Le Conseil économique et social pointe de nombreux dysfonctionnements dans le sud
Le Conseil économique et social a publié un rapport édifiant sur l’état des lieux dans les régions du sud. Il présente des acquis à consolider tout en mettant l’accent sur des dysfonctionnements aux effets dévastateurs.
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Imane Azmi
Le 8 avril 2013 à 21h18
Modifié 11 avril 2021 à 2h35Le Conseil économique et social a publié un rapport édifiant sur l’état des lieux dans les régions du sud. Il présente des acquis à consolider tout en mettant l’accent sur des dysfonctionnements aux effets dévastateurs.
Un rapport qui fait l’effet d’une bombe. La dernière livraison du Conseil économique social et environnemental (CES) est consacrée aux provinces du Sud. Le document dresse un diagnostic sans concessions sur l’évaluation de l’effectivité des droits humains fondamentaux, sociaux, politiques et économiques. Ce rapport conçu comme un bilan d’étape servira à l’élaboration d’un modèle de développement régional pour les régions du sud.
Côté méthodologie.Des rencontres sur le terrain avec plus d’un millier de personnes représentant le tissu associatif, les syndicats professionnels, les chambres de commerce, d’agriculture et l’Agence du sud ont servi à remonter l’information. Autres sources, les études et les analyses réalisées par l’administration. Les provinces concernées sont au nombre de dix et représentent plus de la moitié de la superficie du pays, mais seulement 3,5% de la population et 3,% du PIB. Attention, les zones concernées ne sont pas que sahariennes, Tan Tan, Tarfya et Guelmim en font partie. Au final, un rapport d’étape édifiant.
Les enquêteurs soulignent d’importantes réalisations. 100% des enfants sont scolarisés, le taux d’alphabétisation est de 63%, il est supérieur à celui du reste du pays qui est de 57%. Importance également de l’accès aux réseaux d’assainissement (70% de raccordement à l’eau potable contre 55% au niveau national) et d’électricité (84% d’électrification contre 70% au niveau national).
Principaux dysfonctionnements des politiques mises en œuvre
Toutefois, ces acquis sont menacés par des dysfonctionnements, qui remettent en cause les politiques de développement des régions du sud. Elles « présentent de sérieuses difficultés », peut-on lire dans le document. Le décor est planté. En voici les principaux volets :
- La politique de l’eau.L’augmentation de la consommation d’eau potable de 29%, favorisée par la forte urbanisation, met en danger les ressources très limitées de la région. Elles affichent moins de 100 mm par an en eau de pluie.
- La politique de l’emploi. 6.000 emplois dans différentes administrations publiques ont été créés ces dernières années au profit des natifs de la région. « Certains d’entre eux émargeraient sans activité ni présence. Les mesures correctives n’ont pas été prises », indique-t-on dans le rapport, au conditionnel !
- Le régime fiscal. Il est dénoncé comme « empirique, sans cadre légal précis ». Un système qui a des conséquences sur l’économie de la région. Selon l’enquête du CES, « il produit un effet adverse sur l’investissement et prive de ressources les communes notamment rurales ». Le régime d’exonération de la TVA est particulièrement souligné, puisqu’il ne porte que sur les intrants. Quant à celui de l’immatriculation foncière, il est loin d’être populaire. La lenteur dans le traitement des dossiers et l’octroi des indemnisations n’encourage pas la population à se soumettre à cette procédure. Résultat : une anarchie totale dans la valorisation du foncier.
- Le secteur privé.L’investissement privé et le commerce sont quasi-inexistants. L’accès au crédit est difficile en raison des «niveaux irréalistes des garanties exigées et leur inadéquation avec les activités et les profils des porteurs de projets», indique le rapport. A ce sujet, le secteur de la pêche reste représentatif : des intermédiaires paient les marins avec des bons d’achats en l’absence d’agence bancaire dans les villages de pêche de Dakhla. La pêche représente 60 à 80% des captures nationales, 15% de la richesse produite dans la région et 30% des emplois. Cependant, les enquêteurs relèvent que pour le moment, «la mise en valeur de la ressource s’effectue hors de la région, ainsi que le bénéfice de la pêche en haute mer qui génère la plus forte part de la valeur ajoutée. Parallèlement, les revenus des employés de la pêche côtière sont précaires, et leurs conditions de vie extrêmement dégradées».
