La classe moyenne, seule face à la crise

La classe moyenne est concernée par la perte ou la baisse des revenus. Quand elle est éligible à l’indemnité CNSS, celle-ci ne remplace qu’une toute petite partie de ses revenus perdus, alors que certaines charges demeurent incompressibles.

La classe moyenne, seule face à la crise

Le 12 mai 2020 à 0h06

Modifié 11 avril 2021 à 2h46

La classe moyenne est concernée par la perte ou la baisse des revenus. Quand elle est éligible à l’indemnité CNSS, celle-ci ne remplace qu’une toute petite partie de ses revenus perdus, alors que certaines charges demeurent incompressibles.

La classe moyenne est la plus nombreuse au Maroc (plus de la moitié de la population). C’est elle qui paie le plus d’impôts, qui consomme le plus, qui fait tourner l’économie. A son malaise structurel (perte continue de pouvoir d’achat, recours au privé à cause de services publics médiocres…) est venue s’ajouter, cette année, la crise sans précédent liée au Covid-19.

Médias24 tente à travers cet article de mettre la lumière sur les difficultés conjoncturelles que vivent ou vivront de nombreuses familles de la classe moyenne à cause du Covid-19. L’image dressée ci-dessous ne correspond pas à chacun de ces ménages ; certains pouvant vivre une situation plus difficile que d’autres. Mais elle permet d’avoir une idée proche de leur réalité et surtout de souligner que les mesures de soutien décidées jusqu’ici ne s’adressent pas vraiment à cette classe ou du moins peuvent se révéler insuffisantes.

Baisse drastique, voire perte totale de revenus

En effet, de nombreux salariés-cadres débutants, moyens ou supérieurs, dans diverses secteurs, travaillant pour l’essentiel dans des entreprises de taille petite ou moyenne, se sont retrouvés sans salaires ou avec des revenus en forte baisse en raison de l’arrêt de plusieurs activités à cause de l’état d’urgence sanitaire et du confinement obligatoire.

Parmi les 950.000 salariés affiliés à la CNSS et déclarés en arrêt temporaire d’activité en avril, donc ne percevant plus aucun revenu, il n’y a pas que des personnes percevant le SMIG ou un salaire proche du minimum légal.

A cette catégorie s’ajoutent tous ceux dont l’activité a été maintenue mais dont les salaires ont été réduits jusqu’à 50%, ainsi que ceux qui ont carrément été licenciés.

Il faut savoir aussi que la classe moyenne ne compte pas que des salariés. De nombreux commerçants, artisans, prestataires de services et personnes exerçant des professions libérales en font partie. Cette catégorie, nombreuse également, n’a pas été épargnée par la crise et la perte de revenus, compte tenu des mêmes état d’urgence et confinement.

Une aide financière insuffisance ou inadaptée

Le comité de veille économique a pris plusieurs mesures de soutien au profit des ménages, dont la plus importante est l’octroi d’aides financières directes.

Les salariés déclarés sont concernés par l’indemnité de 2.000 DH par mois, servie par le Fonds covid-19 jusqu’à fin juin.

Il se trouve que cette indemnité constitue un soutien plus pour les personnes percevant de faibles revenus (SMIG ou un niveau proche) que pour les salariés de la classe moyenne. D’ailleurs, des personnes aux faibles salaires ont même arbitré en faveur de l’indemnité même si leurs employeurs n’ont pas fermé ou réduit leur activité, trouvant en elle une compensation équivalente au salaire permettant d’éviter le risque de contamination au virus.

Pour les salariés de la classe moyenne déclarés en arrêt temporaire d’activité, l’indemnité ne remplacera qu’une toute petite partie du revenu. Elle peut même s'avérer insuffisante pour couvrir les besoins alimentaires d'une famille, à moins d'un rationnement.

Si un jeune salarié perçoit l’équivalent du salaire moyen déclaré à la CNSS, soit 5.200 DH, l’indemnité ne représentera que 38% de son revenu. Pour quelqu’un qui touche 10.000 DH par moi, elle ne représentera que 20%.

Pour permettre à ces salariés de se rapprocher de leurs revenus habituels, le CVE a adopté une mesure qui consiste à exonérer les employeurs de l’IR sur le complément d’indemnité qu’ils acceptent de leur accorder, à condition que le tout (indemnité et complément) n’excède pas 50% du salaire.

Il se trouve que l’octroi de ce complément reste volontaire et non obligatoire. Si certains employeurs qui ont les moyens et un esprit de responsabilité sociale le font ou le feront, beaucoup d’autres n'accepteront pas.

Pour leur part, les salariés dont les postes ont été maintenus en contrepartie d’une baisse du salaire ne sont pas éligibles à l’indemnité CNSS. Ils devront se contenter de ce que leur verseront leurs employeurs.

