Malgré de bonnes performances annoncées en 2021, pourquoi les cimentiers reculent en bourse ?
En 2021, les cimentiers marocains ont connu une bonne année de rattrapage après une année 2020 compliquée et marquée par la crise et le confinement. En effet, la consommation de ciment a progressé de 15% en 2021 à 13,9 millions de tonnes d’après les chiffres de l’Association Professionnelle des Cimentiers (APC).
En bourse, les groupes ont affiché une belle dynamique en 2021, avec des hausses respectives de +13,16% pour Ciments du Maroc (CIMAR) à 1.900 dirhams le titre et +37,5% pour LafargeHolcim Maroc (LHM) à 2.200 dirhams l’action. Depuis le début de l’année, les deux valeurs connaissent cependant des retraits de leurs cours en bourse. CIMAR affiche une baisse de 6,11% de son cours et LHM, un recul de 10,6%.
Pourtant, les derniers chiffres annoncés par CIMAR et LHM à fin 2021 sont globalement satisfaisants. Ils affichent respectivement des hausses de 7% et 17% de leurs chiffres d’affaires par rapport à l’année précédente. A ce sujet, une source du marché nous indique « qu’il n’y a pas de surprise et que le marché les avait anticipés ». Aucune raison fondamentale n’est à l’origine de ces récentes baisses de cours, mais différents éléments exogènes pourraient y contribuer.
Une perturbation entraînée par la baisse générale du marché
A l’ouverture de la séance du 3 mars, le MASI affiche une baisse de près de 3% en YTD. Son évolution annuelle est passée dans le rouge suite à plusieurs baisses importantes liées aux tensions, puis à la guerre en Ukraine.
Pour notre interlocuteur la baisse des cours des cimentiers est dans le sillage du recul du marché amorcé depuis la mi-février. Sur les graphiques ci-dessous, nous pouvons d’ailleurs observer que la baisse des cours des cimentiers s’effectue en même temps que celle de l’indice casablancais.
Fondamentalement, rien n’a changé concernant les potentiels des deux groupes. « Rien de majeur ne vient entraver les perspectives concernant les deux cimentiers de la place, même si la situation économique globale s’annonce légèrement plus tendue que prévue » nous explique notre interlocuteur. Mais l’évolution récente de la conjoncture économique, notamment concernant l’énergie, suite à la guerre et à la demande mondiale, pourrait affecter les opérateurs.
La hausse des cours du pétrole pourrait rogner les marges plus fortement que prévu
En revanche, un des éléments qui pourrait affecter directement l’activité des cimentiers est la hausse des cours du baril de brent. Ce dernier a progressé de plus de 45% depuis le début de l’année et a franchi la barre des 115 $ le baril le 3 mars.
Contacté, un analyste de la place nous explique : « Cette hausse du brent entraînera naturellement une hausse des cours du petcoke (combustible utilisé dans l’industrie des cimentiers, ndlr) ce qui rognera sur les marges des opérateurs. Cela était déjà anticipé par le marché, mais avec ces événements, l’impact sera peut-être plus important que ce que l’on pensait ». Cela a déjà été le cas en 2021, mais la hausse qui se poursuit et s’accentue en 2022 pourrait en effet affecter les cimentiers plus fortement qu’anticipé.
Dans une interview avec LeBoursier, fin janvier, Matteo Rozzanigo, DG de Ciments du Maroc nous annonçait que des diminutions de marges additionnelles ne seront pas d’actualité en 2022. « La hausse des cours du petcoke s’est principalement fait ressentir durant le second semestre, mais pas uniquement sur cet aspect. Il y a également eu une progression des coûts logistiques associés. Le coût des transports en conteneur a également augmenté. Mais nous commençons à voir des baisses déjà depuis le mois de janvier. En 2022, je pense qu’il y aura un impact sur l’année 2022, mais ce ne sera pas supérieur à ce qui a été observé en 2021 » expliquait-il.
A ce moment, le cours du pétrole s’établissait à 86 dollars le baril. Depuis, il a augmenté de 35%.
Un contexte globalement morose pour l’industrie du ciment cette année
Après une forte croissance de la consommation, principalement induite par un effet de rattrapage en 2021, le secteur cimentier devrait connaître une croissance plus normative, entre 2% et 4% en 2022.
Il convient également de rappeler que 70% des ventes annuelles de ciment sont absorbées par le secteur immobilier. Cette année, comme nous l’expliquait un expert de la place, 2022 s’annonce encore bien incertaine pour le secteur immobilier, avec un pouvoir d’achat des ménages érodé et l’absence d’annonces ou de conventions concernant le logement social. De plus, économiquement, le contexte s’annonce plus morose que prévu en raison de la mauvaise saison agricole qui s’annonce en 2022 en raison d’une sécheresse exceptionnelle. « Il est clair que le contexte économique n’est pas clément, même s’il était déjà anticipé. Je pense que le climat global actuel pèse sur le marché » explique notre interlocuteur.
Les acteurs se livrent également une forte concurrence dans un marché où l’offre est déjà en surcapacité. Dans son dernier Stock Guide, CFG Bank recommandait de vendre le titre CIMAR et de conserver le titre LHM. Alors que LHM viendra prendre des parts de marché à CIMAR avec l’ouverture de la cimenterie d’Agadir, le second cimentier national va inaugurer, en juillet prochain, un centre de broyage à Nador pour desservir le marché du nord du pays.
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