispositif adapté et les gaz médicaux comme un médicament. 

"Partant de là, et étant considéré comme un médicament, le prix de l'oxygène doit être réglementé comme pour tous les autres médicaments avec un Prix Public de ventes et un Prix Hôpital", nous explique notre interlocuteur qui ajoute que ce prix peut être fixé au m3 hors coût logistique qui viendrait s'additionner en fonction de la distance. 

La fédération nationale des syndicats des pharmacies du Maroc dit avoir saisi le ministre de la Santé sur cette question afin de faire appliquer la loi. 

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