Plésiosaure. Maître Giquello: “Si j’avais su, nous n’aurions pas accepté la vente du plésiosaure”

Après la révélation de l’affaire du squelette du plésiosaure exporté illégalement qui sera vendu le 7 mars à Paris, Alexandre Giquello a contacté Médias24 pour livrer sa version des faits. Tout en assurant que le spécimen dispose de documents douaniers prouvant la légalité de sa sortie du Maroc, le commissaire-priseur affirme que s’il avait eu vent de la loi marocaine, il aurait refusé de représenter le vendeur.

Plésiosaure. Maître Giquello: “Si j’avais su, nous n’aurions pas accepté la vente du plésiosaure”

Le 28 février 2017 à 18h06

Modifié 28 février 2017 à 18h06

Après la révélation de l’affaire du squelette du plésiosaure exporté illégalement qui sera vendu le 7 mars à Paris, Alexandre Giquello a contacté Médias24 pour livrer sa version des faits. Tout en assurant que le spécimen dispose de documents douaniers prouvant la légalité de sa sortie du Maroc, le commissaire-priseur affirme que s’il avait eu vent de la loi marocaine, il aurait refusé de représenter le vendeur.

Si du côté des autorités marocaines, rien ne filtre sur les suites qu’elles comptent donner pour rapatrier le trésor national mis en vente à l’hôtel Drouot, l’étude "Binoche et Giquello" a par la voix d’un de ses fondateurs pris la peine de joindre longuement notre rédaction. EXPLICATIONS ET REVELATIONS.

Médias24: Votre future vente a créé une grosse polémique au Maroc, car tout le monde se pose la question de savoir comment a pu sortir cet énorme squelette considéré comme un trésor national.

Alexandre Giquello: Je peux comprendre la polémique mais il faut préciser que le spécimen mis en vente ne résulte pas des restes d’un seul plésiosaure. C’est un dinosaure de type didactique, c'est-à-dire recomposé à partir de plusieurs fossiles. Quatre spécimens différents ont été nécessaires pour reconstituer l’exemplaire avec le crâne d’un plésiosaure, les dents d’un autre, la nageoire d’un troisième, etc.

Les quatre plaques comprenant les restes des 4 plésiosaures qui ont permis d’en reconstituer un seul, ont été achetées à la foire de Munich connue mondialement par les connaisseurs.

Ce sont donc des plaques marocaines dont on a sorti une par une les pièces du puzzle et pas un fossile complet ou des ossements prêts à assembler. Au niveau de notre législation, cela fait une nuance.

-Ignoriez-vous qu’il y avait une loi au Maroc interdisant l’exportation des fossiles?

-Complètement mais en même temps, le commissaire-priseur est censé d’abord connaître la loi française d’autant plus que le squelette mis en vente a connu au moins deux propriétaires.

Le vendeur actuel qui est une société italienne d’antiquaires a acheté les quatre gangues à Munich pour reconstituer un spécimen complet à 75%, puis pour le mettre en vente aux enchères.

-Il n’en demeure pas moins que l’exportation de restes ou d’ossements est illégale au Maroc. Avez-vous été avisé par les autorités marocaines pour arrêter cette vente?

-Nous n’avons reçu aucune notification mais je pense qu’il faut relativiser car c’est l’exploitation de quatre plaques de fossiles qui a donné ce grand squelette. Ce n’est pas la même chose que si l’on avait mis en vente un dinosaure classé trésor national dérobé au Maroc.

Une vente publique a un caractère d’exposition très fort donc nous avons pris soin de mettre la provenance de ce spécimen dans la notice du catalogue de vente car nous n’avons rien à cacher. Nous sommes censés rameuter le plus grand nombre d’acheteurs potentiels et s’il y a une polémique, c’est très mauvais pour le succès de la vente parce que les acheteurs veulent être rassurés sur l’origine du bien acquis.

-Au Maroc, tout le monde crie au pillage du patrimoine national?

