Assurance : l’explosion de la sinistralité expliquée par Zouheir Bensaid

M.M. | Le 28/3/2019 à 15:01

Pour le PDG de RMA Assurance, ce phénomène qui plombe les résultats du secteur a été le fruit de la course effrénée de certaines compagnies pour conquérir du volume et des parts de marché. Le secteur a pris conscience des dégâts et a édicté selon lui plusieurs mesures pour limiter la casse dans les années à venir.

Le PDG de RMA Assurance a tenu une conférence ce jeudi 28 mars pour présenter les résultats 2018 de sa compagnie. 

Comme toutes les autres compagnies du secteur, RMA Assurance a été également affectée par la montée de la sinistralité auto. Un phénomène dénoncé il y a quelques jours par Christophe Buso et Ramsès Arroub, patrons respectifs de Saham Assurance et Wafa Assurance. 

Un phénomène qui a également plombé les bénéfices du secteur, obligeant les compagnies d’assurances à édicter de nouvelles règles pour limiter la casse dans l’avenir.

A rappeler que le ratio S/P global de l'industrie est passé de 83,3% en 2016 à 85,9% en 2018, et que le ratio S/P Non-Vie est passé de 66,1% à 68,4%. Un niveau qui laisse peu de marges aux assureurs et risque d’entraîner à terme une grande érosion de leur rentabilité.

Pour Zouheir Bensaid, cette aggravation de la sinistralité, notamment dans l’automobile, est le fruit de plusieurs facteurs. Le premier est relatif à la course effrénée au volume lancée par certaines compagnies d’assurance ces dernières années. 

Le « petit jeu » de la conquête du chiffre d’affaires

« Depuis un certain nombre d’années, il y avait une tentation de céder à la volonté d’augmenter les parts de marché. Ceci a été le fruit de l’évolution d’un certain nombre de compagnies qui étaient dans une phase transitoire. Elles étaient soit en restructuration, soit engagées dans un processus de cession et avaient tout intérêt à avoir plus de volume et de chiffre d’affaires », lance-t-il.

Pour attirer plus de volume, ces compagnies avaient deux options, poursuit Bensaid : lancer des campagnes marketing qui attirent du chiffre d’affaires ou baisser les tarifs pour aller à la conquête de nouvelles parts de marché.

«Cette deuxième manière de faire permet de générer du chiffre d’affaires rapide, mais installe malheureusement une décrédibilisation du système », tonne le PDG de RMA.  «Cela tire vers le bas une activité censée contribuer à l’économie nationale. Car ces primes-là sont utilisées aussi bien pour honorer les engagements des compagnies vis-à-vis de leurs assurés, mais aussi pour investir dans l’économie à travers les Bons de Trésor ou en investissant dans des projets d’infrastructures à moyen et long terme ». 

« Ce petit jeu de conquête de chiffre d’affaires peut paraitre anodin, mais peut se transformer en un problème structurel et entraîner des conséquences assez sérieuses », indique Zouheir Bensaid.

Ce phénomène s’est donc poursuivi en 2018, une année qui a été marquée par cette concurrence effrénée induisant au passage une forte pression baissière sur les tarifs.

Une baisse des tarifs qui s’est accompagnée d’une hausse généralisée de la sinistralité automobile, avec un effet double selon Bensaid : une accélération de la fréquence des sinistres mais aussi une augmentation de leur coût moyen.

La prise de conscience des compagnies…

La profession a pris conscience, indique Zouheir Bensaid, de ce phénomène et des effets qu’il peut induire sur la rentabilité du secteur.

« Les compagnies ont compris qu’on ne pouvait pas continuer dans ce sens-là », signale-t-il avant d’annoncer la série de mesures qui ont été décidées pour limiter la casse.

Voici les principales décisions prises par la profession : 

1- Limiter l’indemnisation rapide : « Les compagnies avaient mis en place des processus pour accélérer l’indemnisation. Or, nous avons de manière involontaire induit des comportements pas très corrects. La rapidité fait que nous ne sommes pas très attentifs sur certaines choses, et on s’est retrouvé à indemniser donc des choses qui ne sont pas dues, ou des choses qui ne vont pas être réparées et qui vont se représenter une deuxième fois comme un nouveau sinistre. Nous avons donc induit et de manière involontaire l’augmentation de la fraude ». 

2- Augmenter les franchises de certaines garanties annexes déficitaires. Zouheir Bensaid donne ici l’exemple de l’assurance tout risque, dont le dispositif actuel sera, semble-t-il, revue par l’ensemble des opérateurs. 

« Il y a quelques années, l’assurance tout risque coûtait les yeux de la tête. De nos jours, elle ne coûte plus rien, et pour certains, elle était même gratuite car il n’y avait pas de franchise. Dans un geste qui paraissait volontariste des compagnies pour équiper leurs assurés, nous nous sommes retrouvés face à une situation où les abus ont tordu la main à ce qui était au départ une bonne volonté », s’alarme Bensaid.

3- Réduire certaines prestations jusque-là gratuites, comme l’assistance. « L’assistance, c’était un luxe il y a quelques années. Nous avons commencé à l’offrir gratuitement. Or, l’assistance, quand il y a sinistre, a un coût. Et si ces coûts ne sont pas couverts en face par des primes calculées, ce sont les compagnies qui les prennent en charge, et cela altère leurs résultats », explique Zouheir Bensaid. 

4- L’abandon du recours forfaitaire pour les dossiers inférieurs à 20 000 dirhams. "Ce recours forfaitaire a été mis en place pour faciliter l’indemnisation des assurés, avec un traitement rapide. Le sinistre pouvait être inférieur à ce seuil, et pourtant on payait directement les 20 000 dirhams. Ce recours a été abondonné pour passer à des indemnités qui correspondent au vrai coût d’indemnisation", annonce le PDG de RMA Assurance. 

5- Renforcement du dispositif anti-fraude. Ici, Zouheir Bensaid annonce un chiffre effrayant : entre 40 et 50% des indemnités automobile payées par les compagnies se rapportent à des cas de fraude.

« Vous pouvez imaginez ce que cela peut avoir comme impact sur les compagnies, mais aussi sur toute la communauté qui utilise les couvertures d’assurance. L’assurance n’est pas de la philanthropie. Les assureurs sont des commerçants. Si on parle de plongeon dans les pertes, on va arriver à un moment où les tarifs vont augmenter ».

En plus de la montée de la sinistralité, le secteur a pâti également du comportement des marchés financiers en 2018 : le Masi a baissé de 8,27% sur l’année, et les rendements des Bons de Trésor sont restés à un niveau historiquement bas. 

Deux éléments donc qui ont lourdement affecté les résultats du secteur. Mais RMA a pu, selon son management, s’en tirer avec un minimum de dégâts.

Voici ses indicateurs d’activité et de rentabilité au titre de l’année 2018 :

-Le chiffre d’affaires a progressé de 5,1% à 6,5 milliards de dirhams. Une croissance tirée aussi bien par la branche vie (+6,6% à 3,3 milliards) que par la branche non vie (+3,6% à 3,2 milliards).

-Hausse de 2,7% de la sinistralité, en raison essentiellement de la sinistralité auto.

-Augmentation de 3 points du ratio combiné qui passe à 99,3% à fin 2018.

-Baisse de 6,4% du résultat net à 753 millions de dirhams.  

Voici la retransmission du live de la conférence des résultats de RMA Assurance :

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