Mohamed Elmandjra: “Les nouveaux investisseurs dans le réseau ODM apporteront des centaines de millions de dirhams”

Le réseau Oncologie et Diagnostic du Maroc (ODM) accueille un nouvel actionnaire dans son tour de table, Alta Semper, qui a acquis les parts de Abraaj. Retour sur cette opération stratégique avec le fondateur et président directeur général du réseau, Mohamed Elmandjra.

Mohamed Elmandjra: “Les nouveaux investisseurs dans le réseau ODM apporteront des centaines de millions de dirhams”

Le 25 juin 2018 à 18h49

Modifié 25 juin 2018 à 18h49

Le réseau Oncologie et Diagnostic du Maroc (ODM) accueille un nouvel actionnaire dans son tour de table, Alta Semper, qui a acquis les parts de Abraaj. Retour sur cette opération stratégique avec le fondateur et président directeur général du réseau, Mohamed Elmandjra.

Mohamed Elmandjra. C’est un peu des deux. ODM était devenu le principal actif d'Abraaj au Maroc. Cela ne justifiait plus d’avoir toute une équipe sur place. Le fonds a fermé son bureau local, mais sans se désengager du Maroc. Les activités dans le pays sont gérées à partir de Dubaï. En ayant moins de personnes sur place, Abraaj est fatalement moins impliqué dans le marché.

D’un autre côté, ODM a besoin de partenaires financiers engagés pour entamer la phase suivante de son développement. L'idée de départ était d’ouvrir le capital à d’autres investisseurs aux côtés d’Abraaj. Il y a eu plusieurs partenaires intéressés par ODM et le Maroc, il y a eu ensuite une sélection et petit à petit les choses ont évolué et Alta Semper a été retenu. C’est là que la discussion entre ce dernier et Abraaj a démarré de façon directe, car moi, je reste dans le capital. Au final, Alta Semper a décidé de rentrer, avec des partenaires, à travers une reprise des parts de Abraaj.

ODM n’est pas une structure qui a besoin de centaines de millions de dollars, cela aurait fait beaucoup d'actionnaires pour une structure de la taille de la nôtre. Je privilégie la consolidation des partenaires.

A côté de cela, il est vrai que Abraaj passe par une période de turbulence depuis quelques temps, mais cela n’a eu aucune influence sur cette opération car le processus de reconfiguration a commencé il y a plus de 15 mois.

Quelle est la structure du capital après cette opération ?

C’est la reprise des parts telles qu’elles étaient. Nous sommes restés au même rapport. Les partenaires sont très largement majoritaires et nous gardons la gestion.

Peut-on connaître le montant de la transaction ?

(…Rires) C’est confidentiel.

Vous pouvez au moins nous dire s’il y a eu plus-value pour Abraaj ou pas ?

Cette transaction s’est déroulée entre deux fonds. Je n’ai pas les détails des détails, mais je peux vous dire qu’il y a eu une plus-value intéressante pour Abraaj, car il n’était pas du tout acculé à sortir. Le fonds a fait une belle opération, il a pris un risque sur le Maroc, le secteur et sur moi. Ce risque a été récompensé.

Pourquoi avez-vous opté pour un fonds d’investissement et pas un partenaire métier comme un grand groupe européen ou américain opérant dans le secteur de la santé ?

On a vu de grands groupes, mais ils ne comprennent pas toujours les particularités du secteur de la santé au Maroc, à ce stade des choses. La médecine au Maroc reste une médecine de proximité et de personnes. Un patient va chez le médecin X ou Y. Les patients sont prêts à suivre leur médecin dans n’importe quel établissement. Ce qui n’est pas le cas à l’étranger où le patient opte pour un établissement presque indépendamment de la personne du médecin.

Ces groupes ne comprennent pas l’importance du médecin au Maroc et ont généralement des processus dans lesquels le médecin est un élément parmi d’autres pour ne pas dire un salarié parmi d’autres. Ces modèles ne vont pas fonctionner au Maroc pour notre spécialité. Dans notre approche le médecin reste au cœur de l’activité et nous sommes là principalement pour l’accompagner dans son service auprès du patient.

Par ailleurs, l’argent des partenaires métier est inflexible et pas assez sensible à la notion d’opportunité. Ils ne sont pas aussi réactifs que les fonds d’investissement. Pour la phase actuelle de notre développement, il est plus approprié d’avoir un partenaire financier tout en ayant des gens du métier de la santé qui ont l’expertise nécessaire. Il faut juste leur offrir les bons outils pour qu’ils fassent bien leur travail.

Avant de parler des projets futurs, quel bilan faites-vous de l’activité du réseau ODM depuis sa création à aujourd’hui ?

Nous entamons une phase de développement et d’investissement encore plus importants d'où le fait d’avoir un tour de table plus institutionnalisé et solide qui renforce ce que l’on veut atteindre comme objectif. Nous voulons être une entreprise aux standards internationaux non seulement par la qualité du service offert aux patients, mais aussi au niveau de la gouvernance.

Pour le bilan, nous sommes passés d’un ensemble de cliniques que nous avons aidés à gérer, à une entreprise qui gère un réseau d’établissements de santé. Qui dit une entreprise, dit une marque qui se développe. La notion de marque est pour nous importante pour que les gens puissent avoir une indication de confiance et de cohérence et d’assurance d’une certaine qualité. Quand on voit le logo de ODM, les gens font référence à certains standards communs à tous nos établissements.

Deuxième point, grâce à la taille de ce réseau il y a des partenariats internationaux qui ont été tissés qu’une clinique individuelle aurait eu du mal à établir. Nos nouveaux partenaires financiers sont bien introduits au niveau des institutions de santé anglaises et américaines, nous pourrons en profiter pour établir de nouveaux partenariats avec des établissements de renom dans ces régions.

