A peine inscrit au patrimoine, le Cinéma Lux en cours de démolition illégale

A peine inscrit au patrimoine national, le cinéma Lux, l'un des vieux et beaux cinémas de Casablanca, commence déjà à être démoli. A-t-il été vendu ? Va-t-être transformé ou détruit ? Les autorités gardent le silence.

A peine inscrit au patrimoine, le Cinéma Lux en cours de démolition illégale

Le 6 juin 2014 à 18h28

Modifié 27 avril 2021 à 22h28

A peine inscrit au patrimoine national, le cinéma Lux, l'un des vieux et beaux cinémas de Casablanca, commence déjà à être démoli. A-t-il été vendu ? Va-t-être transformé ou détruit ? Les autorités gardent le silence.

Dans le Bulletin Officiel du 1er mai, le ministère de la Culture annonçait l’inscription au patrimoine historique d’une dizaine de vieux cinémas de la ville blanche. Cette décision du ministère de la culture, qui permet à ces lieux culturels de bénéficier de subventions de l’Etat, n’a pas manqué de faire rêver les défenseurs du patrimoine historique de la ville.

D’autres, connaissant le laxisme des autorités, sont restés sceptiques. «Encore faut-il que la loi soit appliquée», disaient-ils. Ceux-ci n’ont pas été démentis! A peine son inscription au patrimoine historique annoncée, le cinéma Lux, situé au boulevard Lalla Yacout, commence déjà à être dénaturé: enseignes extérieures et éléments descriptifs retirés, plafond et murs en partie détruits (voir photo)…

 

 

Le bâtiment sera-t-il transformé ou démoli? Du côté des autorités, c’est motus et bouche cousue. «Nous avons adressé un courrier aux autorités auquel n’avons encore eu aucune réponse», nous répond Rachid Andaloussi, président de Casamémoire. Pourtant la loi 22-80 est claire: «L'immeuble ou le meuble inscrit ne peut être dénaturé ou détruit, restauré ou modifié sans qu'avis n'en ait été donné à l'administration par le ou les propriétaires, six mois au moins avant la date prévue pour le commencement des travaux».

Sur Facebook, les spéculations vont bon train. Certains évoquent une transformation en supermarché pendant que d’autres espèrent sa rénovation. Le président de Casamémoire refuse, pour l’heure, de se prononcer sur le destin du cinéma, tout en mettant en garde contre «toute transformation de la vocation du lieu». «Ce serait une entorse grave à la loi, poursuit-il. Le lieu doit garder sa vocation culturelle, quitte à le transformer en bibliothèque ou en multiplexe.»

Un scénario loin d’être crédible, mais quand bien même il le serait, pourquoi instaure-t-on des lois si l’on n’est pas capable de les appliquer?


 

La lettre du président de l'Association Save Cinemas in Morocco

 

En copie :
Monsieur Sbihi, Ministre de la Culture du Royaume du Maroc
Monsieur Khalfi, Ministre de la Communication
Monsieur Mrini, Secrétaire Général du Ministère de la Culture
Madame Khouyi, directrice régionale de la culture du Grand Casablanca
Monsieur Sajid, Maire de la Ville de Casablanca
Monsieur Lahlou, Gouverneur de la Préfecture d’Anfa
Direction du Centre Cinématographique Marocain
Monsieur Andaloussi Président de l’association Casamémoire,

Objet : Arrêté de chantier de démolition du Cinéma Lux, boulevard Lalla Yacout,Casablanca

Dans le cadre de sa mission de préservation et de sauvegarde du patrimoine culturel cinématographique marocain L’association Save Cinemas In Marocco vous informe d’une action de démolition du cinéma « Lux » situé sur le Boulevard Lalla Yacout, inscrite selon la loi 22-80 sur la liste nationale des monuments historiques sous l’arrêté numéro 740.14 du 12 mars 2014 (bulletin officiel numéro 6252).

Nous avons informé la Direction régionale de la Culture du Grand Casablanca et nous avons fait suite par une visite d’urgence sur le site en présence de la directrice de la direction régionale du ministère de la culture, Monsieur Walid ISMAIL SAAD de l’inspection des monuments historiques et moi-même.

Nous avons pu constater les faits suivants:

- Les enseignes extérieures du Cinéma Lux en Français a été retirée
- Les éléments descriptifs de la salle de cinéma ont été retirés.
- Les fauteuils de la salle de cinéma ont été enlevés
- Une partie des plafonds d’origine ont été arrachés
- Des murs du Hall du Cinéma sont en parties détruites.

En conclusion, une opération de défiguration du monument historique est en cours de réalisation à l’encontre de l’arrêté de l’inscription à la liste des monuments historiques de la loi 22-80.

Nous vous alertons donc de cette situation menaçante pour ce patrimoine culturel historique, véritable monument constitutif de la mémoire collective Casablancaise!

Nous sollicitons expressément une intervention de tous les services concernés dans les plus brefs délais pour la sauvegarde de ce monument.

Veuillez agréer, monsieur,l’expression de notre plus haute considération.

