Tunisie: L'affrontement jihadistes-autorités montre les limites du “compromis historique” de Marzouki

Week end à hauts risques en Tunisie avec le face-à-face entre jihadistes de Ansar Charia et forces de l'ordre.

Tunisie: L'affrontement jihadistes-autorités montre les limites du “compromis historique” de Marzouki

Le 18 mai 2013 à 18h03

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Week end à hauts risques en Tunisie avec le face-à-face entre jihadistes de Ansar Charia et forces de l'ordre.

La Tunisie vit un week-end à très haute tension avec un terrible face-à-face entre les salafistes jihadistes et les autorités. Cette fois-ci, la confrontation tant évitée par les autorités et le pouvoir politique a lieu. Les jihadistes de Ansar Charia[1] défient ouvertement les autorités et la loi. De son côté, le pouvoir central, et pour la première fois, ne tolère aucune violation de la loi.

Ansar Charia, le seul mouvement jihadiste à avoir pignon sur rue dans le monde arabe[2], a convoqué pour demain dimanche 19 mai 2013 sa troisième rencontre annuelle. La première avait eu lieu en juillet 2011, et était passée plutôt inaperçue dans la foulée de la « révolution ». La seconde avait eu lieu en mai 2012 à Kairouan, considérée comme la capitale spirituelle du pays, sous les remparts de la grande mosquée et avait réuni 10.000 personnes sur l’esplanade, avec discours, harangues et… démonstration d’arts martiaux.

Depuis la révolution, la thèse défendue par Rached Ghannouchi, le véritable maître du pays, est que les salafistes en général, « sont nos enfants », et sont des « victimes  de Ben Ali ». Pour lui, il ne faut pas réagir comme Ben Ali mais leur laisser la liberté de s’exprimer, d’agir. En d’autres termes, pour lui, ils ont été fabriqués par la répression du régime précédent.

De son côté, l’actuel président provisoire Moncef Marzouki, a défendu l’idée d’un compromis historique[3], un compromis entre les représentants de l’islam politique et les « laïcs ». Pour lui, il vaut mieux éviter la polarisation de la société et reconnaître le fait islamiste.

C’est au nom de cette idée qu’il a fait pas mal de concessions, d’abord au niveau du contenu de la Constitution, ensuite au niveau des dérives jihadistes dans le pays[4].

Le 14 septembre 2012, les jihadistes tunisiens appellent à manifester devant l’ambassade américaine. Les forces de l’ordre, en sous-effectifs, font preuve d’une passivité remarquée, car «il faut laisser les gens exprimer leur colère». Cette expression de la colère se traduira par des assauts contre l’école et l’ambassade américaines partiellement incendiées. 4 assaillants seront tués par les forces de l’ordre tunisiennes.

Cet épisode qui déclenche la colère américaine, a un effet répulsif sur les touristes et les investisseurs. Mais pas sur les politiques. Moncef Marzouki recevra ostensiblement plusieurs chefs jihadistes, pour essayer de dialoguer. En réalité, il renforcera leur légitimité.

Aujourd’hui, si les salafistes sont estimés à plusieurs dizaines de milliers de militants, les jihadistes sont bien moins nombreux. La présence de jihadistes dans les grottes des reliefs proches de la frontière algérienne, les découvertes récurrentes de caches d’armes, le discours de plus en plus violent développé par les jihadistes, ont conduit pour la première fois le ministre de l’Intérieur (sans étiquette politique) à tracer comme ligne rouge, le respect de la loi. La réponse de Ansar Charia a été : nous ne reconnaissons de loi que celle de Dieu, nous ne reconnaissons ni les lois «posées», ni «votre» démocratie.

Depuis longtemps, les véritables observateurs de la scène tunisienne étaient convaincus que l’affrontement était inévitable. Il montre les limites du concept de «compromis historique».  Car un tel compromis ne pouvait se faire qu’autour de la démocratie, la liberté ayant été la première revendication du soulèvement de janvier 2011.



[1]  Ansar Charia est l’appellation qui est utilisée par les jihadistes depuis le milieu de l’année 2011. Ansar Charia signifie les partisans de la loi islamique. L’objectif est d’unifier le mouvement jihadiste, de le sortir du positionnement violent et terroriste et enfin et surtout de ratisser large, en rassurant la cible, c’est-à-dire le grand public des fidèles.

Ansar Charia est présent en Tunisie, en Libye (où on lui impute l’assaut contre le consulta américain de Benghazi en septembre 2012), au Yémen et plus modestement en Egypte et au Maroc.

Il faut évidemment faire la différence avec les salafistes de prédication qui ne sont pas violents.

[2] Du moins dans les Etats organisés. En Libye, deux mouvements Ansar Charia ont pignon sur rue, mais il n’y a plus d’Etat central.

Le mouvement tunisien s’est développé tranquillement, nouant des liens avec le pouvoir politique, tenant meeting commun avec eux, des alliances avec les ligues de la révolution… Ses leaders ont été reçus au moins à deux reprises à la présidence par le Chef de l’Etat. Ses représentants sont régulièrement invités sur les plateaux de télévision et son chef Abou Yadh a été interviewé alors qu’il était (et demeure) en fuite et recherché par la police.

[3] L’idée de compromis historique entre laïcs «modérés» et islamistes «modérés» est défendue en Tunisie par Moncef Marzouki et ce qui reste de son parti le CPR. Elle est également défendue au Maroc par quelques personnes. Et en France par des personnalités de gauche, dans les médias ou dans la recherche. Sans oublier son ardent défenseur Tariq Ramadan.

[4] La liste des dérives est trop longue pour être rappelée ici. Notons quelques exemples : l’occupation pendant plusieurs mois d’une faculté au nez et à la barbe de la loi ; le contrôle de  500 mosquées (chiffre officiel) sur les 4.500 que compte le pays ; discours takfiriste (excommunication) contre la plupart des forces politiques du pays, contre l’armée et les forces de l’ordre; banalisation de l’apologie de la violence et de l’incitation à la haine ; manifestations violentes en de multiples occasions y compris une exposition d’arts plastiques ou la projection d’un films ; implication dans des opérations de stockage d’armes et de trafic d’armes ; affrontements armés contre la gendarmerie et la police… Tout cela avait jusqu’à présent été plutôt toléré.


 

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