La lecture de Najib Ba Mohammed des projets de textes sur les élections et les partis

Après avoir pris connaissance du contenu des 4 projets de lois organiques sur les élections et les partis, adoptés en Conseil des ministres, le constitutionnaliste Najib Ba Mohammed nous livre sa lecture de ces textes et de leur portée sur le prochain processus électoral. Selon ce professeur de droit, leur adoption est venue à point nommé pour pallier certaines lacunes constitutionnelles et renforcer la démocratie dans une période risquée, de profond marasme économique et désaffection politique des citoyens marocains.

La lecture de Najib Ba Mohammed des projets de textes sur les élections et les partis

Le 16 février 2021 à 18h29

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

Après avoir pris connaissance du contenu des 4 projets de lois organiques sur les élections et les partis, adoptés en Conseil des ministres, le constitutionnaliste Najib Ba Mohammed nous livre sa lecture de ces textes et de leur portée sur le prochain processus électoral. Selon ce professeur de droit, leur adoption est venue à point nommé pour pallier certaines lacunes constitutionnelles et renforcer la démocratie dans une période risquée, de profond marasme économique et désaffection politique des citoyens marocains.

- Médias24 : Pourquoi ces 4 projets de lois organiques aujourd’hui ?

- Najib Ba Mohamed : C’est une action normative et institutionnelle qui s’impose chaque veille de scrutin. En effet, une loi organique est prévue par la Constitution pour la compléter surtout qu’une fois établie, elle doit être améliorée sous peine de rester figée dans le moment de son établissement.

La vie qui continue a besoin de mesures d’applicabilité de la Constitution toutes les fois où la nécessité le recommande mais dans le même temps, il y a le post-Constitution qui est la capacité du système à absorber le changement.

Sachant qu’entre 2011 et 2021, il y a eu deux mandats électoraux consommés ou en voie de l’être, nous sommes dans une phase pré-électorale où il faut restructurer et opérer une refonte du système.

- Que dire des projets de lois organiques sur les deux chambres parlementaires ?

La Chambre basse nécessitait une nouvelle loi organique relative au mode de scrutin électoral après le grand débat, puis la difficulté d’obtenir un consensus des partis autour, par exemple, du seuil électoral.

Même chose pour la Chambre des conseillers sachant que la Chambre haute avait également besoin d’un toilettage, étant donné qu’elle a une vocation territoriale avant d’être nationale.

En effet, ce n’est pas un second Parlement qui partage les mêmes compétences car la Constitution a bien précisé que c’est une chambre à vocation strictement régionale même si elle a parmi ses composantes des éléments des chambres professionnelles.

Dans cette loi organique, il est question de réformer la représentation du personnel des chambres professionnelles pour garder un groupe parlementaire mais aussi alerter l’élite professionnelle locale qu’elle ne sera pas abandonnée et ne sera pas/plus dépendante des amitiés politiques nouées.

- Quelle est l’urgence ?

Globalement, l’adoption de ces quatre projets de lois s’inscrit dans l’ordre de la nécessité qui nous montre le degré de séparation des pouvoirs en vue de leur collaboration future dans un idéal d’équilibre.

En effet, le Conseil des ministres qui a adopté ces textes a un vrai pouvoir d’action qui permet au Roi de réguler le fonctionnement des institutions, type représentativité électorale, pour avoir un droit de regard et de contrôle sur les grandes orientations imposées par des circonstances particulières

- Comme lors de la crise sanitaire ?

Absolument, car on a vu que le Souverain s’est investi personnellement pour gérer cette pandémie.

Période pré-scrutin oblige, le ministère de l’Intérieur a donc organisé des rencontres avec les partis politiques pour recueillir leur point de vue sur ses propositions en matière d’organisation électorale.

Il y a donc eu des discussions à huis clos entre le ministère de tutelle et les représentants des partis politiques au sein d’une commission législative qui va proposer des amendements en vertu des règles techniques de la procédure du vote bloqué, qui font que les amendements sont libres sous réserve d’être acceptés par le ministère de l’Intérieur qui patronne ce projet de révision électorale.  

- Quid des projets de lois organiques relatifs aux collectivités territoriales et partis politiques ?

Selon moi, le projet de loi organique relatif à la restructuration des collectivités territoriales est une loi appendiculaire qui s’ajoute aux autres et notamment à celle relative à la Chambre des conseillers qui est une chambre territoriale.

En effet, cette loi organique comporte un élément essentiel, inscrit dans la Constitution, qui est le principe du cumul des mandats et qui est en réalité un cumul partiel conditionné à certains éléments.

Ainsi, un représentant communal ne pourra plus cumuler sa fonction avec celle d’un conseiller à la chambre haute ou d’un président d’une commune de plus de 300.000 habitants.

