Le plongeon des devises des marchés émergents

Le 18 février 2014 à 10h41

Modifié 10 avril 2021 à 4h11

Pour de nombreuses économies émergentes, 2014 a mal commencé. Les préoccupations autour du ralentissement marqué de l'économie chinoise et de la dégringolade du peso argentin par rapport au dollar américain ont déclenché de fortes pressions à la vente sur un éventail de devises de marchés émergents.  

Pourtant, la volatilité actuelle ne présage pas un ralentissement significatif de la croissance des économies émergentes dans leur ensemble. Il est nécessaire de différencier entre pays, et c'est ce que les marchés financiers sont à présent en train de faire.

 

MUNICH – L'ampleur des dégâts varie largement d'un pays à l'autre. Par exemple, les problèmes qui frappent actuellement l’Argentine sont tout sauf une surprise. Au contraire, ils sont le résultat quasi-inévitable de nombreuses années de mauvaise gestion politique, qui ont engendré une forte inflation, une monnaie extrêmement surévaluée et une érosion massive des réserves de change.

En revanche, les devises des marchés émergents en Europe centrale et de l'est sont restées relativement stables. Par exemple, grâce à la performance économique robuste de la Pologne, le zloty a largement maintenu son taux de change face à l'euro, ne perdant que 2,2% depuis le début de l'année (à compter du début de février). Le forint hongrois a perdu un peu plus de 5% par rapport à la monnaie unique au cours de la même période, ce qui est moins important que dans le passé, lorsque les problèmes macro-économiques du pays rendaient le taux de change beaucoup plus sensible à l'évolution des sentiments du marché.

La stabilisation de l'économie de la zone euro et la réduction des déséquilibres ont contribué à améliorer les perspectives de croissance dans les pays d'Europe centrale et de l'est. En outre, la plupart de ces pays ont fait des progrès en vue de maîtriser leurs propres déséquilibres. En revanche, le rouble russe a poursuivi sa longue dégringolade cette année, abandonnant plus de 5,5% face à l'euro au début de février. Les raisons sont principalement domestiques : un mauvais climat d'investissement, de fortes sorties de capitaux et un excédent du compte courant qui se réduit comme une peau de chagrin.

L'Amérique latinerecèle également d'importantes différences régionales. Le peso argentin, principal coupable de la région, a chuté de 19% cette année par rapport au dollar américain. Au Brésil, les pertes du real ont été relativement modérées en 2014, mais la devise avait connu une lourde dépréciation l’an dernier. Les capitaux sont également en train de se diriger vers la sortie au Mexique et au Chili.

La dépendance de la région aux matières premièresmet les nerfs à rude épreuve. Si la croissance économique chinoise se révèle être plus faible que prévu, les prix et les exportations de matières premières pourraient chuter, compromettant la croissance des pays latino-américains. Cependant, avec les indicateurs de la production industrielle mondiale à la hausse depuis le deuxième semestre de 2013, indiquant en particulier une amélioration dans les économies avancées, les prévisions, sombres pour les marchés des matières premières, semblent très éloignées de la réalité.

Jusqu'à présent, les pertes de change ont été limitées dans les pays asiatiques. Le won sud-coréen a connu la plus importante baisse, avec une perte de 3% entre le début de l'année et le début de février (bien que cela s'inscrive dans le sillage d'une tendance à la hausse prolongée). Les monnaies indiennes et indonésiennes ont assez bien traversé la tempête, mais les deux pays avaient fortement chuté l'an dernier. La roupie indienne, accablée par un déficit chronique du compte courant, une inflation obstinément élevée et un net ralentissement de la croissance, avait perdu 11% sur un an à la fin de 2013.

De manière paradoxale, la Chine, le pays actuellement sous le feu de tous les principaux projecteurs, est la seule grande économie émergente dont la monnaie s’est légèrement appréciée par rapport au dollar américain en janvier. Compte tenu des énormes défis auxquels la Chine doit faire face – entre le rééquilibrage de son modèle de croissance et la gestion des bulles du crédit et de l'immobilier – cette performance est remarquable. Les responsables chinois sont prêts à resserrer leur politique monétaire et imposer des mesures réglementaires pour limiter la dynamique de la dette, ce qui signifiera inévitablement sacrifier la croissance économique à court terme afin de mettre la croissance sur des bases stables. De toute évidence, les marchés estiment que les autorités sont à la hauteur.

La Turquie, un pays dont l’immense potentiel de croissance est terni par des déséquilibres majeurs, n'a pas eu cette chance. La livre turque a été mise au pilori, glissant de plus de 7% face à l'euro en janvier et de 24% depuis le milieu de l'année dernière. Cependant, la vulnérabilité de la Turquie à un brusque changement de cap des marchés financiers, d’une recherche du risque à une fuite de celui-ci, était prévisible. Les déficits courants béants (financés principalement par des entrées de capitaux à court terme), l'incertitude politique intérieure et les derniers épisodes de politique monétaire peu orthodoxe ont tous entamé la confiance des investisseurs au cours des derniers mois. Comme en Chine, les processus d'ajustement nécessaires pèseront sur la croissance à court terme, bien que les perspectives à moyen et long terme sont positives.

Selon toute évidence, les marchés financiers sont en train de punir les monnaies des pays qui, en raison de déséquilibres macroéconomiques ou d'instabilité politique, sont sensibles aux chocs externes de toute nature. En effet, certains joueurs craignent que la spirale de la dépréciation, de l'inflation et de la hausse des taux d'intérêt puisse s’étendre à une crise de confiance à grande échelle.

Néanmoins, bien que des sorties de capitaux supplémentaires ne puissent être exclues, tous les investisseurs ne nagent pas avec la marée. Etant donné des niveaux de prix beaucoup plus favorables dans les pays touchés, des mesures capables d’inspirer confiance pourraient rapidement encourager les investisseurs prospectifs à tester l'eau.

De manière générale, les dévaluations peuvent aider à stimuler la compétitivité et réduire les déficits externes. Mais à court terme, elles peuvent aggraver les problèmes économiques en incitant des revendications salariales plus élevées, ce qui alimente les pressions inflationnistes, et en accroissant les coûts externes de financement.

Dans ces circonstances, la politique monétaire doit effectuer un acte d'équilibrage. Afin de contrer la hausse de l'inflation intérieure causée par une dévaluation, la banque centrale doit relever ses taux d'intérêt directeurs – en évitant d’étrangler l'économie. Les décideurs politiques sont plus susceptibles de réussir dans le cas où des réformes internes corrigent les déséquilibres macroéconomiques et autres obstacles à la croissance de long terme.

Traduit de l’anglais par Timothée Demont

© Project Syndicate 1995–2014

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