Tarik Mounim
Président Fondateur de l’Association Save Cinemas In Marocco
(Sauvegarde du Patrimoine Culturel Cinématographique au Maroc )

 

 

Le point de vue des propriétaires

M. K. C., représentant des propriétaires, a réagi aux informations et à la campagne de Casamémoire et de Save Casablanca, en apportant les précisions ci-dessous :

Le local dont on parle n'est pas une propriété de la société Lux SA, mais plutot de la "SCI Dounia", qui louait le local à Lux pendant toutes ces années.

Ceci n'est pas l'immeuble "Lux" mais c’est l'immeuble "Dounia". La "SCI Dounia" n'a pas racheté le fond de commerce à "Lux SA", parce que de toutes les manières " Lux SA " veut garder son nom commercial pour en faire ce qu'elle en voudra.

Demander à ce qu'une société garde son enseigne, malgré qu'elle ait quitté les lieux, sur le haut d'un immeuble qui ne lui appartient pas est totalement dingue.

Il faut faire la différence entre l'immeuble et la fonction commerciale qui se trouvait à son rez-de-chaussée. Ensuite, la société Lux SA est la seule responsable de son nom commercial Lux et non pas les propriétaires des murs, et c'est notre local commercial et nous avons droit d'en faire ce qu'on veut, et ce n'est point la propriété de tous les Casablancais.

Nous n'avons en aucun cas touché la façade, et si les enseignes ont été enlevées, c’est pour la simple raison que la société Lux Sa s'est retirée du local en février 2013 plus exactement, et personne n'a le droit, et ni aucune loi n'existe de par le monde d'utiliser le nom commercial d'une entreprise dans un autre endroit à son insu.

Cette entreprise a récupéré son matériel (incluant sièges, et matériel de projection, etc). Et puis nous en tant que propriétaires des lieux et non pas en tant qu'exploitants avons tous les droits de "nettoyage" des lieux, nous avons tous les droits d'enlever les débris des anciens locataires du local. Et ceux qui parlent de destruction des faux plafonds, doivent savoir que le local est resté pendant 9 à 10 ans fermé jusqu'à aujourd'hui, et a été vandalisé tout ça pour du câblage, d'où la grande détérioration de quelques parties du plafond, et là on parle de 3% max du plafond !.

Et j'ajouterais que si le plafond avait été détruit par nous même, il n'y aurait plus aucun faux-plafond aujourd’hui, mais nous ne sommes pas des hors a loi, et on aurait au minimum demandé une autorisation non pas spéciale, mais comme tout citoyen voulant remettre à neuf son local. Aujourd'hui, l'activité de ce local ne dépend ni de vous ni de nous, elle dépend de son ancien locataire qui ne peut plus suivre les nouvelles technologies ou autre.

Et nous en tant que propriétaires dans l'histoire avons vu notre immeuble se dévaloriser totalement et se dégrader à cause de ce "Patrimoine Culturel" qui vous tient tellement à cœur.

Et J'ajouterais que si vous avez encore cette flamme cinéphile et que vous avez une envie énorme de revoir les cinémas reprendre vie, c’est au ministère de la culture à qui il faut s'adresser et au CCM et non pas à des propriétaires de biens qui n'ont rien à voir avec tout ca, ce sont eux votre cible et non pas de simples citoyens comme tout le monde. De là à vouloir obliger le propriétaire à le garder dans l'état un local avec ses débris de partout, ses rats et autres espèces et les voyous sentant l’alcool et SDF qui dorment aussi bien à l'intérieur, que sous le porche, est une honte!

Si vous avez une âme citoyenne comme vous dites, pensez à tout les habitants aussi bien de l'immeuble que de tous les immeubles avoisinant le local, secundo pensez à tous les passants qui évitent de passer à côté du local au risque de se faire agresser ou insulter par SDF !

Et pensez aussi à ce que ce local grand de 1.000m² et haut de 15m, peut apporter à la région, à la fois économique (parce qu'il faut savoir qu'un local fermé, ne rapporte rien ! ni taxe ni rien d'autre) et sociale (du job ! et une sécurité pour les citoyens vivant à proximité).“

 

Notre commentaire:

Le représentant des propriétaires pose de bonnes questions et argumente d'une manière intéressante sa position.

Il pose en effet le problème des conséquences économiques d'une inscription au patrimoine, voire d'un classement (on se rappelle des excès de l'affaire Lincoln qui a fait hériter le Bd Mohammed V d'un tas de gravats pendant de nombreuses années). Et également des droits en matière de propriété privée.

Il ne répond pas à une seule question: y a-t-il oui ou non eu des travaux après l'inscription ua patrimoine? si oui, y a-t-il eu autorisation préalable?

En d'autres termes, il fait un long plaidoyer en faveur de la légitimité de la démarche des propriétaires. Mais Médias 24 et Save Casablanca ont posé une question différente: leur démarche est certes légitime, mais est elle légale? Légitimité et légalité sont deux choses différentes.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Aluminium du Maroc: COMPTES SOCIAUX au 31 Décembre 2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.

Conférence de presse de la coordination syndicale du secteur de la santé