Ahmed Reda Chami : Comment l’entrepreneuriat pourrait permettre au Maroc de passer à un nouveau palier de croissance

M. Ett. | Le 6/2/2020 à 18:02

VERBATIM. La conférence Annuelle du Capital Investissement organisée par l’AMIC a connu l’intervention d'Ahmed Reda Chami, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Son discours a porté sur le rôle de l’entrepreneuriat dans l'accélération de la croissance économique. Il a listé plusieurs éléments nécessaires à la transformation structurelle dont l'économie du pays a besoin. 

La 9ème édition de la Conférence Annuelle du Capital Investissement (CACI) de l’Association Marocaine du Capital Investissement (AMIC), qui s’est tenue le mercredi 5 février 2020 à Casablanca a connu l'intervention de Ahmed Reda Chami, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Ce dernier a partagé sa vision sur les préalables à une transformation structurelle de l’économie marocaine pour accélérer sa croissance. Il a commencé par revenir en arrière et tracé l’évolution de la croissance durant ces 20 dernières années. Voici ce qu’il a dit :

(Voir à partir de 27m30)

« Si on fait un regard sur le Maroc de 1999 à 2018, on remarque qu’on a doublé le PIB par habitant et que le taux de croissance économique s'est établit en moyenne à 4% par an. Sauf qu'à partir de 2012, cette croissance est tombée à 3%. 

« Une grande partie de la croissance dans les années 2000 a été portée par l’immobilier et le boom du crédit. Il fallait prévoir d’autres moteurs de croissance. 

« Cette croissance de 3% est toujours portée en grande partie par l’agriculture. Or tous les pays émergents ont vu la contribution de l’agriculture au PIB descendre en dessous de 10%. Nous on est resté bien au-dessus de ce seuil.

>>> Lire aussi : Croissance économique: pour 2020, on parie sur la pluie

« Notre croissance dépend de la cyclicité et du bon vouloir du bon Dieu. Notre économie s’est également tertiarisée assez rapidement. La plupart des pays émergents ont connu un boum industriel avant de se tertiariser. Nous on a eu une désindustrialisation précoce. 

« Les éléments contributifs à la croissance économique de notre pays ne sont pas ceux qu’on retrouve dans les économies à forte valeur ajoutée, composées en grande partie des entreprises technologiques.

« On a aussi très peu d’entreprises exportatrices. Quand on regarde la diversité technologique de nos exportations, certes elle s'est améliorée, grâce à l’aéronautique et l’automobile, mais elle reste bien en deçà des pays comparables. 

Devenir un pays émergent

« Si on veut devenir un pays émergent, il faut passer à une croissance de 6 ou 7% par an. D’ici 2050, nous finirons par atteindre 65% du PIB par habitant de l'Espagne qui réalise un taux de croissance variant entre 1,2% et 1,5%, ce qui serait une bonne chose.

« Pour atteindre cette croissance, il faut agir sur trois composantes. On accumule du capital, on accumule du travail ou on accumule de la productivité totale des facteurs.

« Ce qu’on a fait jusqu’aujourd’hui, c’est d'accumuler du capital et accumuler un peu de travail. La croissance a été portée par l’investissement qui a atteint un taux de 32% du PIB. Il faut maintenir ce taux et améliorer en même temps le taux d'activité. 

Lever les freins à l'entrepreneuriat dans des secteurs compétitifs 

« Mais le plus important est d'améliorer la productivité. Et celle-ci n'est possible qu’à travers une transformation structurelle. 

« Pour ce faire, il faut aller vers de nouveaux secteurs, diversifier les produits, monter en gamme, exporter, etc. 

« Cette transformation structurelle ne peut être portée que par des entrepreneurs, d’où la nécessité d’un choc entrepreneurial. 

« Pour créer un choc entrepreneurial et booster la croissance économique, il faut d’abord que l’entrepreneur puisse évoluer dans un environnement qui lui permet de se développer. 

« Actuellement, l’environnement qui entoure les entrepreneurs est un environnement rentier, où les secteurs sont protégés. Certains secteurs ont des avantages et d’autres pas, (…) un environnement où la concurrence ne joue pas son rôle, soit elle est absente soit elle est déloyale. S’ajoute à cela la corruption qui décourage davantage les entrepreneurs. 

« C’est inacceptable que ces éléments fassent partie de notre environnement actuel. L’administration doit devenir la solution est non pas le problème. Le cadre légal doit changer lui aussi. Tout le système d’incitations publiques doit être revu à l’aune de cette transformation structurelle. 

« Pour appuyer les PME, il faut insister sur l’accompagnement pour qu’elles puissent durer dans le temps.

Financement : développer des alternatives au secteur bancaire

« S’agissant du financement, qui est un volet primordial dans l’appui à l’entrepreneuriat, il faut diversifier les sources de financement pour diminuer un peu le recours au financement bancaire classique. L’entreprise marocaine se finance à plus de 90% par le circuit bancaire.

« Il faut aller vers un modèle d’entreprises qui n’est pas couvert par le financement classique. De plus, l'industrie des Business angels manque au système de financement actuel. Il faut l’encourager aussi. 

« Par ailleurs, si on arrive au moins à régler ce problème des délais de paiement, cela pourrait donner du souffle aux entreprises. Si on veut qu’une entreprise grossisse, il faut qu’elle ait des fonds propres et de la trésorerie. 

« N'oublions pas la transmission, c’est un sujet qu’on sous-estime et qui pourrait être une véritable catastrophe pour notre industrie dans le futur. Il y a de gros acteurs industriels qui se sont développés avec des enfants qui ne sont pas intéressés par la reprise de l’entreprise familiale. Il faut avoir un fonds pour la transmission avec un cadre légal mieux adapté afin de pouvoir protéger et l’investisseur et le transmetteur.

« Les services publics constituent un autre élément qu’il faut améliorer. Si on a des services publics de qualité, la classe moyenne ou moins moyenne pourrait voir son pouvoir d’achat augmenter et n’aurait plus à dépenser son argent pour l’éducation et la santé. 

« Nous avons besoin de croissance. Une croissance dont tout le monde profitera. Celle-ci doit se faire en s’assurant que les inégalités n’augmentent pas. On peut regagner de la compétitivité en procédant à une dévaluation structurelle au lieu de dévaluer la monnaie. Cette diminution structurelle se réalisera en diminuant les coûts que subissent les consommateurs », conclut-il.

>>> Lire aussi : Tout savoir sur le programme intégré de financement des entreprises

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