Imider. Trois ans plus tard... rien n'a changé

REPORTAGE. A contempler la misère et la vulnérabilité de la population d’Imider, on ne croirait jamais que ces 8.000 habitants vivent au dessus de l’une des plus importantes réserves africaines d’argent.

Imider. Trois ans plus tard... rien n'a changé

Le 28 mai 2014 à 19h30

Modifié 27 avril 2021 à 22h28

REPORTAGE. A contempler la misère et la vulnérabilité de la population d’Imider, on ne croirait jamais que ces 8.000 habitants vivent au dessus de l’une des plus importantes réserves africaines d’argent.

En passant par Imider, sur la route nationale reliant Ouarzazate à Tinghir, voituriers, camionneurs et chauffeurs de bus ralentissent, klaxonnent, et lèvent trois doigts au ciel, en signe de solidarité amazighe.

Quelque 270 personnes rassemblées sur une surface au bord de cette route, leur rendent le salut. Sur cette place rocheuse et austère, sous un soleil de plomb, ils sont en train de tenir leur réunion hebdomadaire, pour discuter de la situation du conflit les opposant à la toute puissante Société métallurgique d’Imiter (SMI), filiale de Managem, la holding minière de la Société nationale d’investissement (SNI).  

 

 

Cette scène, cela fait presque trois ans qu’elle se répète de la même manière. Elle indique toute la solidarité qu’expriment les gens de la région envers ses habitants en lutte. Une lutte qui a démarré l’été 2011 avec des revendications d’une meilleure gestion des ressources hydrauliques du bourg, mais également celles liées à l’emploi des jeunes, et l’accès aux services publics, quasi absent.

A observer la qualité de vie des gens d’Imider, austère et rudimentaire, le visiteur du bourg ne croira jamais que ces habitants vivent au dessus de l’une des plus importantes réserves d’argent d’Afrique.

Chômage et précarité, dispensaire fermé la plupart du temps et dépourvu des équipements les plus basiques, une cabane estampillée INDH pour le soutien d’activités de femmes qui n’a jamais pu bien tourner, 2 villages non reliés au réseau électrique et d’eau potable, une piste pour seul lien avec le monde extérieur, un château d’eau bien en place, mais vide d’eau…

Bref, le même paysage qu’on retrouve dans n’importe quel autre village perché du Moyen-Atlas sans la moindre ressource.

Et pourtant, les zones minières ont pendant longtemps eu une vie d’Etat-providence, même au Maroc, à en croire ce qui reste visible des équipements culturels et sociaux de villes comme Khouribga.

 

 

Comparé aux ressources dont dispose la SMI, le besoin d’un développement durable et de la paix sociale dans la région d’Imider ne serait pas impossible à satisfaire. A fin 2013, l’argent extrait de la mine d’Imider a pu rapporter 1,123 milliards de DH de chiffre d’affaires. Pour la SMI, l’affaire marche tellement bien d’ailleurs, que le management a décidé le doublement des capacités de production, et quelque 118 millions de DH ont été investis dans l’exploration de nouveaux gisements, ayant permis de prolonger la durée de vie de la mine à 12 ans.

Une dizaine de rounds de négociation ont eu lieu dès le déclenchement du mouvement social et se sont terminés en 2012, en queue de poisson. Aujourd’hui encore, le conflit persiste, malgré les déclarations d’Abdelaziz Abarro, patron du groupe Managem, qui avait estimé, fin mars 2014, qu’il n’y avait plus de différend et que tout le monde était satisfait.

 

La tentation sécuritaire. Le chic de tout faire avorter

 

Les habitants d’Imider ne partagent pas le même avis qu’Abdelaziz Abarro. Pour eux, après l’échec des négociations avec les représentants du mouvement social, Managem a dû changer d’interlocuteur. “Des réunions ont eu lieu à Tinghir, et on n’y était même pas conviés. On a juste a été mis au courant des conclusions” nous explique Omar, un chômeur du village.

 

En 2012, Managem avait conclu un accord avec des élus de la commune rurale d’Imider ainsi qu’avec un tissu associatif. L’objectif de la convention résultant de ces concertations était de mettre en place un plan de développement humain dans la région.