-Je peux me tromper mais au-delà du pillage, c’était plutôt une œuvre de conservation de ce patrimoine marocain car les plaques ayant servi à reconstituer ce spécimen ont été extraites d’une mine qui a vocation à transformer cette roche en phosphates.

Ce que je veux dire, c’est que 98% des restes des dinosaures présents dans cette mine sont réduits en poudre. D’après ce que l’on m’a raconté, c’est entre le changement de deux équipes que les géologues italiens ont retrouvé les plaques fossilisées, c’est donc plus une préservation d’un patrimoine amené à être détruit qu’un pillage.

-Les autorités marocaines préféreraient le préserver sur place et faire annuler votre vente.

-La vente publique est réglementée par une loi donc si demain notre autorité de tutelle qui est le conseil des ventes nous somme d’annuler la vente, nous nous plierons à sa décision. Les commissaires-priseurs ne sont pas des commerçants mais des officiers ministériels qui sont tenus d’appliquer la loi.

Pour l’instant, il n’y a pas de précédent en la matière d’autant plus qu’hormis Sotheby’s ou Christies, c’est la première fois que l’hôtel Drouot met en vente un spécimen de ce genre. Nous ne cherchons pas la polémique et tenons à ce que nos clients soient sereins quand ils achètent un bien chez nous.

-Quel type d’acquéreur s’intéresse à ce type de squelette marin?

-Nous avons eu des contacts avec des musées qui l’ont trouvé fabuleux, mais qui n’ont pas les moyens de l’acheter. Ce seront plutôt des collectionneurs privés, même si nous n’avons pas encore reçu d’offre.

-Vous attendez de voir venir pour éventuellement annuler la vente?

-Notre étude respecte scrupuleusement la loi, si le conseil des ventes nous appelle pour bloquer ou ajourner la vente aux enchères, on le fera mais d’ici là, elle est maintenue dans notre agenda.

-Possédez-vous des documents légaux pour prouver votre bonne foi?

-Notre législation déjà très ferme en matière d’archéologie est en cours de durcissement à cause de l’accroissement sur le marché international des antiquités du sang, c'est-à-dire les pièces orientales mises en vente dans le cadre de pillages menés par Da’ech en Irak, Syrie et Libye.

Je fais très attention car hormis ma fonction de commissaire-priseur, je suis le président de l'hôtel Drouot.

D’autre part, le vendeur qui est italien sait que la législation de son pays est très rigoureuse sur l’exportation des objets d’art car l'Italie a connu dans le passé un pillage en règle de pièces uniques.

Il est évident que nous avons tous les documents prouvant que le plésiosaure a été importé légalement car nous ne pouvons pas prendre le moindre risque sans quoi les conséquences seraient désastreuses pour notre image commerciale.

C'est l’expert et le vendeur qui m’avaient affirmé qu’il n’y avait pas d’interdiction de l’exportation des fossiles au Maroc.

-Ont-ils menti par méconnaissance ou délibérément?

-Je pense simplement qu’ils ne connaissent pas parfaitement la loi marocaine mais eux s’estiment dans la légalité car ils ont acheté les plaques en Allemagne qu’ils ont transportées en Italie puis en France. Tout cela avec des documents dûment tamponnés par les douanes de chacun de ces pays.

De plus, la vente des gangues qu’ils ont achetées à Munich ne s’est pas faite sous le manteau car encore une fois c’est une foire mondialement connue qui ne fait pas dans le recel d’objets volés.

Quand vous êtes dans une opération discrète voire opaque, vous n’avez pas les mêmes obligations de transparence que pour une vente publique. Si demain, on veut vendre la Joconde, il vaut mieux éviter de le faire dans une vente aux enchères comme l’hôtel Drouot. .

Si j’avais eu vent de la polémique qui suivrait avant d’organiser cette vente, nous ne serions pas engagés même en sachant que nous sommes couverts par rapport à la loi française.

Notre but n’est certainement pas d’écorner notre image avec une médiatisation négative qui met en difficulté notre avenir. 

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