Politique monétaire. L’impact met généralement plus d’un an à se faire sentir (Pr Elhiri)

La politique monétaire constitue un levier essentiel pour réguler l’économie, mais son efficacité repose sur de nombreux facteurs, allant de l'ajustement du taux directeur à l’inclusion financière. Ainsi, comment la Banque centrale parvient-elle à stabiliser l’économie en modulant les taux d’intérêt ? Quels sont les principaux canaux de transmission de la politique monétaire, leur véritable impact et le délai de répercussion ?

Politique monétaire. L’impact met généralement plus d’un an à se faire sentir (Pr Elhiri)

Le 18 juin 2024 à 12h09

Modifié 18 juin 2024 à 10h19

La politique monétaire constitue un levier essentiel pour réguler l’économie, mais son efficacité repose sur de nombreux facteurs, allant de l'ajustement du taux directeur à l’inclusion financière. Ainsi, comment la Banque centrale parvient-elle à stabiliser l’économie en modulant les taux d’intérêt ? Quels sont les principaux canaux de transmission de la politique monétaire, leur véritable impact et le délai de répercussion ?

La politique monétaire de la Banque centrale, qu'elle soit expansionniste ou restrictive, utilise divers canaux de transmission pour influencer la sphère économique réelle. Bien qu'il en existe d’autres, le principal canal de transmission au Maroc est le taux d’intérêt bancaire.

En marge du Colloque international sur les recherches en macroéconomie, économétrie et finance (CIRMEF), tenu les 13 et 14 juin à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Fès, sur le thème "Indépendance des Banques centrales et conduite des politiques monétaires : un questionnement empirique sur les mécanismes de transmission", Médias24 s’est entretenu avec le Pr Abderrazak Elhiri, directeur du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en économie, finance et management des organisations (LIREFIMO), pour discuter de la politique monétaire et des canaux de transmission.

Selon le Pr Elhiri, la transmission de la politique monétaire consiste en l'analyse de l'impact des décisions monétaires sur l'activité économique réelle.

"Concrètement, il s'agit d'examiner comment des modifications du taux directeur, par exemple, influencent la consommation, l'investissement, ainsi que la demande et l'offre globales. Cette analyse se focalise sur les changements de comportement des agents économiques, tels que les ménages et les entreprises, suite à une décision de politique monétaire. Dans un contexte d'inflation, la Banque centrale peut décider d'augmenter le taux directeur pour réduire la demande et stabiliser les prix. Par exemple, en février 2023, le Maroc a connu un niveau d'inflation à deux chiffres, incitant Bank Al-Maghrib à adopter une telle mesure.

"Les principaux canaux de transmission de la politique monétaire selon Bank Al-Maghrib sont le taux d'intérêt et le canal du crédit. Lorsque la Banque centrale souhaite mener une politique monétaire restrictive pour maîtriser l'inflation, elle augmente le taux d'intérêt. Cela rend le crédit plus coûteux, réduisant ainsi la demande. Inversement, pour stimuler la croissance et promouvoir la demande globale, la Banque centrale peut baisser le taux directeur, rendant le crédit plus accessible".

Cependant, l’efficacité de la transmission directe du taux d’intérêt directeur sur le taux d’intérêt bancaire reste à débattre.

"L'efficacité du canal du taux d'intérêt sur les taux des banques commerciales n'est pas toujours directe ni immédiate. Ce phénomène est souvent appelé le Price puzzle. En effet, manipuler le taux directeur pour influencer le crédit et, par conséquent, la demande de crédit, n'aboutit pas toujours aux résultats escomptés. L'inflation peut avoir plusieurs sources : monétaire, entraînée par la demande, par les coûts, ou encore par des structures économiques défaillantes. Par exemple, des ententes entre les distributeurs de carburant ont maintenu les prix du carburant élevés, augmentant ainsi les coûts de production et nourrissant l'inflation.

"La hausse du taux directeur a certes entraîné une augmentation des taux débiteurs et, dans une moindre mesure, des taux créditeurs, mais cela n'a pas significativement réduit la demande de crédit. L'économie marocaine repose fortement sur le crédit bancaire en l'absence d'alternatives telles qu'un marché boursier développé. Ainsi, dans notre contexte, seulement 75 à 76 entreprises sont cotées en bourse. Par conséquent, la majorité des entreprises doivent recourir au crédit bancaire pour se financer", souligne notre interlocuteur.

En ce qui concerne l'efficacité, les différentes études effectuées dans divers contextes et pays montrent une efficacité variable, car celle-ci dépend de la conception de la politique monétaire, laquelle est étroitement liée à la modélisation de la réalité économique du pays.

"De nombreuses études comparatives ont été réalisées, aussi bien par des chercheurs universitaires que par des experts de la Banque centrale, pour évaluer l'impact du changement du taux directeur sur l'économie réelle via les taux d'intérêt bancaires et le canal du crédit. Les résultats montrent que l'impact peut être faible, car l'inflation n'est pas toujours d'origine monétaire. Le délai de l’impact varie généralement entre 12 et 18 mois, selon la taille de l'économie et le taux d'inclusion financière. Dans les pays où le taux de bancarisation est faible, l'impact de la politique monétaire sera limité.

"La modélisation macroéconomique, notamment via des modèles néo-keynésiens à agents hétérogènes, progresse peu à peu, permettant une meilleure conception des politiques monétaires en tenant compte de l'hétérogénéité des ménages et des entreprises.

"Au Maroc, l'impact de la politique monétaire est souvent limité par des facteurs comme l'analphabétisme, qui restreint l'accès aux services financiers. L'inclusion financière, essentielle pour une politique monétaire efficace, passe par la lutte contre l'analphabétisme et la pauvreté.

"La stratégie nationale d'inclusion financière est donc primordiale. En outre, la politique monétaire marocaine ne se limite pas aux variables monétaires, mais prend en compte l'ensemble des variables macroéconomiques et sociales, comme le montrent les analyses trimestrielles de la Banque centrale qui couvrent tous les aspects de l'économie, y compris les finances publiques et les échanges extérieurs. La politique monétaire fait ainsi partie intégrante d'un cadre socio-économique global", conclut le professeur Elhiri.

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