C’est donc une application conditionnelle du principe de la règle du non-cumul des mandats.

- L’augmentation prévue de la représentation féminine va-t-elle vraiment aboutir ?

C’est une avancée extraordinaire qui va se manifester au niveau de la participation électorale dans le cadre d’une liste régionale, en parfaite adéquation avec le principe de régionalisation avancée.

Ceci-dit, je crois que ce changement rendra plus rude la bataille pour imposer les femmes dans la carte politique.

- Pour quelles raisons ?

Parce que dans ces nouvelles listes régionales, on entre dans une logique de discrimination positive alors que la Constitution part du principe de l’égalité des chances donc de moyens. En même temps, son article 19 précise que l’Etat doit œuvrer à réaliser la parité.

En d’autres termes, l’objectif de parité qui est à la charge des autorités publiques compétentes doit d’abord passer par l’accomplissement obligatoire d’un certain nombre de conditionnalités.

Au Maroc, le volet électoral est justement un des paramètres de l’évolution de cette parité.

- Cette parité souhaitée sera-t-elle totale (50/50) dès 2021 ?

Elle ne sera jamais complète car il y a plusieurs discriminants entre les femmes et les hommes comme par exemple un accès à la fonction publique où elles sont largement sous-représentées.

Aux élections législatives de 2016, on a voulu réduire cette sous-représentativité en attribuant 90 sièges aux femmes et aux jeunes dans une liste nationale ; et il y a eu une telle bataille rangée au sein des partis politiques que l’on a choisi pour le scrutin de 2021 de retenir la décentralisation régionale.

- C’était donc un échec à ne pas reproduire ?

Plutôt une manière de rapprocher les femmes du corps électoral. Mais il a fallu faire la part des choses en prenant d’abord et surtout en considération la place des femmes dans leur parti politique.

- Tout doit donc commencer dans les partis politiques ?

Absolument et cela m’amène à une transition pour évoquer la loi relative aux partis politiques, non pas en termes de restructuration, mais plutôt de moyens qui doivent leur être attribués.

En effet, c’est une question redoutable qui se pose à chaque veille d’élection pour montrer les capacités de l’Etat à pourvoir correctement aux besoins financiers des partis politiques. Que ce soit en période normale ou dans le cadre d’une campagne électorale où l’argent demeure le nerf de la guerre qui doit être sous le contrôle de l’Etat.

En fait, la moralisation est l’éternel problème de la vie politique dans des scrutins, où l’argent sale pourrait s’infiltrer et avoir des répercussions sur la qualité de l’élite qui remportera les scrutins.

C’est donc toute une sociologie électorale à destination des partis politiques qui sont appelés à jouer le jeu et à utiliser cet argent public pour mener à bien leur campagne avec des jeunes compétences.

- Au final, ces quatre projets de lois organiques constituent-ils une véritable avancée ?

- Oui d’autant plus que leur adoption relève encore une fois de l’ordre de la nécessité avec un calendrier serré d’élections qui devraient se dérouler en juillet ou septembre au plus tard.

- Aux scrutins de 2026, faudra-t-il refaire le même exercice de produire de nouvelles lois organiques ?

En effet, la loi devra encore s’adapter aux électeurs et aux territoires qui peuvent évoluer en 5 ans. 

Il y a aussi une question d’enjeu partisan et de stratégie d’encadrement des partis politiques. Sachant qu’on veut continuer à provoquer des alliances stratégiques grâce à la loi électorale relative à la représentation proportionnelle au plus fort reste qui favorise les plus petits partis.

Ce mode de scrutin est plus que d’actualité car aucun parti ne peut avoir seul la majorité absolue.

Il y a donc un jeu d’alliances nécessaires qui devront se construire sur la base d’une logique de rationalité et pas de marketing.

- Quid du scrutin uninominal à 1 ou 2 tours ?

Aujourd’hui, il semble que nous n’allons pas évoluer et que nous allons maintenir le scrutin à la représentation proportionnelle, car aucun élément ne laisse penser le contraire.

Selon moi, le système n’est pas prêt à revenir à l’époque du scrutin uninominal surtout à deux tours car les gens n’ont vraiment pas la tête à s’intéresser à une réforme du processus électoral.

- Comment qualifier cette époque pré-électorale ?

La phase actuelle est très importante car elle constitue une alerte démocratique avec un moment critique pour les forces vives de la Nation qui se désintéressent de plus en plus de la politique

A partir de là, il faut éviter toute rupture entre l’Etat et la société ; d’autant plus que le déficit actuel de confiance est de plus en plus palpable sur le terrain et que cette dernière doit être rétablie sous le contrôle de l’Etat…

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