French Tech Visa: la fuite des informaticiens marocains s'aggrave

Depuis le 1er mars, une nouvelle version du visa de travail "French Tech Visa" est proposée à tous les étrangers désirant travailler dans des entreprises françaises considérées comme innovantes. En d’autres termes, ce sont au moins 10.000 startups de l’Hexagone qui pourront recruter au Maroc ou ailleurs. Selon la présidente de l’APEBI, cette mesure va au moins doubler le nombre d’informaticiens marocains qui émigrent en France. Une véritable hémorragie en perspective.

French Tech Visa: la fuite des informaticiens marocains s'aggrave

Le 25 mars 2019 à 16h13

Modifié 11 avril 2021 à 2h41

Depuis le 1er mars, une nouvelle version du visa de travail "French Tech Visa" est proposée à tous les étrangers désirant travailler dans des entreprises françaises considérées comme innovantes. En d’autres termes, ce sont au moins 10.000 startups de l’Hexagone qui pourront recruter au Maroc ou ailleurs. Selon la présidente de l’APEBI, cette mesure va au moins doubler le nombre d’informaticiens marocains qui émigrent en France. Une véritable hémorragie en perspective.

Avec des milliers de médecins et d’ingénieurs qui préfèrent s’expatrier chaque année en France ou ailleurs pour avoir de meilleures conditions de travail, la fuite des cerveaux a toujours été une réalité au Maroc.

Malgré cet exode, le Royaume n’a jamais été en pénurie mais cela risque de changer avec le nouveau dispositif français de recrutement des étrangers qui a réduit les délais d’obtention du titre de séjour.

Nouveautés de la procédure de recrutement des informaticiens

Lancée en 2017 par François Hollande, cette mesure qui vise à faciliter le recrutement de profils étrangers hautement qualifiés par des entreprises technologiques est beaucoup plus attractive depuis le 1er mars 2019.

Concrètement, depuis cette date, le programme "French Tech Visa", a été grandement simplifié pour accélérer (on passe de 6 mois à 15 jours) la durée des formalités administratives d’obtention du permis de séjour pour les travailleurs étrangers recrutés par des entreprises innovantes, ainsi que pour leurs familles.

Mis en place au départ pour un secteur économique restreint, il bénéficie aujourd’hui au moins à 10.000 startups désirant faire appel à des compétences manquantes en France.

Pour y prétendre, l’entreprise désirant embaucher doit au préalable être reconnue comme innovante par le ministère français de l’Economie et des Finances et répondre à au moins un des trois critères suivants :

  • avoir été bénéficiaire au cours des 5 dernières années d’un soutien public à l’innovation,
  • avoir une partie de son capital détenue par une entité ayant pour objet principal le financement ou l’investissement dans des entreprises innovantes,
  • avoir été accompagnée au cours des 5 dernières années par une structure d’accompagnement consacrée aux entreprises innovantes.

Une fois éligibles, les startups font une demande en ligne pour un "French Tech Visa" à condition que le contrat de travail du futur salarié soit en lien avec le projet de recherche et développement de l’entreprise ou avec son développement économique, social, international ou environnemental.

Sachant qu’une fois délivré, le visa est gratuit et valable 4 ans, qu’il permet le regroupement familial et que la rémunération minimale annuelle est de 36.509 euros, les candidats risquent d’être nombreux.

Si ce programme s’adresse à toutes les nationalités maîtrisant les métiers du digital, il est probable que les informaticiens marocains répondront en masse à cet appel d’air du fait de leur francophonie.

Des conséquences désastreuses pour l’écosystème digital marocain

Le renforcement de ce programme d'attraction des compétences technologiques étrangères lancé par la France est en contradiction avec l'attitude des pays européens qui reprochent à leurs partenaires, dont le Maroc, d'accorder des avantages fiscaux pour séduire les investisseurs et leur demandent demandent d'harmoniser leur système fiscal pour une concurrence plus loyale. 

En tous les cas, Saloua Belkeziz Karkri, présidente de l’APEBI (Fédération des technologies de l'information, des télécommunication et de l'offshoring) ne cache pas son inquiétude.

