Jérada: un cahier revendicatif et une situation sociale très complexes

A la veille de l’arrivée à Jérada de Aziz Rebbah, le ministre de l’Energie, des Mines et du Développement durable, pour écouter les forces vives et représentants de la population locale, les manifestants ne décoléraient toujours pas, depuis le drame du 22 décembre dernier qui a causé la mort de deux jeunes mineurs dans un puits clandestin.

Jérada: un cahier revendicatif et une situation sociale très complexes

Le 2 janvier 2018 à 19h35

Modifié 2 janvier 2018 à 19h35

A la veille de l’arrivée à Jérada de Aziz Rebbah, le ministre de l’Energie, des Mines et du Développement durable, pour écouter les forces vives et représentants de la population locale, les manifestants ne décoléraient toujours pas, depuis le drame du 22 décembre dernier qui a causé la mort de deux jeunes mineurs dans un puits clandestin.

Après la réunion présidée samedi dernier par Mouad Jamai, le wali de l’Oriental, avec un panel d’élus, de syndicalistes et de  représentants de la société civile locale et qui avait un caractère territorial, les débats se situent désormais au niveau de la gouvernance nationale, comme souhaité par les manifestants.

Le gouvernement fait preuve de bonnes dispositions à l'égard des doléances de la population, en envoyant sur place une mission ministérielle qui explicitera les mesures que l’exécutif compte prendre pour traiter de la multitude de problèmes qui se posent à l’agglomération de Jérada.

La région est en situation de détresse, notamment depuis la fermeture de la mine de charbon et le renvoi de quelque 5.000 anciens mineurs qui faisaient vivre près de 70.000 habitants, jadis. La ville compte aujourd'hui plus de 45.000 âmes.

Mais, quitte à refroidir l'ardeur des manifestants, ce genre de discussions, quel que soit le niveau des responsables dépêchés sur place, risque de laisser nombre de protestataires sur leur faim tellement le dossier de Jérada est complexe et pluriel, et la marge de manœuvre du gouvernement très étroite.

La situation est d’autant plus incertaine que l’équipe d’El otmani fait figure de l’un des gouvernements les plus faibles que le Maroc ait connu depuis des décennies.

Le premier défi est certainement une question de formulation même des revendications de la population. Le slogan le plus récurrent parmi les manifestants est celui qui réclame un «Plan de reconversion» ou un «Plan alternatif». Cela sonne tout à fait bien, mais derrière ces mots, chacun mettra à loisir un contenu qui répond à sa situation propre ou à la catégorie sociale à laquelle il appartient.

Pour décomposer les éléments du «Dossier Jérada», on peut déjà mettre en tête le passif de la fermeture de la mine à la fin des années 90 du siècle dernier. 

La fermeture s’est faite dans une certaine précipitation, inhérente d’abord et en premier lieu à l’état de déliquescence de la gouvernance des Charbonnages du Maroc, payant le prix des années de gabegie, de clientélisme et corruption de tous genres.

Cette précipitation s’explique également par le caractère même, le profil du maître d’œuvre de cette fermeture qu’est Driss Benhima, un vrai bulldozer qui a mené l’affaire, tambour battant, convaincu de la justesse de son analyse sans états d’âme qui a défendu d’abord les intérêts de l’ONE, client quasi-unique des Charbonnages, lesquels devinrent pour l’Office un lourd fardeau. Attitude tout à fait cohérente, voire «courageuse» et «audacieuse» au regard des seuls critères d’un management technocratique qui ne s’encombre pas de considérations sociales ou humanistes.

Les cinq mille mineurs de l’époque congédiés ont reçu un pécule de départ, 260.000 DH en moyenne, selon Driss Benhima. C’est à la fois beaucoup d’argent en chiffres absolus, mais rapportés au nombre des membres des familles dépendant de chaque ouvrier et à la «mentalité du salarié» habitué à recevoir sa paie chaque quinzaine, ce pécule a rapidement fondu pour la plupart des «bénéficiaires».

Beaucoup d'entre eux se sont retrouvés comme des émigrés travaillant sous les serres infernales du sud de l’Espagne, jusqu’à ce que la crise ibérique les ait renvoyés au bled. D'autres ont pris le chemin des «sandrias» (descenderies), autre nom générique des fosses creusées tout autour de la ville par ces pauvres hères qui n’avaient plus que leur force chétive à monnayer contre une subsistance minime.

Depuis vingt ans, on a tellement parlé de ces plans de reconversion, et de ces activités économiques alternatives qu’on ne sait plus à quoi ils renvoient concrètement.

Au titre des problèmes sociaux hérités de la défunte mine, citons le drame de la silicose, maladie mortelle et incurable qui affecte la majorité des anciens mineurs qui agonisent souvent sans assistance médicale digne de ce nom. Sans parler des veuves et des familles des anciens mineurs obligés de vivre avec des «pensions» insignifiantes.

Notons également un autre problème de taille, celui de l’exploitation informelle du charbon par quelque 2.500 jeunes, selon les estimations les plus crédibles.

Au départ, ce fut une simple activité alimentaire de ces jeunes, beaucoup moins nombreux au départ qui vendaient à quelques dizaines de dirhams le quintal de charbon aux ménages locaux pour leur usage domestique.

Très vite, des intermédiaires autrement mieux organisés et à l’assise financière de plus en plus confortable se sont emparés de ce fromage, avec la complaisance des autorités locales et de la tutelle des mines qui a délivré des autorisations d’exploitation en dehors de toute garantie en matière de sécurité, de protection sanitaire ou de simple respect d’un minimum des règles du droit du travail. Un business gris qui a fait quelques unes des plus grosses fortunes de la région et qui, chemin faisant, en sont devenues les édiles et les notabilités plus ou moins arrogantes et insatiables.

Ce volet du dossier est d’autant plus épineux qu’il concerne des jeunes analphabètes pour la plupart ou de courte scolarité et qui, dans une perspective de reconversion, nécessitent un gros effort d’encadrement et de motivation pour se former et se préparer à d’éventuelles activités économiques alternatives.

Mais, dans l’immédiat, tant les officiels que la population concernée vont se retrouver devant le problème très épineux du mode de représentation de la population.

Dans un univers où le syndicalisme – pourtant historique – et l’action partisane ont déçu en générant toute une catégorie d’élus fortement liés aux intérêts de l’économie grise, voire mafieuse, les manifestants s’essaient à trouver d’autres modalités de représentativité des différentes catégories sociales et des quartiers de l’agglomération.

Entre une action civile sympathique et entraînante et l’utopie d’une expression démocratique directe, les revendications légitimes et justes seront certainement soumises à rude épreuve avant de pouvoir donner des résultats probants et concrets. 

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