- La politique sociale. Grand sujet de controverse que celui de la distribution des aides sociales. Tout est passé au crible et remis en cause : les programmes de la promotion nationale, les dispositifs de distribution des aides et de subventions des denrées alimentaires, les aides aux hydrocarbures, l’allocation de terrains et de logements, les systèmes de bourses aux étudiants, les recrutements dans les services de l’administration et des établissements publics… Ce qui se traduit par des mesures inhibant l’initiative privée.
- L’inexistence d’un acteur clé. «Ni l’Agence du Sud, ni aucune administration ne dispose d’une base de données détaillée et à jour de l’état et des mécanismes du développement économique et social dans les provinces du sud », constatent les enquêteurs du CES. Les seuls chiffres centralisés sont ceux du Haut commissariat au plan. Insuffisants car ne permettant l’élaboration d’un système de création et de redistribution des richesses. Il est démontré qu’il s’agit d’un handicap pour toute politique de régionalisation.
Au final, ce rapport d’étape qualifie l’œuvre accomplie « d’impressionnante », car il ne faut pas perdre de vue le gap colonial. Il préconise toutefois un sursaut, car il y a maintenant un palier à franchir : le temps est arrivé de « vraies réformes des conceptions et des méthodes consacrées au développement des provinces du sud, ainsi qu’un sursaut qui modifie les mentalités, les comportements et les habitudes des décideurs et des élites en charge de l’animation du développement en question ». Ce qui est également en jeu, « c’est la confiance aussi bien dans le fonctionnement local des services de l’Etat que dans l’avenir économique et la cohésion sociale des régions du sud ».
Aujourd’hui, « nous avons libéré la terre, nous avons beaucoup investi dans la pierre, mais nous devons faire plus encore pour la dignité et le bien-être des citoyens », écrit le rapport, en citant différents acteurs locaux.
On espère donc l’élaboration du nouveau modèle de développement régional pour les provinces du sud suite à ce travail d’étude et d’évaluation qui se poursuivra jusqu’à fin 2013.
A la lecture de ce rapport, de nombreuses questions restent en suspens. Médias24 a tenté de joindre en vain les principaux intervenants dans le processus de développement économique et social des provinces du sud. L’Agence nationale de promotion et de développement des provinces du sud et le Conseil royal consultatif des affaires sahariennes sont aux abonnés absents. A suivre.
Pour consulter le rapport, cliquer ici.
Enjeux fondamentaux pour la démocratie et le développement (Extrait du rapport)
Cinq enjeux fondamentaux sont identifiés comme des facteurs clés pour libérer la dynamique de développement et consolider la démocratie dans les régions du sud. Ils touchent :
a. au pilotage des politiques publiques locales, pour remonter dans l’ordre de leurs priorités la création de richesse et de l’emploi et garantir la transparence, l’équité et la justice sociale dans la gestion des affaires publiques ;
b. au recentrage des bénéfices des ressources de la région sur les besoins fondamentaux des citoyens de ces provinces ;13 Evaluation de l’effectivité des droits humains fondamentaux dans les provinces du sud
c. à la protection de l’environnement etdes engagements formalisés, mesurables et contrôlés en faveur du développement durable ;
d. à la rénovation de la réflexion sur la valorisation du référentiel culturel régional et le renforcement de son rayonnement dans l’identité nationale et son interaction avec elle ;
e. au rétablissement de la confiance parmi les populations des régions du sud et de liens apaisés entre les populations de ces régions et les institutions publiques.
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Modifié 11 avril 2021 à 2h35