Marchés publics: le chemin vers la transparence est encore long
Opacité, non respect de la législation, conflits d'intérêts... Autant de problèmes qui minent les marchés publics, d'après les experts.
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Amine Belghazi
Le 27 novembre 2015 à 10h42
Modifié 27 novembre 2015 à 10h42Opacité, non respect de la législation, conflits d'intérêts... Autant de problèmes qui minent les marchés publics, d'après les experts.
Représentant près de 20% du PIB marocain, les commandes publiques, censées faire partie des leviers de croissance du pays, souffrent d'un grand nombre de dysfonctionnements.
Les différents acteurs estiment que la législation, malgré son caractère lourd et contraignant, n'est pas respectée dans la pratique. Le rapport de force entre les maîtres d'ouvrages et les acteurs économiques penche en faveur des structures publiques.
Le risque de corruption reste très élevé
Présent à l'occasion d'une rencontre organisée le 25 novembre par Transparency Maroc conjointement avec la fondation Heinrich Böll, le directeur du pôle Support de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC), Abdellatif Mouatadid, a énuméré une série de risques procéduriers liés aux marchés publics. En tout, ce sont 214 points liés aux différentes étapes par lesquelles passent les marchés publics présentant un risque plus ou moins élevé de corruption.
"L'ICPC a réalisé une cartographie des risques, représentés sous forme de matrice qui englobe les différents processus et sous-processus. Nous avons identifié plusieurs sources de vulnérabilité au niveau de la préparation de la procédure du marché public et également lors de son exécution", a déclaré le directeur du pôle support de l'ICPC.
De manière globale, deux grandes défaillances sont constatées. Il s'agit du contrôle des procédures et des voies de recours.
"La Commission nationale des commandes publiques est l'organe en charge de la gestion des réclamations et des contentieux. Nous avons constaté, lors de notre étude, que cette commission souffre de plusieurs lacunes. Citons l'indépendance, les moyens, le mode de fonctionnement interne, etc. L'ICPC a formulé des recommandations, en insistant sur la nécessité de doter cet organe d'une réelle indépendance. Ces remarques n'ont pas été prises en compte", nous apprend Abdellatif Mouatadid.
Des dépenses publiques qui ne créent pas de richesse
De son côté, Bachir Rachdi, président de la commission Ethique et bonne gouvernance au sein de la CGEM, estime que le mode de passation des marchés publics ne prend pas en compte l'efficacité de la dépense.
Et pour cause, "le Dahir sur le règlement de la comptabilité publique date de 1917. Il est toujours en vigueur malgré sa désuétude, car il ne prend pas en considération l'aspect efficacité dans la dépense publique", a-t-il déclaré. Et d'ajouter: "Une enquête réalisée auprès des clients publics et privés d'une banque montre que les structures publiques endossent un surcoût moyen de 30% par rapport aux entreprises privées."
Un autre exemple illustre l'inefficacité de la dépense publique, selon B. Rachdi: "Entre 2007 et 2011, la dépense publique a progressé en moyenne de 30% sans que cela n'ait un réel impact sur la croissance. Au lieu de créer de la richesse nationale, ces dépenses ont fait la richesse d'autres pays."
Un décret lacunaire et souvent non respecté
Du point de vue de la réglementation, le Maroc s'est doté d'un texte lourd et contraignant comportant 173 articles, entré en vigueur en 2014, et contenant des dispositions qui ne permettent d'améliorer ni la transparence ni la qualité des prestations rendues. "Le décret sur les marchés publics est lacunaire. Il prévoit par exemple un audit systématique pour les marchés supérieurs à 5 millions de DH.
Une aberration, selon B. Rachdi: "Ce montant est à rapporter à la nature de la prestation rendue. Car quand il s'agit de grands chantiers tels que la construction d'une autoroute, cette somme est dérisoire. En revanche, lorsqu'il s'agit d'un service, 5 millions de DH est un budget important."
Dans la pratique, les professionnels remarquent que le décret n'est pas respecté. Comme le note Abderrahim Raounak, consultant auprès de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics: "Le principal problème est celui de l'application des textes en vigueur."
Une meilleure communication pour lutter contre la fraude
Par ailleurs, les experts présents à la table font remarquer que de gros efforts restent à faire en ce qui concerne la communication. Bachir Rachdi plaide pour un accès effectif à l'information, une mesure qui contribuera, selon lui, à limiter les cas de fraude et de corruption, et à moraliser la gestion des deniers publics. "La mise en place d'une plateforme de passation permettra de responsabiliser les parties prenantes et favorisera la reddition des comptes", estime-t-il.
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