Ce que pense l'économiste en chef d'Allianz du programme Intelaka d'appui et de financement des entrepreneurs

M.M. | Le 25/2/2020 à 14:14

Commentant le programme de financement des entrepreneurs lancé au Maroc, Ludovic Subran pense que le décaissement des crédits n’est pas le vrai sujet. C'est plutôt la capacité des banques à fournir un accompagnement efficace des entrepreneurs. Verbatim.

L’économiste en chef de l’assureur Allianz présentait ce matin ses prévisions économiques pour le Maroc et l’Afrique.

Evoquant l’accès au financement des petites entreprises, il a salué le programme Intelaka.

« C’est fascinant qu’il y a ait cette impulsion du haut pour un tel sujet. Le financement de l’entreprise, c’était l’éléphant dans la salle. Le Maroc ne peut pas se permettre de rester 120e sur 190 pays sur le critère de l’accès au crédit aux entreprises (Doing Business, ndlr) », commente-t-il.

Ce programme dénote selon lui de « l’agilité » du pays : « Depuis 15 ans, le pays prend à bras le corps des sujets de réformes structurelles, malgré l’alternance politique. Il y a une vraie volonté de prendre certains sujets et d’aller au bout. Ca dénote d’une volonté du Maroc de jouer dans la cour des grands », déclare-t-il.

« Les banques ne faisaient pas leur boulot »

Le programme tombe, selon lui, à point nommé, voir un peu trop tard.

« Pendant plusieurs années, je disais aux banques qu’elles ne faisaient pas leur boulot. Les banques marocaines, c’était tout sauf des banques. C’était des caisses d’épargne. Elles prêtaient aux grandes entreprises, mais ne jouaient pas véritablement leur rôle de financement de l’économie », lance Ludovic Subran.

Et ce n’étaient pas faute de capacité, ajoute-t-il, mais de volonté. « Si les banques étaient capables de sortir si vite leurs offres, c’est qu’elles pouvaient le faire plus tôt. Il fallait une impulsion extérieure forte et un partage des risques pour les pousser à le faire… ».

(Voir à partir de la 44ème minute)

Pour l’économiste en chef d’Allianz, le vrai sujet n’est pas l’argent ou le décaissement du crédit. Mais l’accompagnement des entrepreneurs.

« Les banques, pour des raisons de coût, n’avaient aucune envie de passer du temps avec les gens, de leur expliquer, de les revoir… ».

Le programme Intelaka fait justement de l’accompagnement une priorité. Un accompagnement qui sera assuré, entre autres, par les banques.

« Cela montre que le Maroc a compris l’esprit du temps. Il y a 15 ans, on aurait créé une grande agence nationale pour la promotion et l’accès au crédit des TPME. Aujourd’hui, l’idée c’est d’influencer les acteurs du secteur privé. Cela montre qu’on est dans un niveau d’exigence élevé… ».

« La concurrence entre banques se jouera sur l’accompagnement »

L’accompagnement sera également décisif, pense M. Subran, dans la durabilité du programme. Et sera le facteur déterminant dans la compétition entre banques.

« Celle qui proposera le meilleur accompagnent gagnera. Le crédit est facile à donner. Mais le plus difficile c’est l’accompagnement des entrepreneurs. Ce programme va peut être révéler qui parmi les banques marocaines sont les mieux armées pour la clientèle entreprise ».

L’accompagnement, c’est ce qui permettra également d’éviter les grosses ardoises, selon l’économiste en chef d’Allianz.

« Les banques qui vont vouloir décaisser pour décaisser, sans accompagner les gens, vont être très vite confrontées à des impayés. Et vont devoir arrêter. Sauf qu’elles ne le peuvent pas et seront obligées de reprendre puisque ce programme est fait pour durer dans le temps. La pire maladie qui peut arriver, c’est le stop and go », explique-t-il.

« Les taux restent chers au Maroc »

Le programme Intelaka a prévu des taux historiquement bas : un taux général de 2%, couplé à un taux spécifique de 1,75% pour le monde rural.

« Ce niveau est intéressant, mais il est plafonné à un certain montant. Dès que vous dépasser le plafond, vous tombez dans les taux normaux, qui sont relativement chers. Il faut donc absolument gérer les effets de seuil : après le 2%, il ne faut pas passer directement à 4,5% par exemple, mais lisser les taux sur le temps. Sinon, les entreprises qui bénéficient aujourd’hui du programme vont venir prendre leur chèque, sans forcément aller jusqu’au bout…», explique-t-il

Le programme aura dans tous les cas des effets positifs, ajoute l’économiste, qu’il faudra chiffrer par la site par des études d’impact.

Ludovic Subran évoque également un effet « acculturation » qui sera bénéfique. « Il y a énormément d’entrepreneurs qui auraient pu avoir accès au financement, mais qui s’autocensurent. Avec ce programme, et la communication qui est faite autour, il y aura un effet acculturation par rapport au crédit, c’est positif ». 

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