Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Le duel Biden-Trump, le dernier combat des vétérans

Le 17 février 2024 à 10h00

Modifié 16 février 2024 à 15h50

Dans une Amérique plus divisée que jamais, démocrates et républicains ont choisi définitivement les mêmes, Joe Biden et Donald Trump, pour se présenter à l’élection présidentielle de novembre. Le premier est âgé de 81 ans et donne déjà des signes de fatigue. Le second, de 77 ans, reste fidèle aux mêmes discours populistes qui l’ont propulsé à la tête de l’État en 2017. La majorité des électeurs américains paraissent au moins d’accord sur le rejet des deux candidats.

Selon des sondages, deux sur trois parmi les américains ne veulent ni de l’un ni de l’autre pour gouverner le pays pour quatre ans supplémentaires.

Chez les démocrates le choix de Kamala Harris en tant que vice-président n’a pas été concluant. Elle s’est mise dans la course à l’investiture démocrate mais a vite renoncé en invoquant des difficultés de financement dans une campagne où l’argent est toujours roi. Je ne suis pas milliardaire et il m’est de plus en plus difficile de réunir les fonds nécessaires face à la concurrence, a-t-elle avoué à la presse. En Amérique, celui qui lève plus de fonds organise mieux sa publicité et sa communication comme c’est le cas pour Trump.

La question que se pose la majorité d’américains est relative à la sante de l’actuel locataire de la maison blanche Joe Biden, candidat à sa propre succession. Le président a montré, tout au long de son premier mandat, des signes de fatigue, la tenue de propos confus, des discours décousus, des démarches raides et hésitantes, et des regards absents. Pour eux, comment dès lors pourra-t-il faire face aux autres puissances dans un monde gangrené de crises ?

Le rapport du procureur Robert HUR, publié au début de ce mois de ne pas poursuivre Biden en justice sur l’affaire des documents confidentiels en raison de sa mémoire défaillante, a ajouté encore plus de troubles chez les citoyens américains. En pleine campagne électorale qui commence, cette remarque pour l’innocenter a donné, au contraire, un poids aux doutes qui s’accumulent sur les capacités physiques et morales de Biden pour gouverner. Le procureur n’a pas recommandé de lancer des poursuites judiciaires, mais a pointé du doigt une mauvaise mémoire qui semble, selon ses propos, se détériorer avec le temps.

Le rapport du procureur s’est avéré calamiteux pour Biden sur le plan politique, alors qu’il est au coude à coude dans les sondages avec Trump qui le devance dans certaines enquêtes d’opinions. Des passages du rapport annoncent qu’il ne peut être jugé en raison de ses défaillances. On pouvait y lire que lors des entretiens, Biden ne se souvenait pas de l’époque où il était vice-président, oubliant même le premier jour de la date de la fin de son mandat. Plusieurs autres exemples de ces défaillances ont été soulignées dans ce rapport qui ne laissent aucun doute qu’on est en face d’un candidat réellement démuni.

"Défendre la démocratie"

De toute l’histoire américaine, Biden demeure le plus âgé de tous les présidents, bien plus que Ronald Reagan qui a quitté le pouvoir à 77 ans, après avoir effectué deux mandats successifs. Mais Biden se présente, dit-il, pour défendre la démocratie face à son éternel rival Trump qu’il voit comme une menace pour la nation. Ces deux candidats qui se détestent, veulent en découdre pour la deuxième fois, donnant une piètre image du pays et de sa démocratie, alors que les dangers, les crises les périls s’accumulent à travers la planète.

Dans le premier clip de campagne des démocrates, le message était on ne peut plus clair. Ce parti met en garde des américains contre la menace extrême que représente Trump et ses partisans à la démocratie américaine. En diffusant des images de l’attaque du Capitole durant l’investiture de Biden en janvier 2021, Biden a cherché à se présenter comme le défenseur et la digue qui reste pour protéger la démocratie américaine menacée selon lui par Trump et ce qu’il représente.

Les républicains et à leur tête Trump ont sauté, eux aussi, sur l’occasion de la publication du rapport du procureur Hur, qui est un républicain, pour s’en prendre à Biden en personne. Lorsque l’on n’a pas les facultés requises pour être jugé, on n’a certainement pas les facultés requises pour être dans le bureau oval, a asséné le chef de file des républicains à la Chambre des députés Mike Johnson. Quant à son collègue Kevin Hern député de l’Oklahoma, il pense qu’un homme âgé et à la mémoire défaillante n’a pas a avoir les codes nucléaires.