Par ailleurs, dans chacune des structures que l’on a acquises, il y a eu une amélioration significative des conditions pour les patients et pour les employés. Beaucoup d’avantages sociaux qui n’existaient pas avant ont été mis en place pour les employés (assurances, retraite…). Il y a eu une nouvelle organisation de l’environnement pour les médecins non seulement au niveau des équipements, mais aussi des procédures, de l’assurance qualité qui n’existait pas de façon formelle et un renforcement important de la relation avec les différents fournisseurs. Nous avons institutionnalisé tout cela.

Qu’en est-il du développement de votre réseau et de vos services ?

Nous avons travaillé, en effet, sur l’extension de nos services. Nous avons fait, par exemple, l’acquisition d’un laboratoire d’Anatomo-pathologie. Ce n’est pas pour le laboratoire en soi, mais pour pouvoir offrir un service complet aux patients. Aujourd’hui au Maroc, le patient prend ses blocs d’Anapath et part chez le laboratoire et cherche ses résultats lui-même avant de les remettre au médecin traitant.

Entre temps, le patient a entre les mains un résultat qu’il ne peut pas vraiment interpréter. Ce qui joue sur sa psychologie. Et on sait bien que c’est un facteur important dans des maladies comme le cancer. À travers cette extension de service, nous voulons rendre le processus fluide et éviter aux patients cette tâche qui sera intégrée dans une coordination entre médecins. Ce sont des changements dans les circuits patients qui sont considérables.

Sur le réseau, nous sommes à sept établissements. Sur Casablanca, nous avons le Centre de traitement Al Kindy, la Radiologie Anoual, le Centre d’anatomo-pathologie Moulay Driss 1er (récemment acquis). Et deux centres de radiologie en discussion. À Marrakech, nous avons la clinique spécialisée Menara. Nous finalisons un nouveau centre à Oujda, le Centre oriental Al Kindy qui devrait ouvrir ses portes d’ici la fin de l’été. C’est un centre que nous avons créé de zéro sur 3.000 m2. Nous avons lancé le même projet à Fès, qui verra le jour d’ici un an.

Le groupe Saham se désengage du secteur de la santé. Son réseau d’établissements n’intéresse pas ODM ?

Bien sûr. Saham a un centre d’oncologie et des centres de radiologie donc naturellement ça nous intéresse. 

Votre groupe est-il rentable aujourd’hui ?

Tout cela a été fait de sorte que nos centres ne perdent pas d’argent. Nous ne gagnons pas non plus beaucoup d’argent, car notre business plan est construit sur le long terme. Quand on met 50 millions de dirhams dans une machine, ce n’est pas au bout de deux ans qu’on va l’amortir. Cela dit, nos centres sont en bonne santé financière. C’est sur le long terme, 10 ans, et en continuant à améliorer nos services que l’on va réellement commencer à gagner de l’argent.

Il est important de noter que nous avons réussi à faire tout cela sans toucher les prix des prestations, mieux encore, dans plusieurs cas on les a même baissé pour les aligner avec la tarification nationale de référence. Pour résumer, le patient ne paiera pas plus pour se soigner dans nos centres.

Actuellement, nous sommes totalement alignés sur les tarifs fixés par l’ANAM. Par ailleurs, nous avons l’un des rares centres privés qui prend en charge des RAMED’istes avec des conditions particulières.

Comment avez-vous réussi à maintenir un bon niveau de rentabilité alors que vous êtes encore en phase d’investissement ? Vous avez amélioré les conditions de travail ce qui se traduit par des charges en plus sans augmenter les tarifs...

Nous n’avons rien inventé. Cela se résume en deux idées de base: la gestion et le pouvoir de négociation. Les cliniques ne sont pas là à gérer chaque dirham. Exemple basique : le crédit bancaire.

Quand c’est un individu ou une petite clinique, il remercie la banque de lui donner ce crédit sans regarder les conditions. Nous avons remis à plat toutes les lignes de financement avec tous nos partenaires financiers.

On a tout renégocié à la lumière de la nouvelle configuration. Nous avons optimisé les coûts financiers qui représentaient des pertes inutiles pour les établissements. Parfois, c’est de l’ingénierie financière.

Intelligemment, on transforme une ancienne ligne de découvert en CMT et on gagne quelques points de pourcentage… Il y a beaucoup de travail qui a été fait sur l’optimisation financière.

Le deuxième volet concerne la négociation avec les fournisseurs. Quand vous dites à un équipementier que vous comptez acheter 10 machines sur dix ans, ce n'est pas comme acheter une seule. Nous cherchons aussi à nouer des partenariats directs avec les maisons mères des grands fournisseurs d’équipements médicaux, ce qui nous permet d’être beaucoup plus efficace.

Sans oublier la gestion quotidienne comme regarder les notes de téléphone qui ne sont jamais révisées… C’est cela notre formule qui n’est pas révolutionnaire. Nous faisons des choses pas très glamour, mais qui dégagent de la valeur.

L’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord sont-ils des marchés qui vous intéressent ?

Sur les 18 mois qui arrivent, le focus restera certainement le Maroc. On doit asseoir notre réseau au Maroc avant d’aller voir au-delà des frontières. Nous comptons nous développer d’abord à travers des partenariats avant d’envisager une installation dans un autre pays. Cela ne pourra intervenir qu’à partir de 2020.

Combien avez-vous investi au total ?

Dans le développement, on a investi un peu plus de 100 millions de dirhams. Si l’on inclut les acquisitions, nous sommes sur une enveloppe de plusieurs centaines de millions de dirhams. L’engagement des nouveaux investisseurs se traduira par une entrée au Maroc de plusieurs centaines de millions de dirhams.

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