Mohamed A. El-Erian

Conseiller économique en chef d’Allianz

Le programme de croissance pour le Royaume-Uni

Le 2 juillet 2024 à 13h59

Modifié 2 juillet 2024 à 13h59

Comme dans de nombreux autres pays développés ces derniers temps, les deux principaux partis politiques du Royaume-Uni ont fait de la croissance économique leur principale priorité politique. Après l'expérience volatile de 49 jours du gouvernement de Liz Truss et sa "course à la croissance" en 2022, les deux partis soulignent toutefois qu'il n'existe pas de raccourcis financiers pour prendre le chemin de la croissance. Il s'agit plutôt de concevoir des mesures visant à stimuler la productivité, l'allocation des ressources et la croissance à long terme. À cet égard, le parti travailliste dans l'opposition a une longueur d'avance sur les conservateurs au pouvoir, bien que tous deux soient encore en train de régler les détails de la mise en œuvre effective.

CAMBRIDGE - Une croissance dynamique, durable et inclusive est essentielle pour un pays où les générations plus âgées risquent de voir leurs enfants finir dans une situation pire que la leur. Cela ne s'est pas produit depuis plusieurs décennies. Seule la croissance peut fournir les ressources nécessaires pour relever le niveau de vie, améliorer les services publics, soutenir les initiatives en matière d'énergie durable, limiter l'ampleur des hausses d'impôts généralisées et lutter contre l'inégalité des richesses, des revenus et des chances.

En résumé, il s'agit d'élever la limite de la croissance économique. La Banque d'Angleterre estime que la croissance potentielle de l'économie britannique pourrait n'être que de 1%. À cette vitesse, la plupart des maux dont souffre le pays risquent de s'aggraver plutôt que de s'améliorer au fil du temps. En outre, ce potentiel de croissance déjà faible pourrait encore se détériorer si l'on laisse le problème s'envenimer.

Il n'y a pas d'initiative unique, de solution miracle, qui puisse changer cette perspective. De nombreux hommes politiques britanniques sont encore hantés par la saga Truss. La Première ministre, alors toute nouvelle, a tenté d'utiliser des réductions d'impôts non financées pour stimuler l'économie, ce qui a provoqué un épisode d'instabilité financière préjudiciable et contraint à un changement de gouvernement. Il est désormais largement admis qu'après tant d'années d'investissements insuffisants et de baisse de la productivité, une croissance de qualité nécessite une approche politique globale qui s'appuie sur de nombreux objectifs intermédiaires.

Le parti travailliste est allé plus loin dans la spécification de ces réformes structurelles. Son programme comprend des propositions visant à réorganiser le système de planification, à stimuler les infrastructures, à améliorer les relations commerciales, à attirer les investissements privés nationaux et étrangers (notamment en dynamisant un fonds public, le National Wealth Fund), à supprimer les distorsions fiscales et à mettre en œuvre des initiatives sectorielles. Le parti a également identifié des partenariats public-privé prometteurs visant à accroître les fonds à investir, tout en encourageant l'innovation et l'efficacité.

Le parti travailliste a indiqué qu'il essaierait de "durcir" un grand nombre de ces réformes en renforçant les institutions existantes. Pour s'assurer que toutes leurs politiques restent compatibles avec la stabilité financière, ils se sont engagés à adhérer à la même "règle" de la dette publique que l'actuel parti conservateur.

Le défi consiste maintenant à concevoir un plan d'exécution détaillé. Il devra comprendre un système de suivi avec des relevés très fréquents, afin de fournir un retour d'information en temps réel et de permettre des corrections de trajectoire en temps voulu, si nécessaire. Toute feuille de route en matière de politique économique doit privilégier les réformes globales plutôt que les fragmentaires. Ces réformes doivent être mises en œuvre simultanément, plutôt que séquentiellement, et elles doivent intervenir le plus tôt possible.

Comme les travaillistes l'ont démontré avec leur décollage réussi après leur arrivée au pouvoir en 1997, un nouvel accent mis sur la croissance bénéficierait de mesures sérieuses visant à renforcer la crédibilité. C'est ce qu'a fait Gordon Brown, alors chancelier de l'Échiquier, avec sa décision surprenante et perspicace de confier les rênes de la politique des taux d'intérêt à la Banque d'Angleterre, consacrant ainsi le principe de l'indépendance de la banque centrale.

Il faut espérer que les dirigeants travaillistes actuels n’aient pas exclu une trop grande flexibilité politique dans leur quête d'une victoire électorale décisive. Certaines des mesures les plus puissantes qu'ils proposent nécessitent d’y allouer des ressources dès le départ, mais leur croissance et leurs avantages financiers ne se matérialiseront qu'au fil du temps. Le prochain gouvernement se trouvera également confronté à un système international plus complexe et de plus en plus fragmenté ; il devra s'assurer de l'adhésion constante du secteur privé, qui devra en fin de compte faire le gros du travail.

Une autre tâche connexe consiste à améliorer le fonctionnement des moteurs de croissance existants tout en soutenant le développement des secteurs et des industries qui seront les moteurs de la croissance à l'avenir. La recherche d'un équilibre adéquat pourrait s'avérer la partie la plus difficile du défi, compte tenu des contraintes de ressources du pays et du fait que certaines initiatives clés sont mieux poursuivies au niveau régional. (L'Union européenne est actuellement confrontée à un problème similaire : elle ne dispose pas d'initiatives régionales suffisamment solides pour stimuler l'innovation dans les domaines de l'intelligence artificielle, des sciences de la vie et de l'énergie durable).

Promouvoir une croissance élevée, durable et inclusive n'a jamais été facile après tant d'années de négligence. La nécessité de réorganiser les moteurs de croissance existants du Royaume-Uni et d'en relancer de nouveaux rend la tâche encore plus compliquée. Mais pour paraphraser un célèbre discours du président américain John F. Kennedy, le parti vainqueur devra faire ces choses et "d'autres, non pas parce qu'elles sont faciles, mais parce qu'elles sont difficiles".

© Project Syndicate 1995–2024

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