"Nous sommes confrontés à une véritable course contre la montre car cette nouvelle donne va accélérer l’exode de nos informaticiens qui sont déjà une centaine à quitter le Maroc chaque mois.

"Si on ne fait rien, il y aura au moins 200 candidats mensuels, voire beaucoup plus, désireux de rejoindre les startups françaises qui viennent maintenant directement faire leur marché sur place. Soit 2.400 recrutés par an au minimum.

"En effet, de plus en plus d’entreprises du net mais surtout des cabinets de chasseurs de têtes organisent tous les 15 jours des sessions de recrutement dans des grands hôtels du Royaume où ils embauchent en débauchant 40 à 50 informaticiens hautement qualifiés.

"Pour illustrer l’ampleur de l’hémorragie, il convient de citer un récent projet informatique qui nécessitait 8 développeurs et dont 6 ont démissionné à son lancement pour émigrer en France.

"Conséquence de la mondialisation, ce phénomène risque de nous faire rater notre transformation digitale alors que 60% des métiers de l’avenir passent par le secteur numérique.

"Pour s’adapter à cette nouvelle donne, l’Etat et les entreprises privées doivent absolument se remettre en cause et de manière urgente car tous les métiers du digital sont concernés par l’exode : Développeurs web, développeurs Java, Dot net, Chefs de projet, Web masters, Web designers…

Les réponses (largement insuffisantes) du Maroc

"A l’APEBI, nous avons mis en place plusieurs mesures d’urgence permettant de limiter les dégâts :

"D’abord, une formation de 9 mois réservée aux détenteurs d’une licence scientifique (maths, sciences…) qui débouche sur un diplôme intitulé certificat d’aptitude professionnelle en informatique.

"Sachant que nous avons 20% de diplômés en sciences au chômage, il y donc moyen de les recycler et de pallier en partie les nombreux départs des ingénieurs bac plus 5.

"En 2ème lieu, nous avons réussi à convaincre l’ANAPEC de faciliter l’octroi de permis de travail aux 3.000 étudiants subsahariens installés au Maroc.

"En cas d’embauche par une entreprise marocaine, la procédure ne dure plus que 48 heures et les frais de dossier sont passés de 5.000 à 1.500 DH", explique Belkeziz Karkri qui ajoute que l’APEBI a également convaincu l’Office des changes d’accorder des possibilités de paiement en devises pour les entrepreneurs désirant investir dans des matériels informatiques qui n’existent pas au Maroc.

Selon elle, l’Etat devra nécessairement intervenir en multipliant par dix le nombre d’étudiants en cycle supérieur dans les filières informatiques, et en accélérant l’adoption de lois sur le crowd-funding et sur les business-angels permettant de financer des projets de jeunes informaticiens locaux.

Précisons que nos tentatives d’obtenir le nombre de visas tech délivrés par l’ambassade de France en 2018 ou pendant le premier trimestre 2019 à des informaticiens marocains sont restées vaines.

Avec la nouvelle procédure qui élargit le nombre d’entreprises éligibles (+ de 10.000), le nombre de visas délivrés risque d’exploser sachant qu’il n’était que de 150 (toutes nationalités confondues) en 2018.

Une hausse qui contribuera à vider le Maroc de sa matière grise sachant que les nouvelles dispositions d’octroi sont extrêmement souples pour changer d’employeur ou faire venir sa famille.

Si rien n’est fait par les politiques, c’est à une véritable pénurie de profils hautement qualifiés, qui constituent le moteur d’innovation et de créativité crucial pour le développement, à laquelle seront confrontés le secteur privé mais aussi des structures étatiques comme l’Agence de développement du digital.

Dans cette course au progrès, le Maroc risque de rater le virage digital sachant qu’il aura du mal à rivaliser avec la France qui offre à ses jeunes des conditions de travail et d'épanouissement difficilement égalables.

L’ironie du sort veut que ce soit Mounir Mahjoubi, un secrétaire d’Etat au numérique d’origine marocaine qui a présenté au Parlement français les nouveautés du dispositif en octobre dernier.

>>Lire aussi: Emploi: l’Espagne aura besoin de 270.000 migrants par an

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