Trump qui est également poursuivi pour détention de documents confidentiels, et dont le procès est reporté au mois de mai, a critiqué l’indulgence de la justice à l’égard de Biden. Il a réagi par un communiqué dénonçant un système judiciaire à deux vitesses. L’affaire des documents de Biden est différente de la mienne a-t-il relevé, mais cent fois plus grave encore. Et pour se dédouaner, il déclarait qu’il n’a rien fait de mal et qu’il a plus coopéré avec les enquêteurs que Biden. Comme à son habitude, Trump saisit chaque évènement pour parler d’abord de lui et en bien, puis en mal contre ses autres adversaires politiques.

Mais dans la société américaine la vieillesse des politiques n’est pas dans l’absolu un handicap. Elle touche en réalité toute la classe politique et les institutions du pays. Au Congrès un élu sur quatre a plus de 70 ans en raison de l’absence de limitation du nombre de mandats. La branche judiciaire n’est pas épargnée non plus, avec une large part de postes de juges qui ne sont pas soumis à une limite d’âge. Idem pour la Cour Suprême dont les neufs juges sont élus à vie. Comment dès lors limiter uniquement l’âge des candidats à la présidence comme le souhaitent certains députés américains ?

Ce sont surtout les effets de la sénilité sur la fonction présidentielle qui préoccupent le plus l’Amérique. Les troubles de comportement semblent plus prononcés chez Biden que chez Trump, bien que ce dernier ait lui aussi confondu les noms de certains chefs d’Etat et de personnalités américaines pourtant proches de lui. Gouverner avec un président malade présente certainement des risques et des défis au bon fonctionnement de l’État fédéral. Cependant, des mécanismes institutionnels existent pour assurer la stabilité et le bon fonctionnement de l’État.

En cas d’incapacité, de démission ou de décès, la constitution américaine prévoit que le vice-président assure immédiatement la succession et termine le mandat. L’ordre de succession prévoit ensuite de désigner aussi le président de la Chambre des représentants en cas de nécessité. Ce 25e amendement a été ajouté à la constitution en 1967 après l’assassinat de John Kennedy en 1963, et pour permettre une fluidité dans la continuité dans la gestion politique du pays en cas de crise.

Depuis, tous les présidents américains communiquent sur leur état de santé pour rassurer en priorité leurs citoyens. Cette communication systématique, entrée dans les traditions et les mœurs politiques du pays, a permis de maintenir la confiance et éviter que rumeurs et spéculations ne viennent ruiner la confiance dans les institutions. Des dispositions constitutionnelles et légales définissent les procédures à appliquer en cas d’incapacité permanente ou de décès du président en pleine fonction.

Le duel Biden-Trump, qui a commencé tôt cette fois-ci et qui va durer toute l’année, sera fratricide et nous réservera sans doute bien des surprises en raison des caractères bien trempés des deux protagonistes. Biden veut défendre son bilan et tenter un deuxième mandat en dépit de son âge avancé, quand Trump cherche pour sa part à prendre sa revanche après son échec cuisant en 2020 pour se faire réélire.

Pour chauffer l’ambiance, Biden qualifiait récemment Trump de nazi en l’accusant de traiter ceux qui s’opposent à lui de vermine. Il parle du sang de l’Amérique qui est empoisonné faisant écho exactement au même langage que celui utilisé par l’Allemagne nazi, a-t-il remarqué. Trump n’a pas tardé à lui répondre, non sans ironie, et en des termes encore plus crus. Joe la crapule a organisé un meeting pathétique pour attiser les peurs, l’avez-vous vu ? Il bégayait tout le temps, a-t-il surenchéri. Nous n’avons jamais été proches d’une guerre mondiale que maintenant. Je suis le seul candidat capable de sauver l’Amérique de chaque désastre causé par Biden dès le premier jour, dixit Trump

La campagne a à peine débuté que les coups fusent entre Biden et Trump sous le regard amusé du public américain. L’opinion internationale est aussi sidérée de voir la puissance américaine s’égarer dans une politique d’invectives indigne de sa puissance, et du rôle qu’elle est censée assumer pour donner d’elle-même une image qui puisse rassurer et faire rêver encore les autres nations, comme ce fût le cas par le passé. Washington, qui fait face à de graves crises internationales qui remettent en cause sa puissance et son rôle dans le monde, semble s’enfoncer dans des polémiques stériles internes qui sont du pain béni pour tous ses nombreux adversaires qui n’attendent que son affaissement.

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