Quant aux indépendants, libéraux et chefs de petites entreprises dont l’activité a cessé, aucun soutien monétaire n’a été mis en place, hormis éventuellement les aides destinées aux entreprises qu’ils ne pourront pas, de toutes les façons, utiliser à des fins personnelles.

Des reports coûteux ou qui ne feront que décaler les charges

Face à cette forte baisse ou disparition de revenus, des charges restent incompressibles, principalement le panier alimentaire.

Certes, parmi les mesures adoptées par le CVE, il y a la possibilité de reporter les échéances des crédits bancaires. Sauf que ce report doit être accepté par la banque et il a un coût : des intérêts seront calculés sur le capital restant du crédit pendant la période du report, et devront être payés in fine par l’emprunteur. Dans certains cas, notamment de crédits immobiliers, ces intérêts peuvent s’élever à des dizaines de milliers de dirhams.

Lors de sa dernière réunion, le CVE a adopté une nouvelle mesure consistant en une prise en charge des intérêts intercalaires par l’Etat et le secteur bancaire. Sauf que cette mesure se limite aux personnes ayant des échéances mensuelles de crédit inférieures ou égales à 3.000 DH pour les crédits logement et 1.500 DH pour les crédits consommation.

Autrement dit, elle ne s’adresse pas vraiment à la classe moyenne dont les échéances de crédits sont généralement plus importantes. Ainsi, les emprunteurs de cette classe sociale pourront bénéficier d’une petite période de répit mais dont la facture sera salée ultérieurement. A moins de demander le délai de grâce en justice conformément aux dispositions de la loi sur la protection du consommateur.

Mais toute la classe moyenne n’est pas propriétaire. Quid des locataires de logements ? D’après le site web mahakim.ma, de nombreuses demandes d’expulsion ont été déposées par les bailleurs pendant la période de confinement pour non versement des loyers. Si les juges ont fait preuve de bon sens en renvoyant la majeure partie des affaires au mois de juin, il n’en demeure pas moins que les locataires défaillants restent menacés.

Des propositions de lois ont été déposées par des partis politiques dans le but d’interdire la résiliation du contrat de bail et l’expulsion des locataires défaillants à cause du contexte du Covid-19, et de considérer les loyers impayés comme une dette ordinaire exigible après l’état d’urgence. Mais il ne s’agit pour l’heure que de simples propositions qui, même en cas d’adoption, ne feront que différer la charge locative dans le temps.

Frais scolaires et médicaux dans le secteur privé : charges incompressibles

A ces charges que la classe moyenne peut plus ou moins éviter pendant cette période de crise, s’ajoutent d’autres, difficiles à éviter.

C’est le cas des frais de scolarité des enfants dans le secteur privé. Hormis les initiatives individuelles de quelques établissements et l’annonce par l’Alliance des écoles privées de mesures en faveur des familles affectées, de nombreux parents rapportent que les écoles se montrent intraitables dans le recouvrement des frais de scolarité, argumentant qu’elles font toujours face aux mêmes charges, compte tenu de la programmation des cours à distance.

La Fédération marocaine des droits du consommateur vient justement d'interpeller les écoles privées à ce sujet et de demander l'intervention du ministère de tutelle.

C’est le cas aussi des frais médicaux. Les indépendants et patrons de petites structures ne sont carrément pas couverts par l’AMO. Pour les salariés, hormis ceux qui bénéficient d’une mutuelle privée relativement plus généreuse que le régime de base, le reste à charge des assurés de l’AMO demeure important.

Des crédits à la consommation, pourquoi pas ?

Compte tenu de cette situation, de nombreux ménages ont dû puiser dans leur épargne, quand celle-ci existe. Le comité de veille pouvait-il faire mieux pour soutenir la classe moyenne ? Deux idées, dont une déjà évoquée par Médias24, viennent à l’esprit :

Soutenir les entreprises qui préservent les emplois et les salaires, au lieu d’aider uniquement les entreprises qui déclarent des employés en arrêt d’activité. Soutenir ne signifie pas leur verser de l'argent, mais plutôt leur offrir la possibilité d'exonération de l'IR à titre d'exemple.

- Mettre en place des crédits à la consommation à taux zéro ou bonifiés au profit des ménages, avec différé de remboursement et des durées confortables.

Sur ce dernier point, notons que les banques de plusieurs pays, soutenues par les gouvernements et les banques centrales, financent les ménages à des conditions avantageuses pour soutenir la consommation et relancer l'économie. Le Maroc pourrait s’en inspirer à la fois pour la relance économique et pour le soutien des ménages, en ces temps difficiles qui pourraient se prolonger bien après la fin du confinement.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

HPS: RÉSULTATS ANNUELS 2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.