“Avec le soutien de la société civile, nous avons pu éviter une seconde année blanche aux enfants de la commune. Outre l’organisation de colonies de vacances et des programmes de soutien scolaire pour 720 enfants, nous avons fourni plus de 2.000 kits scolaires aux élèves pour l’année en cours” avait alors déclaré un responsable de Managem à un confrère, et d’ajouter, “pour nous, la page de négociation est tournée”.

Comment peuvent-ils décider unilatéralement que ce conflit est derrière eux?” s’insurge Brahim Udawd, militant de la cause Imider. Pour ce dernier, c’est une drôle de façon que d’enclencher un processus de développement humain en niant l’existence d’un mouvement social revendicatif. “Venez voir à Imider ! Un an après qu’ils aient signé avec ces associations et avec les autorités, rien n’a changé”.

 

Pour Brahim, le problème ne réside pas dans l’impossibilité de réaliser les revendications de son mouvement. Il est dans l’absence de transparence et d’une démocratie locale biaisée. “ Imaginez que lors de toutes les réunions de négociations qu’on a eues, nous n’avons pas reçu nos copies des procès-verbaux (..) de plus, lors de la réunion, il y avait plus de sécuritaires que de civils : gendarmes, forces auxiliaires, services de renseignements, en plus du gouverneur et du caïd” tacle-t-il.

Selon Udawd, tout accord satisfaisant toutes les parties serait considéré par les autorités comme une victoire, chose qui risque de contaminer d’autres régions voisines, comme autour de la mine de Bouazzar qui connaît aussi un mouvement social naissant.

Par ailleurs, Brahim rappelle que pendant que Managem mettait en oeuvre son accord avec les autorités et les associations, ses camarades allaient en prison l’un après l’autre. Une trentaine de jeunes du village ont été condamnés à des peines de quelques mois, trois d’entre eux viennent d’écoper de 3 ans de prison chacun. “On les a envoyés en prison au moment même où les autorités avaient offert 4 agréments d’exploitation de carrières de tout venant à 4 notables de la région, dont le vice-président du conseil préfectoral qui a mis les mains et les pieds pour étouffer notre mouvement” explique Brahim.

“Ils essaient de nous imposer une solution qui n’en est pas une.La vraie solution portera sur une véritable étude indépendante sur l’exploitation des nappes phréatiques, et un plan pour désenclaver la région, un soutien aux projets d’activités génératrices de revenus, et des services publics de qualité” conclut Brahim. Pas sorcier !

Retour sur l’affaire

La révolte commence à l’été 2011 quand, de retour de leurs universités d’Errachidia ou de Marrakech, les étudiants du village demandent, comme à chaque été, un travail saisonnier dans la mine.

Le chômage et la montée de la protestation dans toute la région d’Afrique du nord et du Moyen-orient, ont alimenté la révolte des jeunes, dont la mine n’a embauché qu’une quinzaine. “Comment une société qui brasse des centaines de millions de dirhams en extrayant du minerai de nos terres prétend ne pas avoir les moyens de nous assurer un emploi, ne serait-ce que saisonnier?”, s’est alors insurgé Brahim, un activiste du mouvement social.

Mais la goutte qui va faire déborder le vase viendra plus tard, quand les villageois verront le débit d’eau de leurs robinets faiblir, jusqu’à l’interruption. “A quelques semaines du ramadan, l’eau ne coulait plus du robinet que 30 minutes par jour”, raconte Brahim.

S’ensuit alors un large mouvement de protestation et de revendication. La mine d’argent, propriété de la Société métallurgique d’Imiter (SMI), filiale de Managem, la holdiing minière de la Société nationale d’investissement (SNI) est alors, pour la population, le principal exploitant massif de l’eau du village, mais également des richesses souterraines de la région, sans pour autant que ces dernières profitent à tous les habitants.

Le mouvement décide alors de monter la résistance. Les jeunes commencent par installer un campement sur le mont Alebban (1.400m d’altitude), qui abrite un château d’eau desservant la mine. Leur but était d’empêcher une partie de l’eau d’arriver à la mine et qu’elle s’achemine plutôt vers le village. La désobéissance civile donna en effet ses fruits, et les jeunes révoltés d’Imider sont restés, jusqu’aujourd’hui, au sommet du mont Alebban où nous les avons rencontrés.

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